Chapitre 35 - partie 2

En temps normal, Lyly ne parvenait pas vraiment à sortir Théo de son crâne, mais maintenant qu'elle en savait davantage sur lui, ne pas penser à lui relevait de l'impossible. Elle ne parvenait pas à imaginer Théo dans le couloir, les bras en l'air, le visage couvert de traces de sang. Il avait vu son père mourir devant ses yeux. Quant à sa mère, elle n'en savait pas plus. Peut-être le voisin l'avait-il abattu avant, d'où les coups de feu qu'il avait entendu alors qu'il s'approchait de son père dans le couloir.

Comme prévu, Lyly, Mathilde et Olivia se rejoignirent devant la porte de leur dernière salle de cours à dix-neuf heures. Elles arrivèrent chez Mathilde vingt minutes plus tard, et s'assirent sur le petit canapé plaqué au mur près de la baie vitrée. C'était un petit studio chaleureux dans lequel Mathilde se plaisait visiblement très bien. Elle y habitait depuis deux ans et ne souhaitait pas le laisser à quelqu'un d'autre pour rejoindre une collocation. Dans le passé elle avait déjà tenté de louer un même appartement avec plusieurs autres étudiants, mais cela ne s'était pas si bien passé, et elle avait attendu la fin de l'année universitaire pour s'en aller. Habiter avec des personnes qu'elle ne connaissait pas ne lui avait pas plu. Elle avait tenté d'apprendre à les connaître, mais remarquant qu'ils se connaissaient déjà tous et qu'ils n'avaient pas le même mode de vie qu'elle, elle avait laissé tomber et avait passé le plus clair de son temps dans sa chambre, évitant au maximum les autres étudiants de la collocation.

Mathilde s'assit sur un petit pouf en face de ses camarades de classe et déposa sur la petite table placée entre elles trois verres de jus de fruits.

- Je suis désolée j'avais oublié que je n'avais plus de bières chez moi. J'ai pas fait les courses depuis un moment, grimaça-t-elle. C'est compliqué les fins de mois...

- Pas de souci, répondit Lyly en souriant. Un verre de jus de fruits me va très bien.

- Moi aussi, même si boire de la bière m'aurait pas déplu.

Olivia et Mathilde pouffèrent. Elles trinquèrent toutes ensemble, le sourire jusqu'aux oreilles.

- J'ai bien aimé travailler avec vous, c'est pas souvent que je tombe sur des filles aussi bosseuses, reprit Mathilde.

- C'est clair, moi non plus. La plupart du temps il y en a toujours un qui fait tout au dernier moment, un autre qui est perdu puis encore un autre qui fait rien et s'en tire quand même avec une bonne note grâce au reste du groupe.

- Ça craint tellement, rétorqua Lyly en pensant à son ancien travail avec Antoine. Je n'aime vraiment pas les travaux de groupe.

- Ah mais c'est toi qui avais fait un travail avec Antoine, non ? demanda Olivia. T'es vraiment tombée sur le plus gros cancre de la classe.

- Vous vous parlez plus, si ?

- Plus trop, non.

Lyly avala une gorgée de son verre et le garda entre ses mains.

- Il a fait quoi ?

La jeune fille regarda Olivia et haussa les épaules.

- Il est un peu trop envahissant à mon goût... Il est... Elle réfléchit et frissonna en repensant à sa main glissant sur sa cuisse. Il est vraiment trop intrusif.

- C'est un gros dragueur aussi, lança Mathilde en vidant son verre. Il a déjà essayé de me draguer mais je l'ai rembarré.

- Ah bon ? demanda Lyly, curieuse.

- Ouais, t'étais pas là en début d'année. Vers octobre il m'a proposé de sortir plusieurs fois mais j'ai refusé. Quand il a demandé mon numéro pour le sixième fois je l'ai envoyé bouler et il m'a plus jamais reparlé.

Olivia explosa de rire.

- Je m'en souviens. Même ses potes se sont foutus de lui !

- Exact. Quel crétin, ce mec.

Olivia avala la moitié de son verre.

- Et toi, Lyly. T'as un mec ?

La concernée baissa instinctivement le visage et sentit ses joues rougir. Bordel, il n'était pas question de parler de Théo. C'était leur enseignant... Mais c'était si tentant. C'était si tentant de parler de lui sans vraiment révéler son identité. Il méritait qu'elle parle de lui. De l'homme extraordinaire qu'il était. Il méritait qu'elle parle de la personne qui la rendait peu à peu meilleure.

- Ohhhh mais c'est qu'elle rougit, plaisanta Olivia. Vas-y raconte, je veux tout savoir !

Lyly haussa les épaules et releva le visage vers Mathilde qui la regardait, un sourire amusé sur le visage.

- J'ai quelqu'un, oui.

- Il est à l'université ? demanda aussitôt Olivia, excitée.

- Non.

Il était question de ne pas trop en dire. Si elle disait qu'il était à l'université, elles chercheraient, et finiraient peut-être par deviner, ce qu'elle ne souhaitait pas.

- Oh merde. T'as une photo de lui ?

Lyly hocha la tête que non et se rendit brusquement compte qu'elle n'avait absolument aucune photo avec lui.

- Et t'es avec depuis combien de temps ? continua Olivia.

- Quelques mois. On n'a pas vraiment de date précise, en fait. Les choses se sont faites comme ça.

- Putain, trop bien, lança Mathilde. J'espère qu'on le verra un jour !

- Et vous, alors ? tenta Lyly.

- Célibataire jusqu'à la moelle ! répondit Olivia en rigolant. Aucun mec en vue ni rien. Je commence à désespérer.

- Moi je vois un mec en ce moment, il est plutôt sympa, mais je sais pas trop où ça va me mener. C'est un gros fêtard, j'arrive pas à suivre la cadence.

Toutes trois explosèrent de rire.

- Non mais je vous jure ! Le mec il fait la fête le lundi, mardi, jeudi et vendredi. Et le week-end il veut remettre ça avec moi, sauf que moi je suis crevée. Il va finir par me tuer avec ses sorties à la con.

- Bah dis-lui non, dit Olivia en buvant le fond de son verre. Surtout que les partiels approchent.

- C'est vrai. Mais bon... J'avoue que j'aime bien être avec lui. Il embrasse comme un Dieu, bordel.

Olivia explosa de rire.

- T'es vraiment un cas désespéré !




En rentrant dans les alentours de vingt heures trente, Lyly proposa à John et sa cousine d'organiser un dîner avec Théo. Elle prétexta vouloir passer plus de temps avec tous les trois, et passa sous silence qu'elle souhaitait surtout lui changer les idées et ne pas le laisser seul. John lui répondit que c'était une bonne idée, avant de se faire rappeler par Ashley qu'il y avait un voyage organisé par l'université, et que Théo faisait partie des accompagnateurs, et ce jusqu'au mardi soir suivant.

Après le repas, Lyly prit son téléphone et vint s'asseoir au milieu de son lit. Elle plia ses jambes en tailleur, afficha la conversation qu'elle avait eu avec Théo, et tapota sur son écran. Il était sûrement avec son ami, il n'était encore que vingt-deux heures, mais cela lui était égal. Elle voulait au moins lui parler avant qu'il s'en aille.

- J'ai appris ce soir que tu partais en voyage dans le cadre des cours... Bon voyage.

Elle reposa son téléphone sur sa couette, pensive. Son père n'avait pas redonné signe de vie depuis qu'il avait quitté la maison de sa cousine la veille. Il n'avait pas non plus essayé de la recontacter. Avait-il baissé les bras ? Son téléphone vibra. Elle le reprit.

- J'ai oublié de t'en parler, excuse-moi. J'avais prévu de te le dire, mais ce n'était jamais le bon moment.

- Quand ça ?

Lyly frissonna en lisant sa réponse.

- Chez ta mère.

Décidément, la réaction qu'elle avait eu chez sa mère avait eu bien plus de conséquences que ce qu'elle avait pu penser. Elle avait tout gâché. D'ailleurs, elle ne savait toujours pas pourquoi il avait préféré parler de sa bagarre à Laure la psychologue plutôt qu'à elle.

Son téléphone vibra une seconde fois.

- Je reviens mardi soir.

- Donc on n'aura pas cours avec toi.

- C'est exact. Le secrétariat devrait vous envoyer un mail pour vous prévenir. Il est clair que mon cours va te manquer...

Elle pouffa tout en pianotant sur son écran.

- J'aurai sûrement d'autres occasions de voir ton postérieur moulé dans un de tes fameux pantalons.

Elle envoya le message et se mit à ricaner toute seule. Il était clair qu'il était en train de sourire en ce moment-même. Cela lui ressemblait si bien. Lorsque son téléphone vibra de nouveau entre ses mains, elle hocha la tête d'amusement et ouvrit le message.

- Je n'en doute pas. Mais dis-moi, il n'y a décidément que mes fesses qui te plaisent. Je ne pensais pas ça de toi, Lyly.

Elle sentit ses joues s'embrunir. Maintenant qu'elle y pensait, il était vrai qu'elles avaient rapidement attiré son attention. Tout comme l'attention des filles de sa classe.

- Je suis sûre que tu ne te gènes pas pour regarder celles des autres, ne fais pas l'innocent, monsieur Pavinkis.

Elle se leva de son lit et passa à la salle de bain se mettre de la crème sur son épaule ainsi que son poignet. Elle se brossa ensuite les dents et réapparut dans sa chambre dix minutes plus tard.

Lyly s'étendit sur son lit, la chambre plongée dans le noir, et ouvrit le message que Théo lui avait envoyé il y a cinq minutes de cela.

- Celles des autres je ne sais pas, mais les tiennes je les visualise très bien.

Lyly posa son téléphone sur son lit et fit naviguer son regard dans sa chambre, pensive, d'où elle ne percevait plus grand chose par le manque de lumière.

Jusqu'à quand cela durerait-il avant qu'il ne vienne lui dire ouvertement qu'il souhaite passer à l'étape supérieure ? Quand tenterait-il d'aller plus loin ? Lyly soupira. Elle ne savait pas comment faire. Elle se sentait bien avec lui, elle ne s'était jamais sentie aussi bien auprès d'un homme, hormis Chris et son père. Mais, Théo, cela était différent. Ils s'embrassaient, se touchaient, et elle lui avait mis plus d'une fois un stop alors qu'il semblait vouloir aller plus loin. Jusqu'à quand supporterait-il tout cela ? N'allait-il pas se lasser ?

Elle tapa sur son écran, hésitante. Elle ne voulait pas se prendre la tête avec lui. Mais elle savait qu'il souhaitait qu'elle s'ouvre davantage. Et cela voulait dire communiquer, dire ce qu'elle ressentait. Et elle avait du mal à parler de tout cela, et davantage de... sexe. Penser à cela lui arrivait, elle se posait d'ailleurs pas mal de questions, mais en parler avec Théo lui foutait la trouille. Il avait sûrement connu d'autres femmes avant elle, il avait probablement de l'expérience... mais pas elle.

- Ça me fait peur tout ça.

Elle lâcha son téléphone sur son lit et se cacha le visage de ses deux mains, comme si Théo pouvait la juger du regard d'où il était. Son téléphone vibra.

- De quoi tu parles ?

Elle sentit son cœur s'emballer dans sa poitrine et son visage se réchauffer. Et en plus de cela il ne comprenait pas de quoi elle pouvait parler. Merde.

- Tout ce qui est physique... Je veux dire, quand on est en couple, et tout ça. Tu sais, aller plus loin.

Lyly se recouvrit les yeux, honteuse. Elle ne parvenait même pas à lui dire ouvertement de quoi elle parlait. Elle se sentait pathétique. Tellement pathétique.

- Tu veux parler de sexe ?

Lyly se sentit s'enfoncer dans son lit et ses joues lui brûler. Ça y est, elle avait dépassé son quota de honte pour la journée. Tout compte fait elle avait bien fait de parler de cela via son téléphone, elle ne pouvait pas voir le visage de Théo, et cela en était mieux ainsi. Voir ses réactions faciales aurait été trop gênant. Son téléphone vibra de nouveau.

-Je sais bien que tu gênée de parler de sexe, Lyly. Je sais que tu n'es pas à l'aise avec ça, je l'ai remarqué. Mais tu n'as pas à être gênée avec moi. On en parlera quand on se verra.

- Je suis gênante... Je ne sais pas comment tu fais pour me supporter.

Elle ne comprenait toujours pas pourquoi c'était elle et non pas une autre. Elle ne comprenait vraiment pas. Mais y avait-il quelque chose à comprendre ?

- Je crois surtout que tout ce que tu n'aimes pas chez toi me rend dingue. Et, avoir peur, hésiter n'est pas une honte. J'aimerais vraiment que tu comprennes ça. Il n'y a pas de tabous avec moi. Si tu veux parler de sexe, parlons-en. Si tu veux parler de tes ressentis, parlons-en. Je m'en fous, je veux juste qu'on parle, que tu ne sois pas gênée avec moi.

À quel moment un homme pouvait-il être aussi compréhensif, patient, doux, attentif ? Si elle n'avait pas aménagé chez sa cousine elle serait passée à côté d'un pur bijou. Une pure merveille. Putain. C'était le destin, ça ne pouvait être que ça.

- Je ne sais pas ce que j'ai fait pour te mériter. Je te jure que je me le demande absolument tous les jours, Théo.

La jeune étudiante bailla et étendit légèrement ses bras au-dessus de sa tête pour s'étirer. Elle avait sommeil. La journée avait été longue. Son téléphone vibra.

- Au lieu de te demander de telles choses et d'autant réfléchir, tu devrais plutôt profiter. Profiter de nous. Il n'y a que comme ça que tu pourras comprendre à quel point ce n'est pas une question de mérite, mais plutôt de logique. On était fait pour se rencontrer. C'est comme ça, et c'est tout.

- Si tu avais été devant moi je pense sincèrement que je me serais jetée sur toi pour t'embrasser. Mais au lieu de ça je suis seule dans ma chambre, alors je vais tâcher d'aller dormir.

Elle bailla une seconde fois et lut le message que Théo venait de lui envoyer.

- Tu m'en dois un, alors. Bonne nuit, Lyly. Fais attention à toi.

- Bonne nuit, Théo. Évite de te faire draguer pendant ton voyage, ça m'éviterait de devoir tuer des gens à ton retour.

- J'y vais pour le boulot, pas pour me laisser draguer par des étudiantes. Ne t'en fais pas. Je me contenterai de penser à toi (et à ton postérieur moulé dans ta robe).

Lyly gloussa et reposa son téléphone sur sa table de chevet. Décidément, tout n'était plus qu'une question de derrières moulés dans des vêtements serrés.

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