Chapitre 32

Hello,

Voici un chapitre un peu plus long que d'habitude, j'espère que vous l'apprécierez quand même.

Bonne lectuuuure,

-G
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Lyly avait passé la soirée de la veille à expliquer à Ashley comment tout avait pu autant changer en si peu de temps entre Théo et elle. Son mensonge, sa sortie pour aller devant chez Théo, son arrivée inattendue, leur discussion, et leur réconciliation. Même si elle n'avait raconté que les grandes lignes et gardé pour elle les discussions sérieuses ainsi que les moments relevant de sa vie privée, voire intime, Ashley l'avait écouté avec attention et s'était dite rassurée pour eux, avant de lui reprocher de lui avoir menti. Lyly s'était excusée, et John était intervenu afin de clore la discussion. Quant au numéro, elle ne souhaitait pas le rappeler. Pas maintenant. Voire jamais.

Au final, tout s'était mieux passé que prévu, bien mieux que ce qu'elle aurait pu penser.

Lyly rangea ses affaires de cours dans son sac, poussa la chaise derrière elle et sortit de la salle avant la bande d'Antoine. Elle l'avait ignoré les quatre heures de la matinée, avait fait semblant de ne pas voir son salut au loin, et était descendue à la cafétéria pour acheter de quoi manger pour le déjeuner.

Comme d'habitude, la queue d'étudiants avait été immense, et elle avait patienté une bonne vingtaine de minutes avant de voir son tour arriver.

Lyly montait désormais les marches pour atteindre le premier étage, où son prochain cours allait avoir lieu dans un peu plus de trente minutes. Elle se cala dans un coin du couloir où le passage se faisait relativement rare, se laissa glisser le long du mur et sortit sa salade composée. À sa plus grande surprise, elle avait bien dormi. Certes, elle avait fait un début de cauchemar, mais il n'avait pas fait long feu et elle avait dormi paisiblement le reste de la nuit. Et elle avait un rendez-vous chez le psychologue le soir-même. De quoi allaient-ils parler ? Elle n'en savait rien. Mais elle espérait qu'il la refasse rire, comme durant leur premier rendez-vous. Cela l'avait aussitôt mis à l'aise, et elle s'était davantage sentie libre de parler, d'exprimer quelques uns de ses ressentis.

Un éclat de rire familier la fit sortir de ses pensées et elle jeta un rapide coup d'œil vers le bout du couloir. Elle aperçut Théo de dos, les mains dans les poches de son jean, accompagné d'une collègue avec qui il semblait bien s'entendre. Lyly entendit vaguement l'enseignante faire référence à un robot, la vit poser sa main sur l'épaule de Théo, qui explosa une seconde fois de rire avant de disparaître au prochain couloir, son sac en bandoulière sur le dos.

Il était clair qu'elle n'aurait jamais la chance de pouvoir plaisanter comme cela avec lui dans l'enceinte de l'université, ni même dans ses alentours, et encore moins de pouvoir le toucher sans que cela puisse porter à confusion et fasse parler les gens. Oui, cela était impossible, au plus grand regret de Lyly. Mais elle tentait de relativiser, de voir le positif dans chaque situation, comme le faisait si bien Théo. Elle ne pouvait pas le toucher comme cela ici, certes, mais elle pouvait le rejoindre chez lui, lui passer les mains dans les cheveux,lui faire naître des frissons en lui caressant lentement le dos, le faire grogner en lui mordillant les lèvres, l'embrasser...

Lyly sortit son téléphone de son sac et se dirigea dans son répertoire. Elle cliqua sur le contact « Théo » qui fit apparaître une nouvelle conversation, et tapota sur l'écran, un sourire en coin. Théo lui avait demandé d'ajouter son numéro, et bien cela avait été fait la veille, et il allait bientôt le savoir.

Tu n'as pas fini de mettre des pantalons comme ça qui te moulent les fesses ? Je vais finir par croire que tu adores autant qu'on te regarde le derrière que tu n'aimes faire de suçons hyper visibles au cou ... (qui mettent d'ailleurs des plombes avant de partir).

Elle posa son téléphone sur son sac, amusée, et avala quelques bouchées de sa salade. Ashley n'était pas venue en cours aujourd'hui, et elle prévoyait ne pas y aller le lendemain non plus, bien trop anéantie par les deux premiers jours de ses règles. Il fallait dire que même les médicaments ne l'aidaient pas à soulager ses douleurs, ce qui n'était pas le cas de Lyly, heureusement.

Son  téléphone vibra sur son sac. Elle mâcha son morceau de poulet et ses quelques bouts de carotte, s'essuya la bouche et prit son téléphone afin d'afficher le message qu'elle venait de recevoir. Un énorme sourire vint se loger sur son visage.

— Je t'avais dit que je pouvais en faire un autre pour équilibrer les deux côtés, mais tu ne m'as pas laissé faire... Et non, j'aime quand mon « derrière » est moulé dans mon pantalon, comme toi visiblement, puisque tu le regardes.

Elle ricana et laissa ses doigts tapoter sur son écran.

— Je ne suis pas un arbre de Noël monsieur Pavinkis... Disons que s'il n'y avait que moi pour le voir, ça irait, mais là c'est carrément toutes les étudiantes qui le regardent à chacun de tes passages. Quel exhibitionniste tu es.

Lyly n'eut pas le temps de finir sa bouchée que son téléphone vibra aussitôt.

— C'est vrai, au temps pour moi. Même si l'image de toi déguisée en arbre de Noël ne me déplaît pas. Oh, mademoiselle serait-elle jalouse ? Tu sais maintenant ce que j'ai ressenti quand je t'ai vu dans ta robe mardi dernier (quand tu boitais divinement bien, dos à moi). Tu étais où tout à l'heure ? Je ne t'ai pas vu.

Lyly resta un instant la bouche entrouverte, offusquée par ce qu'il avait osé écrire entre ses parenthèses. Elle lâcha un petit rire nerveux et but une gorgée dans sa bouteille d'eau avant de lui répondre.

— Que tu es mauvais. J'ai envie de t'insulter, mais heureusement pour toi, tu n'es pas près de moi. Mais tu peux très bien m'imaginer en train de t'adresser mon plus beau majeur. J'étais à l'étage, près du radiateur, où il y a la grande vitre à moitié fêlée.

Lyly reposa son téléphone et piqua sa fourchette dans un morceau d'œuf, un sourire figé sur le visage. Théo était un gamin, un gros gamin même, mais cela lui allait bien. Et il savait être sérieux quand il le fallait.




La jeune étudiante se redressa sur ses jambes, avala rapidement le reste de sa salade en jetant un œil à travers la vitre à sa droite. Il pleuvait, mais heureusement, il n'y avait pas de vent, elle allait pouvoir ouvrir son parapluie sans qu'il ne se retourne s'il continuait de pleuvoir à la fin des cours.

Elle ramassa sa bouteille, enfila son sac et alla jeter son bol en plastique dans la poubelle la plus proche. Elle passa ensuite aux toilettes et se dirigea vers sa salle de cours. Lorsqu'elle sentit son téléphone vibrer, elle le sortit habilement de la poche de sa veste et le lut, amusée.

— Quelle racaille tu es. Moi l'exhibitionniste et toi la racaille, sympa l'image. Je constate un certain relâchement par sms. J'attends avec impatience de t'entendre me dire tout ça en face. D'accord, je comprends mieux pourquoi tu scrutais mon fabuleux postérieur. Tu mangeais seule ?

Lyly s'arrêta près de la porte de sa salle de cours et s'adossa au mur.

Aussi étrange que l'image de la Belle et la Bête (je ne suis pas la Bête, bien évidemment...) Oups. Si tu souhaites penser que je le scrutais, soit, si ça te fait plaisir, ne te prive pas. Oui, et toi ? Tu manges avec qui ?

Lyly ouvrit lentement la porte afin de voir si un cours se tenait, mais à son plus grand soulagement elle retrouva la salle vide. Elle alla s'installer au deuxième rang, près de la fenêtre à gauche, et sortit ses affaires avant de lire le message que venait de lui envoyer Théo.

La Bête est plutôt pas mal, en soit, elle est bien bâtie. Oui, j'aime l'idée. Je te réserverai mon meilleur pantalon moulant demain. Ne fais pas la choquée. Je mangeais avec deux collègues. Mais je retourne donner cours là, on se parle plus tard.

Lyly secoua la tête d'amusement et rangea son téléphone dans son sac. Il ne restait plus que dix minutes avant le début des cours, ses camarades n'allaient pas tarder à arriver. Si elle souhaitait avancer la dissertation de Théo, c'était maintenant.


Le psychologue ferma la porte et prit place sur sa chaise, à deux mètres du canapé blanc sur lequel Lyly venait de s'installer. Elle ôta sa veste, la replia sur ses genoux et fit face au regard bienveillant de monsieur Kurmin qui se trouvait en face d'elle, ses lunettes rondes argentées placées sur son nez arrondi et un bloc de feuilles entre les mains.

Aujourd'hui il avait opté pour un polo blanc, un pantalon noir et des mocassins de la même couleur. Sa petite moustache le vieillissait, lui donnait un sacré air de philosophe qui faisait secrètement sourire Lyly. Durant la dernière séance elle n'avait pas pu s'empêcher d'analyser ce qui se trouvait dans son bureau, et tout lui avait laissé penser qu'il venait des Antilles.

— Alors, Lyly, comment vous sentez-vous aujourd'hui ? demanda-t-il, accompagné d'un grand sourire qui laissa apparaître ses dents parfaitement allignées.

— Ça va, je me sens beaucoup plus sereine que la semaine dernière.

— Ça fait plaisir à entendre !

Il fit passer sa jambe droite sur celle de gauche afin de les croiser, ce qui laissa son pied droit suspendu dans le vide, et observa rapidement son bloc de feuilles avant de relever les yeux vers sa jeune patiente.

— La semaine dernière vous avez abordé plusieurs sujets qui vous touchaient. Parmi ces sujets, vous avez notamment abordé la séparation de vos parents et votre problème de communication. Vous avez ensuite avoué que vous vous sentiez coupable. Pourriez-vous m'en dire davantage ?



Ashley alluma la télévision et s'étendit un instant sur le canapé. Sa bouillotte ne faisait même plus effet sur son ventre. Elle expira bruyamment de lassitude et observa vaguement l'écran de la télévision, le regard dans le vide. Il restait quatre jours. Quatre jours et elle serait enfin libre, vivante.

John passa habilement par dessus le dossier du canapé et vint tomber sur Ashley. Il se rattrapa de justesse sur ses avant-bras afin de ne pas l'écraser et se retrouva le visage en face de celui de sa fiancée qui avait éclaté de rire en le voyant débarquer de nulle part.

— T'es complètement taré !

— Je sais, lui répondit-il en souriant. T'as besoin de quelque chose ?

Elle hocha la tête que non et vint coller ses lèvres sur celles de John, qui prolongea aussitôt le baiser tout en glissant sa main sous la jupe d'Ashley.

— Je vais mourir, lâcha-t-elle après avoir quitté les lèvres de son fiancé.

— C'est tous les mois la même chose, donc non, tu vas pas mourir. Tu vas juste être hyper lunatique, m'engueuler puis m'embrasser, puis encore m'engueuler, et...

— Hey ! le coupa-t-elle. C'est pas de ma faute !

— J'ai jamais dit le contraire.

Il lui caressa l'intérieur de la cuisse et sentit le corps d'Ashley se détendre sous ces caresses.

— T'es sûre que t'as besoin de rien ? Tu veux manger quoi ce soir ?

— J'ai pas très faim...

Il la sermonna du regard.

— Tant que je serai dans ta vie, tu louperas jamais aucun repas. Il en est hors de question.

Elle leva les yeux au ciel ce qui fit rire John.

— Tu oses lever les yeux au ciel en plus ? T'es sûre de toi ?

Ashley le provoqua du regard, alors John glissa davantage sa main et était sur le point de la remonter totalement en haut des cuisses de sa fiancée lorsque qu'ils entendirent la porte d'entrée s'ouvrir et se refermer un instant après.

John ôta sa main et eut le temps de se redresser totalement lorsque Lyly apparut dans le salon, le visage pâle comme un linge.

— Il s'est passé quoi avec ta voiture, John ?

— Bah rien. Pourquoi ?

Lyly jeta un œil à Ashley et revint poser ses yeux sur John, sérieuse.

— Ton pare-brise est cassé et tu as les pneus crevés.

Elle vit son visage se décomposer. Le concerné bondit du canapé, traversa le salon en furie et sortit de la maison. Ashley se releva à son tour, et sortit en même temps que Lyly.

— Putain ! s'écria-t-il. Mes pneus ont été changés il y a deux semaines, fais chier !

Il se tourna vers Ashley, qui vint se coller à lui.

— Quand je suis rentrée à dix-huit trente il y avait rien, ça vient sûrement d'être fait.

Il avança brusquement vers sa voiture et écrasa son pied de rage dans l'un de ses pneus crevés. Il fit rapidement le tour pour constater chaque dégât et sortit son téléphone de sa poche afin d'appeler son assurance.

Les deux cousines le regardèrent rentrer dans la maison, la main dans les cheveux, irrité, et se tournèrent l'une vers l'autre, le visage fermé.

— Je pensais que vous étiez déjà au courant.

— Non, lâcha Ashley, lasse, ça vient d'être fait. Le pire c'est qu'on était là mais qu'on a rien entendu.

Lyly observa les alentours. Aucune voiture n'était garée près de la maison. Elles étaient totalement seules à l'extérieur. C'était le calme absolu.

— On devrait rentrer, suggéra Lyly. Je ne me sens pas trop en sécurité dehors. Peut-être que ceux qui ont fait ça sont encore dans le coin, et je ne tiens pas à le savoir en restant ici.

Ashley acquiesça et laissa Lyly passer devant elle. Cette dernière jeta de furtifs regards autour d'elles et ferma la porte à double tours.




Lyly se réveilla en pleine nuit, le souffle coupé, et se redressa sur son lit afin de faciliter le passage de l'air dans ses poumons. Elle se cramponna à la couverture de son lit, les bras tremblants, et se força à inspirer et expirer le plus longuement possible. Remarquant que cela ne changeait rien, elle se leva, enfila en vitesse ses chaussons et fit les quatre-cents pas dans sa chambre, haletante. Elle monta rapidement son volet et ouvrit à la volée sa fenêtre pour y passer sa tête. Lyly referma ses paupières, les dents se claquant les unes contre les autres, et tenta de compter aléatoirement à vive voix.

— Un, sept, douze, trente, cinquante-trois, vingt, quatre, zéro, soixante.

Lyly rouvrit ses paupières et se tapota la poitrine, paniquée.

— Merde, merde, merde, répéta-t-elle. Merde.

Elle se maintint contre le rebord de sa fenêtre, recula d'un pas et se pencha en avant. Lorsqu'elle sentit le sol mouvoir sous ses pieds elle se redressa brusquement, observa les murs de sa chambre et se sentit brutalement perdre pied. Elle frappa fortement ses talons contre le sol en sentant ses jambes s'engourdir, ouvrit grand la bouche, suffocante, et finit par se laisser tomber sur les genoux. Elle plongea son visage entre ses deux mains tremblantes, le souffle coupé, et se laissa tomber en arrière afin de se retrouver étendue sur le sol, les jambes et bras tendues.

Lyly observa son plafond tourner, le cœur tambourinant violemment en elle, et ferma ses paupières du plus fort qu'elle le pu, fatiguée. Si elle devait mourir, que cela se passe maintenant. Lyly n'en pouvait plus. Tout cela n'avait aucun sens. Il était deux heures du matin, elle était étendue sur le sol, haletante, pendant que la plupart de la population dormait. Pourquoi fallait-il que cela redevienne si puissant alors que ces derniers temps tout semblait aller un peu mieux ? Pourquoi ne faisait-elle jamais de crises comme celles-ci lorsqu'elle dormait avec Théo ?

Elle sentit une bouffée de chaleur lui traverser le corps, alors elle se releva, essoufflée, et ouvrit brutalement la porte de sa chambre. Elle se rua dans les escaliers, tenta de les descendre à pleine vitesse mais Lyly loupa une marche et glissa. Elle laissa involontairement échapper un cri, dévala la moitié des escaliers et termina au rez-de-chaussée, appuyée sur ses bras.

— Lyly !

Ashley dévala les escaliers suivit par John, et se jeta sur sa cousine. Elle la prit par les bras, la releva et la serra aussitôt contre elle.

— Ton cœur bat tellement vite, marmonna Ashley.

Elle lui caressa les cheveux, et prit le visage de sa cousine entre ses mains.

— Qu'est-ce qui se passe ?

— Je suis en pleine, lança-t-elle essoufflée, en pleine crise de panique.

Elle recula des mains de sa cousine, tourna les talons, et se précipita dans la cuisine. Elle se remplit maladroitement un verre de jus d'orange et en but la moitié, les mains tremblantes, l'autre moitié renversée sur la table. Elle tenta de reprendre son souffle, inspira fortement, retint sa respiration quelques secondes et expira tout aussi profondément, les mains sur sa taille.

— Tu as besoin de quelque chose ? demanda Ashley, inquiète.

Lyly secoua frénétiquement la tête que non et tourna les talons. Elle passa furtivement près de John et sa fiancée, traversa le couloir et ouvrit rapidement la porte d'entrée qui était fermée à clef. Elle avança jusqu'à la route, suivit des yeux par John et Ashley, et fit demi-tour. Elle revint silencieusement sur ses pas, la cage thoracique nettement moins compressée, et s'assit sur le perron de la maison, à quelques mètres de la portée d'entrée.

Ashley prit place près d'elle, ramena ses genoux contre sa poitrine, et observa l'extérieur afin de s'assurer qu'il n'y ait aucun danger.

— Tu te sens mieux ?

Ashley tourna le visage vers sa cousine et la vit redressée, droite, les paupières fermées, inspirant et expirant le plus fortement possible.



Il fallut dix minutes en plus à Lyly pour sentir la crise perdre en intensité. Elle sentit le poids contre sa poitrine disparaître, les bouffées de chaleur s'estomper peu à peu, et le sol sous ses fesses redevenir fixe, immobile.

Lyly se passa les mains dans les cheveux, anxieuse, et se tourna vers John, puis Ashley, qui se trouvait encore à ses côtés.

— C'est une catastrophe.

Ashley se rapprocha de sa cousine et lui caressa lentement le dos.

— Tu veux en parler ?

— Il n'y a rien à dire... Je me suis réveillée en sentant un énorme poids sur ma poitrine. Je n'arrivais plus à respirer. Elle soupira. Je suis crevée, et je dois me lever dans un peu plus de trois heures.

— Reste à la maison avec moi demain.

Lyly hocha la tête que non.

— J'ai une dissertation à rendre et d'autres devoirs à rendre. Je ne peux pas, Ashley.

— Rend tous tes devoirs, et si tu peux partir plus tôt, fais-le.

Lyly acquiesça cette fois-ci la tête.

— Je t'aurais bien proposé de venir te chercher, mais je n'ai plus de voiture, avoua John, aussi désolé que lasse.

Le jeune homme les rejoignit sur le perron de la maison, et chacun regarda en face de lui, envahit par ses propres pensées, à deux heures trente du matin.




Lyly n'entendit pas à deux reprises deux de ses professeurs l'interroger, bailla pendant les deux premières heures de la matinée et se précipita à la machine à café pendant la pause. Elle ne buvait jamais de café, certes, mais c'était une question de vie ou de mort. Elle ne parvenait pas à écouter ce que disaient ses enseignants, elle ne comprenait pas leurs questions et avait failli s'endormir à plusieurs reprises en cours.

C'était la première fois depuis très longtemps qu'elle ne s'était pas sentit autant à la ramasse. En plus de cela, elle avait de nouveau un bandage mal serré autour du poignet. Sa chute dans les escaliers avait réveillé sa douleur à l'épaule, mais cela n'était rien comparé à ce qu'elle ressentait désormais au poignet.

Elle souffla d'impatience et empoigna son petit gobelet de café. Elle s'éloigna de la machine afin de laisser les autres étudiants derrière elle l'utiliser et tourna un instant la cuillère dans le gobelet avant de la jeter dans la poubelle à sa gauche. Elle sentit l'odeur du café, grimaça, et en but tout de même une gorgée. Elle grimaça de nouveau, observa les étudiants autour d'elle, et reprit sa marche. Elle traversa l'allée, monta les escaliers et arriva au bon étage, l'étage où se trouvait le cours avec Théo. Bordel, elle n'avait pas la tête à parler de dissertation. Elle n'avait la tête à rien. Ou peut-être bien que si. Elle aurait aimé s'allonger, prendre Théo dans ses bras, et s'endormir. S'endormir sans faire le moindre cauchemar ou la moindre crise de panique.

Elle soupira, fatiguée, la tête prête à exploser, et atteint le couloir souhaité. Elle avala deux gorgées de café, le visage crispé, et avala le reste d'un coup. Dire que la semaine d'avant elle avait débarqué en talons et en robe moulante. Heureusement qu'elle ne s'était pas cassée la figure dans une telle tenue.

Lyly rentra dans la classe, bailla à pleine bouche et jeta son gobelet dans la poubelle près de l'entrée. Visiblement Antoine était en train de raconter sa vie au fond de la salle, et la moitié de la classe était tournée vers lui, intéressée. Elle se laissa tomber sur sa chaise au deuxième rang au moment où Théo pénétra dans la classe, elle sortit ses affaires maladroitement, jeta son sac sur le sol et se massa un instant les tempes tout en fermant ses paupières.

— Sortez vos dissertations, on va les regarder ensemble.

Théo ôta sa veste, sortit un crayon de sa trousse et alla fermer la porte. Il s'arrêta au milieu du tableau, et c'est à ce moment que Lyly se rendit compte de la manière dont il était vêtu. Aujourd'hui il avait enfilé une chemise blanche dont le col était parfaitement replié sur la chemise, une paire de baskets et un pantalon de costume qui au premier abord ne semblait pas autant moulant que cela.

Ce n'est que lorsqu'il se tourna vers le tableau pour écrire quelques consignes que Lyly sentit son cœur déraper. Oh. Même si le pantalon ne semblait pas si moulant au niveau des mollets et des cuisses, il moulait divinement bien le postérieur et laissait apparaître des fesses parfaitement rebondies.

Lyly entendit quelques personnes chuchoter dans la classe, notamment des filles se réjouissant entre elles ouvertement de la vue, et il refit face à la classe.

— Lisez les consignes inscrites sur le tableau. Je vais passer dans les rangs pour lire votre introduction et voir les grosses lignes de votre dissertation.



Lyly eut le temps de lire quatre fois sa dissertation avant que Théo ne s'arrête enfin à son rang. Il prit place sur une chaise en face de sa table, s'assit et leva les yeux vers elle.

— Tu as eu le temps de la faire ?

Elle acquiesça et lui tendit la copie double. Il la scruta un moment, jeta un vif coup d'œil à son poignet de nouveau entouré d'un bandage, fronça légèrement les sourcils, et baissa les yeux vers la copie.

Lyly le vit à plusieurs reprises hocher la tête, entourer quelques mots au stylo, et se pincer à diverses reprises les lèvres. Elle aurait aimé se jeter dans ses bras, le serrer fort contre elle, mais elle n'en avait pas le droit.

— Lyly ?

Elle quitta ses pensées et retrouva le regard brun de Théo, qui la fixait, intrigué.

— Ta dissertation est très précise, c'est bien. Mais tu devrais retravailler ton deuxième point, il ne concorde pas avec le premier et le troisième. Je pense que tu n'es pas loin de l'idée, mais tu devrais l'effacer et en trouver un autre qui puisse lier le premier point au troisième.

Elle ne sentit pas son bâillement arriver et ouvrit grand la bouche devant Théo, avant de la cacher de sa main droite, stupéfaite. Celui-ci la fixa, les sourcils désormais nettement plus froncés, et l'interrogea du regard.

— Je suis désolée... Vous disiez que je devais trouver un fil conducteur entre le premier et le troisième point, c'est ça ?

— C'est ça.

Elle acquiesça la tête.

— Je comprends.

— Tu n'as pas de questions ? demanda-t-il, surpris.

— Non. Aucune.

Il hocha à son tour la tête, inquiet, et la fixa droit dans les yeux, mais celle-ci ne laissa rien paraître et baissa son regard vers sa copie.

Visiblement quelque chose échappait à Théo, et cela il le sentit bien. À quel moment Lyly ne posait pas de questions pour améliorer ses dissertations ? À quel moment restait-elle aussi silencieuse, aussi peu curieuse ?

— Très bien.

Il poussa la chaise derrière lui, la replaça où il l'avait prise, et passa à l'étudiant suivant.



À l'heure du midi, Lyly n'alla pas acheter son repas, trop fatiguée, et se réfugia dans les toilettes féminines avant de se laisser glisser contre l'une des parois de sa cabine. Elle rabattit ses jambes contre sa poitrine et sortit son téléphone portable qui avait vibré à plusieurs reprises. L'un des messages provenait de sa cousine et lui demandait comment elle se sentait. Elle lui répondit rapidement que ce n'était pas la forme, puis elle ouvrit le second message qui provenait cette fois-ci de Théo.

—Tu es sûre que ça va ? Tu t'es refait mal au poignet ?

Elle entendit la personne de la cabine d'à côté tirer la chasse d'eau.

Je suis fatiguée.

Elle ferma les yeux et sentit son téléphone vibrer.

Tu finis à quelle heure ?

18 heures, mais je vais partir avant.

Elle se releva difficilement, se tapota les fesses pour ôter les quelques saletés et poussières logées sur ses fesses et passa lentement son sac sur son dos. Elle sortit de sa cabine, se donna un coup sur les mains et sortit des toilettes féminines en traînant les pieds.

Lyly monta avec difficulté les escaliers et s'arrêta dans un coin des marches pour lire son nouveau message.

Préviens-moi quand tu pars.

D'accord.

Elle rangea son téléphone dans la poche arrière de son jean et termina de monter les marches afin de se rendre en cours.

Lyly avait hésité à rentrer dans son autre salle de cours, puis avait baissé les bras et avait fait demi-tour, la cervelle en compote et la tête pesant une tonne. Elle avait descendu les escaliers avec lenteur, tel un zombie sortant tout juste de son caveau, et avait pris le bus. Elle s'était laissée bercer par les quelques secousses du transport en commun, et avait failli oublié de descendre à son arrêt.

Ce n'est que lorsqu'elle se laissa tomber sur le canapé du salon qu'elle se rendit compte qu'elle avait totalement oublié de prévenir Théo. Allongée sur le ventre, elle se tortilla pour sortir le téléphone de sa poche avant, et ouvrit leur conversation.

Je viens d'arriver chez Ashley. Je suis désolée, j'ai oublié de te prévenir.

Elle déposa son cellulaire sur la table, ferma les paupières un instant, et s'endormit plus tôt que ce qu'elle aurait pu penser.



Elle ne sortit de son sommeil que dans les alentours de dix-neuf heures, en sentant l'extrémité de grands doigts lui caresser l'avant-bras. Elle ouvrit avec difficulté les paupières et découvrit Théo assit près d'elle sur le rebord du canapé, le visage tourné vers la télévision. Elle gigota légèrement afin de s'étirer, alors Théo se retourna vers elle et lui adressa un doux regard.

— Hey, toi, dit-il doucement.

Il lui effleura la joue gauche du bout des doigts.

— Tu te sens mieux ?

— Un petit peu.

Elle se releva légèrement du canapé afin de passer un œil au dessus du canapé et vit Ashley à l'autre bout de la pièce, en plein rangement. Elle se laissa tomber sur le canapé et reporta ses yeux sur Théo, qui suivait avec minutie chacun de ses mouvements.

— Ashley m'a dit que tu n'as pas mangé ce midi.

— Je n'avais pas faim.

— On va remédier à ça.

Il était sur le point de se relever du canapé lorsque Lyly posa aussitôt sa main sur sa cuisse afin qu'il reste près d'elle. Il lui jeta un coup d'œil, surpris, se rassit, et l'interrogea du regard.

— Reste avec moi, marmonna-t-elle.

Il acquiesça la tête mais tourna tout de même son regard vers Ashley.

— Tu avais prévu de manger quoi ?

— J'ai rien préparé encore. J'attendais que Lyly se réveille.

— Je vais commander des pizzas, si ça ne te dérange pas.

— Ça me va, répondit-elle avant de disparaître dans la cuisine.

Ils avaient mangé dans le silence, John racontant ses mésaventures avec sa voiture et son assurance auto, et Ashley grignotant les dernières parts de pizza, affamée. Théo avait sermonné Lyly du regard, ne l'ayant vu manger que deux petites parts de pizza, et avait fini par aider John à débarrasser ce qui restait sur la table. Lyly, quant à elle, était partie à la douche, pendant que sa cousine terminait son grand nettoyage.



Lorsqu'elle entra dans sa chambre trente minutes plus tard, elle vit Théo assit sur son lit, son téléphone entre les mains. Il releva la tête en apercevant Lyly entrer dans la chambre, posa son téléphone sur la petite table de chevet près du lit.

Même si John et Ashley étaient désormais au courant de leur relation, Lyly ne parvenait pas à se sentir libre de faire ce qu'elle voulait lorsqu'ils étaient présents, alors elle se retenait, s'empêchant de toucher la main de Théo, de lui caresser le visage ou bien de l'embrasser, bien trop embarrassée.

Depuis sa longue sieste elle se sentait déjà légèrement mieux. Son mal de crâne avait disparu, mais elle avait besoin davantage de sommeil, et le soir approchait, ce qu'elle redoutait.

Lyly posa sa brosse à cheveux sur son bureau et se retourna pour faire face à Théo qui venait de se relever. Elle avança lentement vers lui, le cœur commençant à s'enflammer dans sa poitrine, et s'arrêta en face de lui afin d'observer son visage de plus près. Sa barbe grossissait à vu d'œil. Combien de temps allait-il la garder ?

— Tu te sens mieux ?

Elle hocha la tête que oui, même si ce n'était pas toujours la grande forme, et posa ses deux mains sur le ventre de Théo. Elle avait besoin de son contact, de le sentir près de lui. Cela lui faisait étrange de se l'avouer, mais Théo la calmait, l'apaisait. Elle se sentait davantage en sécurité lorsqu'il était à ses côtés.

Il la scruta, et passa ses mains sur sa taille afin de l'attirer vers lui. Elle se laissa tirer et le prit aussitôt dans ses bras. Lyly sentit les bras de Théo se refermer sur elle, et elle posa son visage sur son épaule gauche.

— On peut s'allonger ? marmonna-t-elle.

Elle sentit Théo acquiescer la tête, alors elle recula de ses bras, lui attrapa la main et l'attira avec elle vers le lit. Elle s'assit sur le matelas, tirant Théo avec lui, mais celui-ci hocha la tête que non et s'arrêta.

— Attend, je dois retirer mes chaussures et ma veste.

Il ôta sa main de celle de Lyly, recula de quelques pas, enleva habilement ses chaussures qu'il déposa près de la porte de la chambre, posa sa veste sur le dos de la chaise de bureau, et revint vers la jeune fille, qui venait de s'allonger.

Il s'étendit à ses côtés, le visage orienté vers le plafond, et accueillit Lyly près de lui, qui cala son visage contre sa nuque. Elle entrelaça ses doigts à ceux de Théo qui posa sa main sur son ventre, et elle vint déposer sa jambe en travers des siennes.

— Tu en prends de la place, dis-donc.

Elle lui pinça les doigts, ce qui le fit rire.

— Ashley m'a parlé de ta crise de panique de la nuit dernière.

— Je ne pensais pas qu'une crise aussi puissante pourrait revenir.

— En tout cas ça t'a bien sonné. En cours tu étais complètement à l'ouest.

Théo la sentit soupirer contre sa nuque.

— A l'ouest, mais j'ai quand même remarqué ton pantalon moulant.

Théo ricana.

— Tu ne perds pas le nord, toi.

— Et les filles de la classe non plus. Elles ont pas mal parlé de ton pantalon.

— Ah bon ? Je n'ai rien entendu.

Lyly déposa un bref baiser sur la nuque de Théo.

— Et alors, tu l'as aimé mon pantalon ?

Il l'entendit pouffer, ce qui fit naître un sourire sur son visage.

— La vue n'était pas dégueulasse.

Il secoua la tête d'amusement et tourna son visage vers les cheveux de Lyly, afin d'y déposer ses lèvres. Il posa un chaste baiser et analysa brièvement la chambre de Lyly, avant de remarquer qu'elle s'était déjà endormie.

Elle ne se réveilla que vers vingt-trois heures dix, en sentant Théo se redresser sur le lit. Il se massa le poignet, se passa les mains dans les cheveux afin de les remettre correctement, et jeta un œil à Lyly qui se redressait aussi. Il se releva silencieusement et se dirigeait vers sa paire de chaussures lorsque la jeune fille lui demanda où il allait.

— Je vais rentrer, il est tard.

Il s'accroupit afin de prendre ses baskets et revint s'asseoir sur le rebord du lit pour commencer à les enfiler. La maison était plongée dans le calme.

— Tu ne veux pas rester ?

Il se retourna, une chaussure dans la main.

— Je commence à huit heures trente demain, et je ne suis pas prêt d'aller me coucher, Lyly. J'ai ma douche à prendre, je dois répondre à certains mails, et je n'ai même pas pris de vêtements avec moi.

Elle fit la moue et le regarda silencieusement se retourner afin d'enfiler ses baskets. Il se releva ensuite, enfila habilement sa veste et se retourna vers Lyly qui le regardait, attristée.

— Tu aurais pu prendre des affaires à John. Et prendre ta douche ici.

Il vint s'asseoir sur le rebord du lit, faisant attention à ne pas déposer ses chaussures sur le lit, et caressa rapidement la joue droite de Lyly, qui ne le lâchait pas des yeux.

— Je reviendrai un autre jour.

— Je ne veux pas que tu partes. Reste avec moi... Toute la journée j'ai eu envie de te prendre dans mes bras, d'être avec toi...

Il lui adressa un timide sourire.

— Moi aussi. Mais ça tombe mal. J'ai beaucoup trop de choses à faire. Si je les faisais ici je ne serais pas couché avant une heure voire deux heures du matin, et tu as besoin de dormir. Je ne veux pas te gêner.

— Tu ne me gênes pas.

Il acquiesça.

— Je n'en doute pas. Mais je ne peux pas. Pas ce soir.

Il se pencha, déposa un vif baiser sur les lèvres de Lyly, et se redressa sur ses jambes.

— On se voit plus tard. Si tu as un souci, envoie-moi un message ou appelle-moi.

Elle hocha la tête que c'était d'accord, et il lui accorda un dernier sourire avant de sortir de la chambre.

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