Chapitre 30 - partie 2

Hellooooo, j'avais prévu de mettre un chapitre demain, mais je me suis dit "pourquoi pas vendredi vers 17h, c'est quasiment le week-end, alors autant commencer le week-end avec un chapitre consacré à Théo et Lyly".

Vous allez sûrement être étonnés de ce chapitre, alors, j'ai vraiment hâte de lire vos commentaires. Hâte de savoir ce que vous en pensez...

Bonne lecture et bon week-end ! :)

-G

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Lyly déposa ses couverts auprès de son assiette désormais vide, et défit discrètement le bouton de son jean, le ventre prêt à exploser.

Lorsque Lyly avait vu Tô Tâm arriver avec une grande tarte aux pommes, elle avait cru halluciner et avait jeté un furtif regard inquiet vers Théo. Le bò bún lui aurait largement suffit, mais refuser la tarte aux pommes aurait probablement offensé Tô Tâm, ce que nous souhaitait pas Lyly, et elle avait tout mangé, sans broncher.

Angèle n'avait pas sorti un quelconque autre mot du repas, le nez plongé dans son bol, et ensuite dans son assiette. Elle n'avait même pas daigné saluer Lyly ou même la regarder. Sa présence gênait-elle tant que cela, ou était-elle toujours comme cela ?

La phrase de Théo lui revint soudainement en mémoire. « Elle est relativement spéciale. Si elle te fait des réflexions étranges, ne les prend pas pour toi. Elle est comme ça avec tout le monde. » Elle était donc naturelle. Sa présence n'était donc pas le problème. Enfin, c'est ce que Lyly espérait.

La sœur de Théo, non sans surprise, fut la première à se lever de table. Elle marmonna un bref merci à sa mère pour le repas, rapporta ses couverts dans la cuisine, et remonta dans sa chambre dans la minute qui suivit, suivi par le regard des personnes présentes autour de la table.

- Veuillez l'excuser, pria Tô Tâm, désolée. Elle n'est pas méchante, elle est seulement très discrète et pas très communicative.

Tiens donc, songea Lyly, elle avait donc des problèmes de communication, comme elle.

- Au fait Lyly, que fais-tu dans la vie ?

Lyly tourna son visage vers Pascal qui avait désormais les bras croisés posés sur la table.

- Je suis étudiante.

- Ah ! Et vous avez bientôt terminé ?

- Cela dépendra de ce que je veux faire plus tard. Je peux arrêter à la fin de l'année universitaire ou bien continuer, je ne sais pas encore.

- Et comment vous êtes vous connus ?

- Par le biais de John et Ashley. Surtout par celui d'Ashley, en fait, se rectifia Théo. Elles sont cousines.

Tô Tâm acquiesça la tête en regardant Lyly, attendrie. Elle observa la main de la jeune femme posée sur la table recouverte par celle de Théo.

Elle tourna enfin le regard vers Théo, et le fixa, à la fois fascinée et attristée.

- Tu ressembles tellement à ton père avec cette barbe, marmonna-t-elle timidement, comme à elle-même.

Lyly tourna aussitôt les yeux vers Pascal. Les sourcils légèrement froncés, elle jeta un vif coup d'œil à Théo, avant de revenir au visage de Pascal. Celui-ci était parfaitement rasé, et n'avait strictement aucune ressemblance avec Théo. Peut-être avait-il par le passé laissé sa barbe pousser avant de la raser complètement ? Pourtant, Théo n'avait pas semblé surpris en l'apercevant dans la forêt.

Elle fronça davantage les sourcils et regarda droit devant elle, le regard dans le vide, perplexe. Peut-être loupait-elle quelque chose, peut-être était-elle la seule à ne pas voir leur ressemblance. Lyly était bien connue pour ne pas avoir le sens des détails.

Théo resta muet face à la remarque de sa mère, un silence s'installa dans la pièce, alors il se leva de table et aida ses parents à débarrasser, accompagné de près par Lyly qui suivit le mouvement.




L'air semblait bien plus frais que celui du matin-même. Les nuages cachaient malheureusement les étoiles dans le ciel, mais Pascal restait tout de même le visage orienté vers le ciel, les mains croisés sur le ventre et le corps étendu sur une chaise pliante rouge, au beau milieu du jardin.

L'herbe était parfaitement coupée, Tô Tâm semblait particulièrement la chérir, tout comme ses nombreux bonsaïs plantés dans l'herbe ou dans de merveilleux pots en terre colorés.

Théo était assis sur la pelouse, une serviette bleue étendue sous les fesses, et Lyly était installée à sa droite, sur une autre serviette où était brodé un magnifique bonsaï entouré d'écritures vietnamiennes et japonaises.

- Vous avez déjà vu un champignon dans le ciel lorsque vous reliez les étoiles ? Qui formerait une sorte de constellation.

Pascal s'esclaffa et regarda Lyly.

- Jamais. Même pas un nuage non plus !

Théo secoua la tête, amusé et leva à son tour les yeux vers le ciel. Il était sombre, il n'allait pas tarder à pleuvoir.

- Si un jour j'en vois, vous serez le premier au courant.

- N'oublie pas de prendre une photo pour ton beau-père !

Lyly pouffa et le lui promit, même si le terme « beau-père » l'effraya légèrement.

Tô Tâm les rejoignit dans le jardin, observa ses arbustes, ses fleurs, et posa enfin ses yeux sur le trio, les mains posées sur ses hanches.

- Il va pleuvoir.

- Je pense aussi, répondit Théo en se redressant sur ses jambes.

Il tendit ses mains à Lyly pour l'aider à se relever, et Pascal se leva de sa chaise longue, légèrement contrarié.

- C'est dommage, on était bien là.

- Nos invités doivent être fatigués, il est déjà vingt-trois heures, ils ont fait de la route.

- Tu as raison, admit Pascal. Allez vous reposer les jeunes. On se verra demain.

- Et les serviettes ? demanda Lyly.

- On va s'en occuper. Allez dormir, il est tard.

Théo les remercia, salua ses parents, puis rentra à l'intérieur, suivit par Lyly, qui commençait déjà à bailler.




Lyly pénétra dans l'ancienne chambre de Théo après que celui-ci soit parti dans la salle de bain, et s'arrêta à l'entrée afin d'analyser la pièce et la peinture bleue et beige des murs. Des posters de Stars Wars étaient accrochés sur celui de gauche, et plus particulièrement d'Obi-Wan Kenobi accompagné de son fameux sabre bleu.

Sur le mur en face de l'entrée, près de la fenêtre, se trouvait une armoire ainsi qu'une bibliothèque débordante de livres, manuels et encyclopédies. Elle s'avança, fut surprise du nombre de domaines différents que pouvaient traiter les livres de Théo, passant aussi bien par l'économie que l'anglais, le marketing, le latin, le commerce, et lut à voix haute certains titres de livres qui lui tombèrent sous les yeux. 1984, Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, L'étranger... Tant de classiques, tant de best-sellers, qu'elle avait plus ou moins lu.

Puis à droite se trouvait un lit deux places recouvert d'une couverture imprimée représentant la galaxie de Star Wars, ce qui fit discrètement sourire Lyly. Une télé était accrochée sur le mur, juste en face du lit, et un petit meuble en bois se trouvait un mètre en dessous de celui-ci, recouvert de magasines en tout genre.

- Qu'est-ce qui te fait sourire comme ça ?

Théo poussa la porte derrière lui et ôta son t-shirt.

- Ta chambre.

Il s'arrêta devant son armoire, en sortit deux t-shirts, deux shorts et se retourna pendant que Lyly observait son torse, subjuguée par la musculature de son dos qui se contractait en fonction de ses gestes. Il enfila le t-shirt bleu, lança le blanc à Lyly qui sortit de sa rêverie, et ôta rapidement son jean afin de le remplacer par un des shorts. Il lança l'autre à Lyly qui l'attrapa au vol et déposa ses affaires dans un coin de la chambre.

- Qu'est-ce qu'elle a ma chambre ?

Elle jeta un œil amusé vers les posters.

- T'avais l'air d'être un sacré fan de Star Wars.

- Qui n'aime pas Star Wars ? C'est légendaire !

- Je suis sûre que tu étais en extase devant Obi-Wan.

- Et toi devant Skywalker.

Lyly pouffa.

- Peut-être bien.

Il s'approcha de Lyly, un sourire en coin, et entoura de ses bras les hanches de la jeune fille, qui jeta les affaires de Théo sur le lit, à l'aveugle. Il la rapprocha davantage de lui jusqu'à ce que leur corps se touche.

- Skywalker ne t'aurait pas mérité.

- Parce que toi tu me mérites ?

Il l'observa, cette fois-ci plus sérieux, et haussa les épaules d'indifférence.

- À toi de me le dire.

Elle fit mine de réfléchir puis glissa ses bras sur les épaules de Théo.

- J'aimerais dire que tu mérites mieux et que moi je ne te mérite pas. Mais tu vas bouder, alors... je me contenterai de répondre que l'on est fait l'un pour l'autre. Que l'un sans l'autre on ne fonctionne pas correctement. Elle réfléchit et reprit timidement. Un peu comme un cerveau sans son cœur... Le cerveau ne sert à rien sans le cœur, et le cœur est inutile sans cerveau. Les deux sont reliés. Malgré la distance qui les sépare, les deux sont intimement liés.

Théo ne la lâcha pas des yeux, fasciné, et se jeta sur les lèvres de Lyly, qui laissa échapper un petit cri de surprise. Elle fit glisser ses doigts sur la nuque de Théo pendant que celui-ci passait ses doigts sous le t-shirt de Lyly. Il lui caressa le bas du dos, des frissons plein le corps, et laissa sa tête retomber en arrière en sentant les lèvres de Lyly recouvrir de baisers la peau de son cou. Sa respiration s'accéléra, il ferma les paupières, la bouche entrouverte, et se demanda ce qu'il aurait pu ressentir s'il avait rasé sa barbe afin qu'elle puisse recouvrir de ses baisers chaque parcelle de la peau de son cou.

Il se redressa, rattrapa les lèvres de Lyly et passa ses mains sous les cuisses de la jeune fille afin de la porter. Elle entoura les hanches de Théo de ses jambes, se maintint en équilibre en plaçant ses mains derrière le cou du jeune homme et se laissa dévorer les lèvres, des papillons plein le ventre et le cœur battant à vive allure.

Il se rapprocha habilement de son lit, déposa délicatement Lyly sur la couette sans quitter ses lèvres et se plaça au dessus d'elle. Il recouvrit son cou de baisers, lui suçota un coin de la peau et reposa ses lèvres sur celles de Lyly avant de glisser sa langue dans la bouche de la jeune femme. Elle apprécia le contact chaud de sa langue et passa sa main dans les cheveux de Théo, qui laissa échapper un grognement de plaisir.

- Théo, souffla-t-elle.

Théo continua de l'embrasser, sa main remontant le long de la colonne vertébrale de Lyly.

- Théo, répéta-t-elle.

Il s'écarta aussitôt, le souffle coupé, et chercha le regard de Lyly, anxieux.

- Ça ne va pas ?

- Si, si.

Elle lui caressa la nuque de sa main droite afin de le rassurer.

- Ça va bien, mais il faut que je me change. Il est tard, et... je suis fatiguée.

Il soupira de soulagement et se laissa tomber sur le lit, à côté de Lyly.

- Je suis désolée.

Théo tourna sa tête vers elle, surpris.

- Je...

Il vit ses joues se teinter de rouge. Elle le regarda.

- J'ai gâché l'ambiance. Tu...

- Non, non, la coupa-t-il. C'est moi. J'ai été trop vite.

- Pas du tout. C'était très bien. Mais... J'ai juste envie de dormir.

Il acquiesça et lui donna une petite tape sur le ventre.

- Allez, va te changer.

Lyly se redressa rapidement, attrapa les vêtements prêtés de Théo et fila dans la salle de bain, laissant Théo étendu sur le lit, qui se passait désormais les mains dans les cheveux, légèrement irrité, perdu, anxieux. Elle le rendait fou. Complètement fou. Et il ne savait pas comment agir avec elle, comment la mettre en confiance.


Lyly réapparut dans la chambre dix minutes plus tard sur la pointe des pieds pour ne pas déranger et ralentit son allure en apercevant Théo la tête par la fenêtre et les bras croisés posés sur le rebord, une cigarette entre les doigts. Elle déposa ses affaires près de celles du jeune homme et le vit apporter la cigarette entre ses lèvres, en inspirer une grande bouffée et la relâcher dans les airs, les paupières fermées.

Elle n'arrivait pas à réaliser qu'elle était en train de le voir fumer. Encore. Elle avait vu quelques paquets de cigarettes, certes, mais c'était si rare de le voir passer à l'acte. C'était comme si tout devenait toujours beaucoup plus réaliste.

Elle sortit de ses pensées en entendant la fenêtre claquer et Théo se retourner. Il fut visiblement surpris de la voir derrière lui puisqu'il fit un pas en arrière.

- Je ne savais pas que tu étais déjà là.

Elle ne répondit pas et se contenta de le regarder. Le voir fumer ne le lui allait pas. Quelque chose clochait, mais elle ne savait pas quoi. Laisser pousser sa barbe, avoir un air fatigué, fumer, aller voir ses parents, tout cela en l'espace de quelques semaines.

- Lyly ?

- Je peux te poser une question ?

Elle le vit croiser ses bras sur son torse, et la fixer de plus en plus sérieusement. Il se mordilla l'intérieur de la bouche, silencieux, et finit par lentement acquiescer la tête, sur ses gardes.

- Fumer, laisser ta barbe pousser... Ça a un lien. J'en suis persuadée. Mais lequel ?

Il se contenta de la regarder, et resta silencieux. Avait-elle touché dans le mille ? Devait-elle continuer ?

- Peut-être que tu vas me trouver lourde, mais, je ne sais pas, j'ai l'impression qu'il y a quelque chose de louche. Ta mère a fait référence à ton père en disant que tu lui ressemblais beaucoup avec ta barbe, mais... il n'a même pas de barbe. Et vous ne vous ressemblez pas du tout.

Elle haussa les épaules.

- Peut-être que je suis totalement à côté de la plaque, que tout ce que je dis n'a aucun sens, mais j'avais besoin de te le dire. Parce que j'essaie vraiment de communiquer avec toi, de m'ouvrir davantage. Et si je suis un peu maladroite parfois dans mes propos, ce n'est pas voulu. C'est vraiment dur pour moi, je n'en ai pas l'habitude, mais j'essaie.

Théo serra les dents et la quitta des yeux afin de regarder en direction de la fenêtre. La pluie s'abattait désormais contre la fenêtre de sa chambre.

- Théo, parle-moi...

Elle aurait aimé couper court à la conversation et aller se coucher, ne pas le perturber davantage, mais elle ne pouvait pas. Elle ne pouvait pas faire demi-tour. Et même s'il semblait désormais tendu, elle sentait qu'il fallait briser la glace, elle ne pouvait pas le laisser comme cela. Pas Théo.

- Je sais que je suis nulle en communication, mais je fais des efforts, et j'espérais que tu en ferais de même. Je pensais qu'on aurait pu...

- Tu n'es pas à côté de la plaque, la coupa-t-il sèchement, les dents serrées, le regard toujours tourné vers la fenêtre. Je savais que tu te poserais des questions. Tu es intelligente, tu analyses énormément ce qui t'entoure. Mais...

Elle le vit secouer la tête et baisser les yeux.

- Je ne pensais pas que ça me ferait cet effet-là. Pas autant.

- Tu regrettes que je sois là ?

Il releva les yeux vers elle mais ne répondit pas. Tout cela allait au-delà de se présence à elle. Bien au-delà.

- J'ai été adopté.

Un orage gronda et un éclair s'abattit violemment quelques secondes après à quelques kilomètres de l'habitation familiale. Il tourna rapidement ses yeux vers la fenêtre, mais Lyly continua de le fixer, les yeux écarquillés. Choquée.

Tout avait bien plus de sens désormais. Théo qui ne ressemblait pas à Pascal et qui n'avait aucun trait asiatique. Théo qui ne ressemblait pas à sa sœur. D'ailleurs, Angèle était-elle également adoptée ? Où étaient leurs parents ? Que s'était-il passé ?

- Et revenir ici te rappelle tout ça, répondit lentement Lyly, afin de ne pas le brusquer.

Il l'admit d'un hochement de tête.

- Tu veux en parler ?

Théo croisa le regard de Lyly, la fixa un instant et hocha finalement la tête que non. Elle ressentit un petit pincement au cœur, mais elle respecta sa décision, en silence.

- Je vais aller dormir.

Elle suivit le jeune homme des yeux, les bras ballants et le cœur lourd. Il se faufila sous la couette, laissa sa tête s'enfoncer dans son oreiller et se tourna sur son flanc droit, ce qui ne permit plus à Lyly de voir son visage. Elle éteignit alors la lumière et le rejoignit sous la couette Star Wars, prêtant attention à ses moindres faits et gestes afin de ne pas le toucher. Il avait besoin d'être seul, et elle le comprenait bien.




Lyly fut réveillée par un violent coup de tonnerre. Lorsqu'elle se retourna afin de voir si Théo dormait, elle se rendit compte qu'elle était désormais seule dans le lit. Encore une fois. Sa place était froide, il était sûrement levé depuis un moment. Lyly jeta un œil à son téléphone. Cinq heures. Elle repoussa la couette vers ses pieds, les sortit habilement et se redressa.

La pluie avait arrêté de tomber, mais de violents coups de tonnerre crépitaient encore dans le ciel. Bordel, où était Théo ? Elle enfila sa veste qu'elle avait posé à côté des affaires de Théo, passa des chaussettes à ses pieds et sortit de la chambre en silence.

La maison était plongée dans le silence. Pas un seul ronflement ne cassait le profond silence dans lequel la maison était endormie. Lyly descendit les marches de l'escalier, les bras croisés sur sa poitrine afin de se réchauffer, et passa dans la cuisine. Théo n'était pas là. Elle alla se remplir un verre d'eau, avala rapidement son contenu et reposa le verre dans l'évier avant de reprendre sa recherche. Le salon était plongé dans l'obscurité, comme toutes les autres pièces de la maison. Elle pénétra tout de même dans le salon et s'approcha avec prudence de la baie vitrée afin de jeter un œil au temps. Les bonsaïs n'avaient pas bougé, mais les chaises longues avaient été retournées, peut-être par Tô Tâm et Pascal eux-mêmes afin de s'assurer que la pluie ne viendrait pas les abîmer.

Alors qu'elle était en train d'observer le jardin à la recherche de Théo, elle vit un petit nuage de fumée passer devant la baie vitrée. Elle fit aussitôt coulisser la baie vitrée, et aperçut Théo à sa gauche, sous un petit toit qui semblait l'abriter du vent. Il jeta un œil vers elle, relâcha la fumée qu'il avait dans la bouche et écrasa le reste de cigarette qui lui restait entre les doigts dans un cendrier posé sur une petite table qui avait été calée contre le mur extérieur de la maison.

Elle s'approcha lentement, les bras toujours croisés, et s'arrêta en face de lui.

- Tout va bien ? Depuis quand tu es levé ?

- Trente minutes peut-être.

Le cendrier qui se trouvait à quelques centimètres de lui contenait déjà trois cigarettes écrasées. Et un paquet de cigarettes à moitié plein était déposé à ses côtés. Elle fronça légèrement les sourcils d'incompréhension.

- C'est toi qui as fumé les trois cigarettes ?

Il baissa un instant les yeux vers le cendrier en question et les releva vers Lyly qui semblait perplexe.

- Possible.

Le tonnerre gronda. Lyly se retourna afin de jeter un œil derrière elle et vit au loin un éclair s'abattre dans la forêt voisine. Être dehors par un temps pareil ne la rassurait pas. Elle sentit le torse de Théo se coller contre son dos et des bras musclés se glisser le long de son ventre afin de l'en entourer. Il cala le bas de son menton contre l'épaule de Lyly, et celle-ci recouvrit les mains de Théo des siennes qui étaient posées sur son ventre.

- Je suis désolé de te faire subir tout ça. Ce n'est pas une très bonne période pour moi en ce moment.

Elle lui pressa délicatement les mains. La chaleur corporelle de Théo l'enveloppait désormais dans une petite bulle. Leur petite bulle à eux.

- Ne t'excuse pas, lui chuchota-t-elle gentiment.

Elle sentit Théo lui déposer un baiser sur le sommet des cheveux et caler son visage contre son oreille droite.

- C'est pour ça que je ne reviens pas souvent ici, ça me rappelle toujours plein de choses. Et repenser à tout ça me déprime. J'ai beau essayé de penser à autre chose, ce mois est toujours très dur pour moi. Je n'arrive pas.

- Tu n'arrives pas à quoi ? tenta-t-elle.

- À remonter la pente, répondit-il aussitôt. J'ai essayé mais tout ne s'est pas passé comme prévu et ça a été pire que d'habitude. Bien pire.

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

Théo grimaça. Le tonnerre gronda de nouveau. Heureusement pour eux, la pluie ne reprenait pas. Pas encore.

- J'ai été adopté par Tô Tâm et Pascal quand j'avais dix ans, trois ans après le décès de mes parents. Quand tout est arrivé j'avais sept ans, et cette année a été la plus dure de ma vie. Il s'arrêta. Il a fallu gérer tellement de trucs, je ne comprenais pas grand chose. On me parlait de questions, de familles d'accueil, de portrait. J'ai fait des cauchemars pendant des années, c'était une horreur. Et maintenant, chaque année, quand le mois de leur décès survient, ça me revient en plein visage, et je n'arrive pas à rebondir comme il faudrait le faire.

- Je suis tellement désolée, Théo.

- Le fait de rester à tes côtés, de te rejoindre chez ta mère ça m'aidait, je pensais vraiment que ce serait la première année où j'y arriverais, où le bonheur parviendrait à écraser mes mauvais souvenirs, où le bonheur parviendrait à boucher le trou béant que j'ai au cœur depuis que j'ai sept ans. Mais quand tu as parlé de vouloir tout arrêter avec moi, ça m'a brisé.

Théo sentit le corps de Lyly se tendre contre lui. Il lui pressa les mains et déposa un vif baiser dans son cou.

- Je suis...

- Tu ne pouvais pas savoir, la coupa-t-il.

- C'était si con de ma...

- Lyly, la coupa-t-il de nouveau, cette décision m'a enfoncé plus bas que terre, je me suis mis à fumer, comme chaque année, alors que je pensais pour une fois ne pas m'y remettre. J'ai laissé pousser ma barbe alors que je pensais ne plus devoir à le faire. J'ai encore plus déprimé que d'habitude. Il s'arrêta et réfléchit un moment. Mais cette décision t'a permis de réagir, de comprendre, et je pense qu'au final tu n'aurais jamais eu ce déclic de devoir davantage communiquer. Tu ne t'es jamais autant ouverte.

Lyly se détacha des bras de Théo et pivota sur elle-même, les yeux brillants. Le visage de Théo se crispa à cette vue.

- Tu te rends compte de tout ce qui est arrivé par ma faute ? dit-elle, la voix tremblante.

- Lyly...

- Je ne suis pas censée te faire subir tout ça. Je ne suis pas censée blesser les personnes qui m'entourent. On est censés se pousser vers le haut, on est censées s'entraider et ne pas s'enfoncer comme je l'ai fait, je... Sa voix dérapa. Théo je suis terriblement désolée.

Il glissa ses mains de chaque côté du visage de Lyly, qui tenta de ravaler ses larmes. Elle ferma ses paupières et les maintint du plus fort qu'elle le pu fermées afin de ne pas pleurer.

- Lyly, je ne dis pas ça pour que tu t'en veuilles, mais pour que tu comprennes. Je sais que tu es comme moi, je sais que tu as besoin de comprendre les choses. Tu avais déjà fait le lien entre les cigarettes et la barbe. Tu avais déjà fait le lien entre ma non ressemblance avec Pascal. Tu avais déjà tout en tête.

Il lui caressa la joue droite du bout de son pouce.

- Ce n'est qu'en communiquant qu'on y arrivera, toi et moi. Je veux te faire confiance.

Elle rouvrit lentement les paupières. Des larmes étaient au bord de celles-ci, mais elles ne coulaient pas.

Elle évita le regard du jeune homme, la mâchoire contractée.

- Lyly, regarde-moi.

Elle maintint son regard dans le vide. Comment pouvait-elle le regarder après tout le mal qu'elle lui avait fait ? Elle ne pouvait pas.

- Tout n'est pas de ta faute. Tu ne peux pas être coupable de tout ce qui arrive autour de toi, tu ne l'es pas, ce n'est pas vrai. Dans la vie on fait des erreurs, moi le premier, c'est inévitable. Mais le but c'est de savoir comment réagir face à ça, comment rebondir. Il faut tirer des leçons de ce qui nous arrive pour que plus jamais ça ne se reproduise.

- Je suis mauvaise et tu essayes de me pardonner..., marmonna-t-elle.

- Non, tu ne l'es pas. Et... Je ne savais pas comment ça allait évoluer, je ne savais pas si j'étais prêt à t'accorder une seconde chance. Tu m'as blessé et je t'en veux encore. Mais, tu as fait tellement d'efforts en si peu de temps, tu as tellement pris sur toi que je ne pouvais pas continuer à t'ignorer comme je le faisais.

Il l'attira vers lui et l'enlaça. Lyly se laissa faire, les bras ballants.

- C'est quoi ce câlin, j'en ai connu des meilleurs, plaisanta-t-il.

Elle entoura la taille de Théo, et cala son visage dans le creux droit de son cou.

- Je suis une idiote.

- Ne dis pas de bêtises.

Il resserra son étreinte.

- Je sais que tu veux en savoir plus sur tout ça, et on en reparlera sûrement. Mais pas ici. Mes parents sont déjà beaucoup inquiets pour moi, je ne veux pas qu'ils le soient encore plus en voyant notre tête.

- Promis.

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