Chapitre 24
Lyly tourna son regard vers le hublot, dévastée. Depuis leur discussion, Théo l'avait ignoré. Il ne lui avait pas accordé un seul regard. En même temps, comment croyait-elle qu'il allait agir après cela ? Après sa supposition de rupture ? Qu'il allait tenter de lui parler alors qu'elle lui avait visiblement fait du mal ?
En se levant, le lendemain matin, juste avant leur départ, elle l'avait croisé dans le couloir, les yeux gonflés. Lorsque John l'avait interrogé, intrigué, Théo lui avait lancé que c'était une allergie, avant de retourner dans sa chambre pour finaliser son sac. Bordel, pourquoi Lyly faisait-t-elle cela ? Pourquoi tentait-elle toujours d'éloigner les gens qu'elle aimait ?
Elle expira longuement et ferma les yeux. Les au revoir avaient été compliqués. S'éloigner d'Anne voulait dire se retrouver loin de la personne qu'elle aimait le plus au monde. Mais d'un autre côté, elle avait désormais Ashley à ses côtés, alors Lyly allait devoir faire un effort, s'ouvrir, un petit peu plus.
Chris avait promis de passer la voir chez Ashley, et c'est en pleurant qu'il les avait accompagné à l'aéroport, le moral dans les chaussettes. Il lui avait offert un joli médaillon qu'elle avait aussitôt porté, et elle l'avait enlacé bien fort contre elle avant de s'en aller avec sa cousine, John, et Théo.
John et Ashley s'étaient échangés plus d'un regard inquiet depuis leur réveil. Ils faisaient face à un Théo à la fois triste et fermé, qui ne prenait part à aucune discussion, bien trop plongé dans ses pensées. Quant à Lyly, ce n'était pas mieux. Il était sûr que le fait qu'elle doive s'éloigner de sa mère lui faisait quelque chose, mais Ashley ne comprenait pas comment elle pouvait paraître aussi ailleurs et aussi... fermée ? Comme Théo...
Ashley échangea un regard inquiet vers John, qui lui renvoya le même, avant de prendre sa main dans la sienne. Cela faisait déjà une heure qu'ils étaient dans l'avion et que ni Théo, ni Lyly avaient prononcé le moindre mot. Le jeune homme avait aussitôt enfilé ses écouteurs, alors que Lyly était totalement tournée vers le hublot. Il s'était visiblement de nouveau passé quelque chose entre eux, et Ashley n'était pas au courant.
Le quatuor récupéra ses valises en silence et sortit de l'aéroport. Le froid les fit frissonner, et Ashley posa aussitôt son sac sur le trottoir, avant de se tourner vers Théo.
— Tu veux passer à la maison ? J'ai prévu de faire des muffins.
Théo hocha la tête que non et lui lança un bref sourire.
— C'est sympa, mais je dois rentrer.
— T'es sûr ? insista John. Tu me dois une revanche, et j'avais prévu de te laminer aujourd'hui à la PS4.
Théo fit signe à un taxi qui se rangea rapidement près d'eux, à ras du trottoir. Il observa Ashley et John.
— Sûr. J'ai des choses à régler. Mais merci pour l'invitation. Et merci pour le voyage... c'était... vraiment bien. Rentrez bien.
Il leur fit un vif signe de la main et s'enfonça dans le taxi, qui démarra aussitôt avant de disparaître au deuxième croisement.
Ashley soupira et se tourna vers John.
— Bon, bah je fais quand même mes muffins.
Lyly ne toucha pas aux muffins au chocolat de sa cousine, barbouillée, et ne descendit pas déjeuner le midi. Inquiète, Ashley tenta de faire parler sa cousine, mais ne parvenant à soutirer aucune information, elle redescendit au rez-de-chaussée, avant de s'étendre sur le canapé, aux côtés de John. Elle posa sa tête sur la cuisse du jeune homme, qui passa aussitôt sa main sur les longs cheveux blonds de sa fiancée.
— Je suis complètement perdue. Il y a eu aucune embrouille là-bas entre eux, si ?
— Pas à ce que je sache.
Ashley se mordilla la lèvre inférieure d'inquiétude.
— Tu crois que... Elle réfléchit. En fait j'en sais rien, je suis perdue. Et elle me dit rien.
— Laisse tomber, tenta John, quand elle voudra t'en parler, si ça venait à arriver, elle viendra te voir. Elle sait où te trouver.
Ashleya acquiesça.
— Et toi, tu peux pas parler avec Théo ? Peut-être qu'il te parlera, à toi.
— Non non, répondit-il, vu l'état dans lequel il est, la meilleure chose à faire est de le laisser. Il faut que la tension redescende.
— Mais une tension à propos de quoi ? s'exclama Ashley. À propos de quoi ? Je comprends pas !
John fit glisser sa main sur le visage de sa fiancée et lui caressa la seule joue qui lui était accessible.
— Aucune idée. Tu sais aussi bien que moi que c'est une période difficile pour lui. Mais on verra l'humeur de Lyly demain.
Mais le lendemain, rien ne changea. Lyly ne se réveilla qu'aux alentours de onze heure et apparut dans la cuisine juste un peu avant treize heures. Ashley, qui aidait John à préparer le repas, ne pu voir sa cousine passer derrière elle, et ce n'est qu'à treize heures trente qu'elle se décida à monter dans la chambre de sa petite cousine.
Elle poussa la porte entrouverte et la découvrit assise sur son lit, plongée dans ses cahiers de cours.
Ashley se racla la gorge, ce qui fit lever les yeux à Lyly.
— Tu as beaucoup de devoirs ? tenta-t-elle.
— Pas tant que ça. J'essaie juste de réviser un peu avant la reprise.
Ashley avança timidement et prit place sur le rebord du lit de sa cousine. Lyly rangea ses jambes et les plia en tailleur afin de laisser davantage de place à sa cousine. Ashley plia sa jambe droite sous son postérieur et se tourna vers Lyly.
— John et moi sommes un peu perdus. Tu as pas trop mangé depuis notre retour, et on sent que quelque chose va pas. Est-ce que tu veux en parler ?
Lyly posa son cahier sur le lit et tourna son regard vers la porte de sa chambre entrouverte.
— Ça va passer. Ne t'en fais pas.
Même Lyly n'y croyait pas.
— Ça a un rapport avec Théo, n'est-ce pas ?
La jeune cousine soupira longuement. Théo. L'homme qu'elle ne parvenait toujours pas à oublier, ne serait-ce que trente secondes. L'homme sans qui elle ne se voyait même plus vivre, mais qu'elle avait blessé, lâchement.
— Lyly, tenta Ashley. Il y a quelque chose entre vous ?
— Ça n'a plus aucune importance.
— Bien sûr que si ça en a.
Lyly reporta son regard sur Ashley, qui la fixait, inquiète.
— J'aime pas vous voir comme ça. Théo avait l'air tellement dépité samedi. Et vous ne vous êtes même pas dit au revoir. Elle hésita. Il t'a fait du mal ?
Lyly dévisagea sa cousine, abasourdie.
— Mais qu'est-ce que tu imagines ? Qu'il m'a frappé ? Qu'il...
— Non, la coupa Ashley, non, pas du tout. J'essaie juste de comprendre. Et...
— Ashley, la coupa à son tour Lyly, excédée. C'est l'homme le plus génial que j'aie rencontré de toute ma vie. Tu n'as pas idée à quel point. Mais je crois qu'il n'est pas prêt, et je ne le suis pas non plus.
— Comment ça ?
Lyly prit son crayon en main et rapprocha son cahier d'elle.
— J'aimerais finir de réviser avant le repas...
Ashley se releva et fixa un instant sa cousine, avant de sortir de la chambre. Certes, elle n'avait pas appris grand chose, mais elle savait désormais qu'il y avait bel et bien eu quelque chose entre sa cousine et Théo, et que tous deux avaient bel et bien eu un problème entre la soirée de vendredi et samedi.
A son réveil le lendemain matin, l'idée de sécher les cours traversa l'esprit de Lyly. Reprendre les cours allait lui permettre de se changer les idées et de, peut-être, oublier un instant Théo. Elle savait également que la probabilité qu'elle le croise dans les couloirs était faible, mais cela était tout de même probable, et rien que d'y penser lui fit naître une boule au bas du ventre.
Comment allait-il depuis samedi ? Ses blessures étaient-elles quasiment cicatrisées ? Se sentait-il mieux?
La jeune étudiante prit le bus et arriva juste à temps en cours. À sa plus grande surprise elle parvint à se concentrer la première heure de cours, mais Théo lui revint violemment en tête durant la deuxième heure lorsqu'elle entendit des filles de sa classe mentionner son nom. Quand elle tenta de tendre l'oreille, elles changèrent de sujet, et Lyly laissa son crayon tomber sur la table, blasée.
Comme à son habitude, Antoine fit le pitre en classe, ce qui fit bien rire les étudiants, et ce n'est que lors de l'heure de la pause que la jeune fille découvrit qu'il était de nouveau accompagné de ses plus proches amis.
Elle envisagea de nouveau de sécher les cours le lendemain, consciente qu'elle allait avoir Théo en cours aujourd'hui et qu'elle parviendrait difficilement à se trouver dans la même pièce que lui, mais Ashley lui proposa de faire le chemin avec elle, ce qu'elle ne pu refuser.
Cette nuit, elle avait fait une grosse crise de panique. Certes, plus faible que celle qu'elle avait faite lorsque Théo l'avait retrouvé dans la rue, en plein milieu de la route, mais elle avait été intense, bien trop intense. Elle n'avait donc pas beaucoup fermé l'œil de la nuit et avait ouvert la fenêtre de sa chambre en grand, afin de sentir l'air frais s'engouffrer dans la pièce.
Théo lui manquait. Terriblement. Mais l'idée qu'il ait pu se confier à cette femme blonde à la place d'elle l'écœurait davantage de jour en jour. Elle ne comprenait pas.
Lorsqu'elle vit l'heure sur sa montre et que c'était déjà bel et bien la fin de la pause, Lyly traîna les pieds jusqu'à la salle de cours et s'arrêta au seuil de la pièce, le cœur battant à toute allure dans sa poitrine. Elle souffla un bon coup, releva la tête et pénétra rapidement dans la classe avant de filer à sa place. Lyly prit place sur sa chaise, le regard baissé, sortit ses affaire de son sac, et n'osa pas relever les yeux sur Théo qui se trouvait devant son bureau.
Le jeune enseignant alla fermer la porte de la classe, salua les étudiants et leur demanda de sortir la dernière feuille d'exercices qu'ils avaient commencé quelques minutes avant le début des vacances. Lyly, studieuse, l'ayant déjà terminé chez elle le dimanche soir juste avant la reprise des cours, se retrouva sans rien à faire et n'osa pas lever la main pour demander à Théo une autre feuille d'exercices.
Sa boule au bas du ventre qui était apparue dès son réveil n'avait pas disparu, bien au contraire. Se retrouver dans la même salle que Théo après ce qu'il s'était passé entre eux vendredi soir la mettait terriblement mal à l'aise. Elle aurait aimé lui sauter dessus, lui dire que ses sentiments étaient réciproques aux siens, qu'elle ne parvenait pas à le chasser de son esprit, mais il avait préféré s'ouvrir à cette psychologue... Cela en disait long, n'est-ce pas ?
Lyly releva les yeux et jeta un œil aux étudiants présents dans la salle. Chacun était plongé dans sa feuille d'exercices, même Antoine, à sa plus grande surprise.
Prise d'une vive envie de voir le visage de Théo, de voir comment il pouvait être habillé aujourd'hui, elle tourna avec hésitation ses yeux vers le jeune enseignant, assis à son bureau, le regard baissé sur son manuel. Lyly resta un instant surprise, les sourcils légèrement froncés. C'était la toute première fois qu'elle le voyait avec un début de barbe. Cela devait faire plusieurs jours qu'il ne se rasait plus. Se sentant fautive, Lyly baissa un instant les yeux avant de les reposer de nouveau sur lui. Son arcade sourcilière cicatrisait visiblement bien, tout comme sa lèvre inférieure.
Aujourd'hui il avait enfilé une chemise à carreaux, dont il avait laissé les deux premiers boutons défaits, un jean noir, et une paire de baskets.
Ce qui fit le plus mal à Lyly fut de voir qu'il ne posa pas une seule fois les yeux sur elle. Pas une seule. Mais qu'aurait-elle espéré après un échange de regards ?
Pensait-elle qu'il se serait arrêté près d'elle lorsqu'elle l'avait croisé dans les couloirs juste après dix-sept heures trente ? Il avait regardé droit devant lui, son sac en bandoulière, et avait disparu un couloir plus loin, suivi par un autre enseignant qu'elle ne connaissait que de vue depuis son arrivée dans cette nouvelle université.
Lyly déposa son sac dans sa chambre et redescendit dans la cuisine afin d'aider John à mettre la table. Elle était en train d'apporter deux bouteilles d'eau lorsqu'elle vit Ashley sortir de sa chambre, l'air inquiet. Elle s'arrêta un instant, observa John passer près d'elle et ancra son regard dans celui de sa cousine.
— Tu pourrais me passer le numéro de Chris ?
Lyly déposa les bouteilles et se tourna vers Ashley.
— Heu, oui, si tu veux.
La jeune cousine sortit son téléphone de sa poche et l'alluma. Elle ne l'allumait jamais, par peur de voir son ancien beau père l'appeler. Sans surprise, elle vit vingt appels manqués, alors elle les effaça d'un revers de doigt et tapota sur son répertoire.
— Pourquoi tu le veux ?
Ashley nota le numéro que lui transmit sa petite cousine et haussa les épaules.
— Je veux savoir s'il compte venir bientôt.
Elle remercia la jeune femme et disparut dans la cuisine. Lyly, surprise, alluma la télé et était sur le point de monter dans la chambre lorsqu'elle entendit Ashley soupirer de la cuisine.
— J'ai demandé à Théo s'il voulait venir. Mais il a refusé.
— Fallait s'en douter.
Lyly, se sentant davantage fautive maintenant que cela affectait également sa cousine et son fiancé, monta lentement les marches, attristée.
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