Chapitre 22 - partie 2

Lyly était là, à quelques mètres de Théo, assise entre les tiges de blé du champ voisin. Lorsque la mère de la jeune femme lui avait indiqué cet endroit, il n'avait pas bien compris ce qu'elle aurait pu venir faire ici, mais désormais il comprenait. L'endroit était calme, reposant, et par dessus tout, cela permettait de réfléchir loin de toute agitation.

Théo avança lentement et prit place aux côtés de Lyly pendant qu'elle le regardait, pensive. Elle attrapa la main droite de Théo et entrelaça ses doigts à ceux du jeune homme, qui resserra sa paume contre celle de la jeune femme.

— Je ne voulais pas qu'elle le sache.

— Je sais.

Lyly soupira.

— Je ne lui en veux même pas de m'avoir crié dessus. Je la comprends même.

— Elle t'aime, c'est pour ça qu'elle se soucie de toi et de ta santé.

— Je sais, répondit Lyly en observant le blé autour d'eux. Je sais. Mais j'aurais préféré qu'elle me sermonne sans que vous soyez à côté.

— Ne t'en fais pas pour ça...

— Et toi, pour quoi tu t'en fais ?

Tous deux tournèrent leur regard vers l'autre.

— Comment ça ?

— Tu es beaucoup dans tes pensées ces derniers temps. Elle s'arrêta. Tu es ailleurs.

C'était le moment. Lyly lui donnait l'opportunité de dire ce qu'il avait sur le cœur, de dire ce qu'il ressentait et ce qui ne quittait pas ses pensées. Mais était-ce vraiment le bon moment après cette dispute ? Devait-il lui infliger cela en plus ? Et puis de toute manière il ne pouvait pas tout lui dire, tout cela allait bien au-delà de sa relation avec Lyly...

— Théo ?

— Pas grand chose en fait... Je pense aux cours qui vont bientôt reprendre.

Il regarda en face d'eux.

— Tu sais que tu ne sais pas mentir ?

Théo ricana.

— Je pense aussi à ta cousine... Elle... Il hésita. Elle se doute qu'il y a quelque chose entre toi et moi. Elle m'observe tout le temps, c'est frustrant.

Lyly soupira longuement.

— Après que tu sois partie elle m'a demandé si on lui cachait quelque chose... John a essayé de rattraper le coup mais elle est tellement têtue qu'elle a insisté.

— John ? Tu en as parlé à John ?

Elle l'observa, un sourcil levé de surprise.

— Non, il a deviné.

— Deviné ?

Il ricana nerveusement et se massa la nuque.

— Disons qu'il a deviné grâce... à la manière dont je te regarde...

 — Ah oui ? demanda-t-elle, amusée. Et comment tu me regardes, selon lui ?

Théo tourna lentement son regard vers Lyly, les yeux sombres emplis de tendresse et de... désir. Lyly sentit son cœur bondir en elle. Comment pouvait-il changer de regard en si peu de temps ? Comment pouvait-il avoir le regard autant brûlant de désir et... d'amour ?

— Il dit que je te mange du regard.

— Oh.

Sentant le rouge monter aux joues, Lyly se précipita sur Théo et colla ses lèvres aux siennes. Il se laissa tomber sur le dos, tenant la tête de la jeune fille dans l'une de ses mains et pivota afin de se retrouver sur elle, sans quitter la bouche de Lyly. Il lui mordilla la lèvre inférieure, ce qui la fit grogner, avant de détacher ses lèvres et de les plaquer contre le cou de la jeune femme.

Il laissa sa main droite glisser sous la robe de Lyly, lui recouvrant la peau de frissons, et la glissa du haut du mollet jusqu'à sa cuisse. Il lui parsema le cou de baisers avant de retrouver ses lèvres qu'il pris furtivement en otage. Lyly, le bas ventre en feu, passa sa main dans la chevelure du jeune homme, et sentit son ventre exploser lorsqu'elle sentit la main de Théo s'arrêter près de son postérieur.

— Théo, laissa-t-elle échapper entre deux baisers.

Il décolla avec difficulté ses lèvres de celles de la jeune femme et ancra son regard dans celui de Lyly, essoufflé.

— Ça ne va pas ?

— Si... Je...

Il ôta sa main de la peau de la jeune fille et lui caressa la joue du bout des doigts.

— Pas ici, finit-elle par dire, gênée.

Elle ferma les yeux, morte de honte, les joues en feu. Théo laissa échapper un petit rire et continua de la fixer tendrement.

— Je ne comptais pas le faire ici, Lyly.

Elle soupira de soulagement et rouvrit les yeux. Comment Théo pouvait-il autant la désirer ? Elle ne comprenait pas. Qu'avait-elle de si spécial ? Il se laissa tomber à ses côtés.

— Et pour Ashley ? demanda-t-elle enfin.

— Tu veux vraiment lui dire ?

Il tourna son visage vers Lyly, qui observait le ciel.

— Lui dire quoi ? Tu nous considères comme quoi, au final ? Elle tourna son visage vers Théo. Enfin, je...

— Tu crois vraiment que je fais ce que je viens de te faire à toutes les filles que je rencontre ? Lyly... soupira-t-il. Quand vas-tu comprendre que ça fait déjà un bon moment qu'il n'y a que toi pour moi ?

— Pourquoi ?

— Pourquoi ? répéta-t-il, incrédule.

— Qu'est-ce que j'ai de si spécial? Qu'est-ce qui te donne envie de sortir avec moi ? Je ne comprends pas ce que j'ai qui...

— Lyly, la coupa-t-il, patient. Ce n'est pas parce que tu ne trouves rien de spécial chez toi que tu n'es pas spéciale aux yeux de quelqu'un d'autre.

— Mais...

— Il n'y a pas de mais. Il réfléchit. En fait, je crois que le fait que tu ne te rendes pas compte de tes valeurs, de ta grandeur d'âme, de ton intelligence, de ta beauté et de tes qualités fait partie des choses qui te rendent si spéciale.


Anne tritura dans son assiette, la salle plongée dans un pesant silence. John et Ashley n'osèrent pas lever les yeux de leur assiette, gênés, et Théo reprit place sur sa chaise, le pot de cornichons dans les mains. Visiblement la mère de Lyly ne s'était pas remise de sa découverte de l'après-midi, et personne n'osa lancer un sujet de conversation, de peur de déranger, ou d'envenimer la situation.

Lyly fixa son assiette pendant cinq bonnes minutes, avant de la repousser de quelques centimètres et de poser ses couverts sur la table. Elle se racla la gorge et releva les yeux avant de les planter sur le visage de sa mère.

— Tu n'as pas à t'inquiéter, je ne fais plus de crises.

Anne releva les yeux et les braqua sur sa fille, la mâchoire légèrement contractée. Elle était contrariée, et ça, Lyly le ressentait bien. Ashley observa sa cousine, pendant que John lança un furtif regard vers Théo.

— Si je suis venue ici c'est pour décompresser, et non pas pour me prendre la tête avec toi. Je sais que tu t'inquiètes pour moi, mais il n'y a pas de raison. Je suis bien entourée, et tout finira par s'arranger.

— Comment tu peux oser me mentir en me regardant droit dans les yeux ?

Lyly fronça les sourcils.

— Quoi ?

— Tu me mens.

Lyly ne lâcha pas le regard de sa mère.

— Je t'ai vu faire de nombreuses crises de panique, reprit-elle lentement. Je sais reconnaître une crise quand tu en fais une. Alors s'il te plaît, arrête de me mentir... Je sais que je ne suis pas très présente ces temps-ci, mais je reste ta mère.

— Bien sûr que tu restes ma mère.

— Alors évite de me manquer de respect.

Théo reposa son verre d'eau sur la table et échangea un regard avec Ashley, qui grimaça. Il replongea ses yeux dans son assiette, l'appétit coupé, pendant que John tentait de mâcher sa pomme de terre. En vain.

Sentant que la discussion ne mènerait nulle part, et ne souhaitant pas avouer la vérité à sa mère, Lyly repoussa la chaise et se releva. Elle prit ses couverts, son assiette ainsi que son verre, et s'éclipsa dans la cuisine un instant, avant de disparaître dans sa chambre.

— Vous étiez au courant ?

Tous relevèrent leur tête de leur assiette et s'échangèrent un vif regard avant de tourner leurs yeux vers Anne.

— Comment ça ? demanda Ashley.

— Pour Lyly... Vous saviez qu'elle faisait des crises ?

Ashley resta silencieuse. Si elle le savait ? Bien sûr. Elle en avait d'ailleurs fait plus d'une depuis qu'elle l'avait rejoint chez elle. Mais que pouvait-elle répondre à cela ? L'avouer serait trahir Lyly, et elle ne souhaitait pas la trahir. C'était sa cousine.

— Je crois qu'on est tous à cran, commença John. Il se passe pas mal de choses ces derniers temps, et je crois qu'on est tous un peu perdus, on sait pas trop comment faire, comment agir. Mais s'il y a bien une chose dont je suis sûr, c'est que c'est pas en nous divisant qu'on va réussir à faire quoique ce soit. Il faut rester soudés.

— On faisait déjà attention à Lyly, mais on redoublera de vigilance, Anne. Tu peux compter sur nous.

Anne acquiesça la tête.

— Je sais que vous vous faites du souci, mais c'est une femme forte, ajouta Théo.

— Je sais, ce n'est pas ça qui me préoccupe, répondit Anne, lasse. Dès l'âge de neuf ans elle a su nous prouver à quel point elle était forte. Je ne veux juste pas la perdre, pas encore...

Anne se leva de table.

— Je m'excuse de vous laisser comme ça, mais je vais aller me coucher. Je suis fatiguée, et j'ai de nombreux rendez-vous demain.

Le trio hocha la tête.

— Bonne nuit, dit-elle avant de prendre ses couverts avec elle et de disparaître dans le couloir.


Lyly, étendue sur son lit, observa la porte de sa chambre. Sa mère n'avait aucune idée de comment la jeune femme se sentait en mentant à sa mère. Elle exécrait ça. Mais comment pouvait-elle agir différemment ? En lui disant que les crises étaient de plus en plus fréquentes, qu'elle avait même failli se faire écraser une nuit, si Théo ne l'avait pas retrouvé, afin de l'inquiéter encore plus ? Non. Elle ne voulait plus de cela. Elle avait vingt-trois ans. Il était temps de s'en sortir sans l'aide de sa mère... même si elle galérait au plus haut point.

Elle soupira et entendit une porte se refermer. Il était désormais une heure du matin. Faisait-elle une insomnie ? C'était probable. Mais elle ne souhaitait pas fermer l'œil, elle savait que la crise l'attendait, là, quelque part dans un coin de son corps. Depuis qu'elle dormait avec Théo, les crises étaient moins fortes, parfois elle ne faisait d'ailleurs que de simples cauchemars, mais cette nuit il n'était pas là. Avait-il préféré la laisser seule en pensant que c'était ce qu'elle voulait ? Peut-être bien. Pourtant, elle avait besoin de lui, de le sentir près d'elle.

Fatiguée de trop penser, elle repoussa la couette vers ses jambes, les sortit habilement et enfila ses chaussons avant de se relever. Elle ouvrit le plus silencieusement possible la porte de sa chambre et se faufila dans le couloir en direction dans la cuisine. Lorsqu'elle approcha de la porte, elle vit une légère lumière sortir du trou de la serrure, et elle poussa la porte, sur ses gardes.

Quant elle vit John et Théo assis, un verre d'eau à la main, elle expira de soulagement et poussa la porte derrière elle. Les deux hommes tournèrent instinctivement leur regard vers elle.

— Vous ne dormez pas ? demanda-t-elle, surprise.

Elle sortit une petite bouteille d'eau minérale du réfrigérateur et ôta le bouchon tout en se tournant vers eux.

— J'avais soif, répondit John. Quand je suis arrivé, Théo était déjà là.

Le fiancé d'Ashley avala le peu d'eau qui restait dans son verre et se releva.

— Je vais retourner me coucher, si Ashley voit que je suis pas près d'elle, elle va se poser des questions. Il déposa son verre dans l'évier et se tourna vers Théo. À plus tard, mec. Il tourna les talons et s'arrêta près de Lyly. Bonne nuit, repose-toi bien.

Lyly le remercia et John disparut de la cuisine en refermant la porte derrière lui.

Elle croisa le regard de Théo alors qu'il buvait son verre d'eau, et se dirigea aussitôt vers lui. Il se releva de sa chaise et ouvrit ses bras avant qu'elle ne se réfugie contre son torse. Il les referma autour d'elle et lui caressa le dos.

— Comment ça va, Lyly ?

Elle recula de ses bras et prit place sur la chaise près de celle de Théo, qui s'assit également.

— Ma mère ne comprend pas que je fais ça pour elle...

— Tu parles des crises de panique ?

Lyly soupira et baissa les yeux sur ses mains entourant la petite bouteille d'eau.

— Pas que... Je...

Elle soupira de nouveau.

— Il y a tellement de choses que vous ne savez pas, reprit-elle, tellement. Mais comment elle se sentirait si elle savait tout ça ? Comment ? Elle m'appellerait tous les jours, à chaque moment de la journée. Et je ne veux pas. Elle a du travail, beaucoup de travail, je ne peux pas lui infliger ça.

— De quoi tu parles, Lyly ?

Elle releva les yeux sur Théo.

— À chaque fois que je sors d'ici je vois la même voiture à quelques mètres de moi.

— Tu es suivie ? demanda-t-il, les sourcils froncés.

— Je n'en suis pas totalement sûre...

— Mais à chaque fois que tu sors tu la vois, c'est ça ? Elle te suit ?

— Elle se retrouve toujours là où je vais, Théo.

Il acquiesça, les dents serrées.

— Comment elle est ?

Lyly réfléchit un moment.

— Grise. Avec des vitres teintées.

— Quelle marque ?

Elle grimaça.

— Je ne connais rien aux voitures... mais je crois que c'est une Mercedes. Une cinq portes...

Le jeune homme la fixa.

— Peut-être que c'est pareil pour vous, reprit-elle, triste. Peut-être qu'elle vous suit aussi et que vous ne l'avez pas remarqué. Ou bien...

Elle plongea sa tête entre ses mains.

— Ou bien je suis complément folle, termina-t-elle.

— Je t'interdis de dire ça.

Théo prit l'une des mains de la jeune fille et la pressa dans la sienne.

— Ne redis plus jamais ça.

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