Chapitre 20 - partie 1
Lyly se réveilla en sursaut et se redressa brutalement sur son lit, une main sur son crâne et l'autre sur son cœur. Le même cauchemar. Elle avait fait le même cauchemar deux fois d'affilé, sans pouvoir se réveiller. La respiration haletante et les mains tremblantes, Lyly se leva de son lit et tenta de respirer du mieux qu'elle le pu avant de faire les quatre cents pas dans sa chambre afin de reprendre ses esprits.
Théo lui avait de nouveau demandé de s'en aller. Mais cette fois, il avait hurlé. Il avait hurlé de rage et avait écrasé son poing contre le mur de sa chambre avant de le retrouver en sang. Choquée de par sa réaction, Lyly avait elle aussi hurlé, avant d'éclater en sanglots. Elle avait ressenti en lui l'envie de la frapper, de la faire disparaître pour de bon de son champ de vision, mais il n'avait à aucun moment levé la main, seul son poing avait rencontré le mur gauche de sa chambre, avant que ses phalanges ne soient recouvertes de poudre blanche et de sang.
La jeune femme sortit de sa chambre et marcha dans le couloir plongé dans l'obscurité. Si elle souhaitait être discrète et ne réveiller personne, elle se devait d'être silencieuse et de ne pas allumer la lumière. Elle tourna à droite et passa le plus discrètement possible devant la chambre de sa cousine où elle dormait avec John. Mais lorsque Lyly passa devant celle de Théo, sans même s'en rendre compte, elle ralentit son allure et s'arrêta devant la porte fermée, hésitante. Il se trouvait derrière cette porte. Elle aurait aimé pouvoir le rejoindre, se glisser dans les draps et lui demander de l'enlacer du plus fort qu'il le pouvait afin de la consoler, mais son cauchemar lui revint brutalement en mémoire, et elle reprit aussitôt son élan afin de rejoindre la dernière chambre.
Sans réveiller sa mère, Lyly se glissa entre les draps du lit et sa cala tout à gauche, près du rebord, afin de ne pas déranger Anne. Elle avait vingt-trois ans. Bordel, à vingt-trois ans elle se faufilait encore dans le lit de sa mère après avoir fait un cauchemar. Comment cela pouvait-il être possible ? Honteuse de cela, Lyly se recroquevilla davantage sur elle-même et ferma les yeux, le cœur lourd.
Anne apporta une nouvelle bouteille de jus de fruits sur la table de la cuisine afin que Théo puisse en remplir son verre. Il attrapa habilement la bouteille qu'elle lui tendit pendant qu'Ashley croquait dans sa biscotte recouverte de pâte à tartiner.
John prit place près de sa fiancée quelques minutes plus tard, la tête encore dans les choux et les cheveux bruns en bataille. Théo tenta de masquer son air moqueur en apercevant la mine de son ami, mais celui-ci le remarqua et laissa échapper un petit rire, la voix enrouée.
— Enfoiré.
Théo pouffa, la bouche pleine de brioche au beurre, et tapa dans la main que lui tendit son ami, amusé.
— De vrais gamins, soupira Ashley, avant de recevoir un baiser sur la joue de la part de son fiancé.
Le visage d'Ashley s'illumina, sous le regard attendri d'Anne.
— Lyly dort encore ? Je l'ai pas encore vu.
— Oui, elle est dans ma chambre.
La grande cousine acquiesça la tête, sans chercher à comprendre, avant de se lancer dans une discussion avec son fiancé. Mais ce ne fut pas le cas de Théo, qui resta un instant perplexe, une tartine entre les mains.
La veille, Lyly lui avait semblé radieuse, pleine de joie de vivre. C'était la première fois qu'il l'avait vu ainsi d'ailleurs, et cela lui avait réchauffé le cœur. Mais si elle avait dormi avec sa mère durant la nuit, cela voulait dire qu'elle avait sûrement fait une nouvelle crise de panique, ce qui voulait donc dire qu'elle n'allait pas aussi bien qu'elle le laissait paraître.
Tous les quatre ne virent Lyly qu'à l'heure du déjeuner. Elle apparut dans le salon un peu après midi, alors que tout le monde venait de se mettre à table.
— Ah bah enfin ! s'exclama gentiment Ashley. On n'y croyait plus !
— Désolée, grimaça Lyly, j'étais vraiment fatiguée.
Elle prit place près de John, suivit par le regard de Théo, et attrapa vivement une tranche de pain avant d'en fourrer la moitié dans sa bouche. Sentir le pain encore chaud sur sa langue la fit fondre de bonheur.
— On fait quoi aujourd'hui ? demanda Ashley. T'as prévu quelque chose, Lyly ?
La jeune fille termina de mâcher son bout de pain et s'essuya la bouche d'un revers de main.
— Apparemment il y aurait une piscine à une quinzaine de minutes d'ici, on pourrait y aller si ça vous dit. Il y a même un côté jacuzzi.
— Ah ouais, ça a l'air trop cool ! Je suis partant, s'exclama John.
— Moi aussi, répondit Ashley, souriante. Ça fait longtemps que je suis pas allée à la piscine.
Anne et les trois jeunes se tournèrent vers Théo. Surpris, il acquiesça à son tour mécaniquement la tête. Tant qu'il pouvait passer du temps avec Lyly, cela lui convenait, mais ça, il n'allait pas l'avouer, pas devant tout le monde.
— Ça me va.
Le repas fut rapidement servi et ce n'est que lorsqu'ils eurent fini de manger et que John, sa fiancée et Théo furent retournés dans leur chambre afin de se préparer que Lyly apprit que sa mère ne viendrait pas avec eux.
— J'ai du travail. Je ne peux pas me permettre de perdre du temps. J'ai aussi un rendez-vous dans moins d'une heure. Je ne dois pas traîner.
Lyly alla nettoyer la table du salon et revint dans la cuisine afin d'essuyer celle de la cuisine.
— Je pensais vraiment que tu viendrais...
— On aura l'occasion de faire d'autres choses ensemble, Lyly. Mais là je ne peux pas. J'ai notre avocat à voir. Il voulait absolument que je vienne aujourd'hui.
Lyly hocha la tête de compréhension et reposa l'éponge dans l'évier avant de faire face à sa mère.
— Tu as fait une crise cette nuit ?
— Non... Je n'arrivais pas à dormir, c'est tout... Mais ça va, ne t'en fais pas.
— Tu es sûre ? Et ton rendez-vous chez le psychologue ? Tu ne m'en as pas reparlé. Qu'est-ce que ça donne ?
Lyly soupira longuement. Elle avait oublié ce rendez-vous. Elle avait même carrément oublié cela. Heureusement que sa mère lui en parlait.
— J'en ai un à la rentrée. Il n'y avait pas de place avant.
Anne acquiesça la tête, et Lyly vit naître sur son visage un léger sourire en coin. Amusée, elle fronça légèrement les sourcils et observa sa mère.
— Dis-moi, reprit Anne, à propos de ce Théo, tu m'avais dit qu'il était gentil, tendre... mais tu avais omis de me préciser qu'il était très très mignon.
Lyly tenta de masquer son sourire.
— Il est même carrément beau.
— Maman...
— Ce que je ne comprends pas, la coupa-t-elle, c'est que tu ne le regardes pas, tu ne le regardes pas aussi souvent que lui ne le fait. Il te regarde à longueur de temps, il cherche à croiser tes yeux, mais tu l'évites. Qu'est-ce qui te fait peur, Lyly ?
La jeune fille resta cloîtrée dans le silence un moment. Elle avait peur de tout. Absolument de tout. Elle sentait souvent son regard sur elle, elle ne pouvait pas dire le contraire, mais qu'allait-elle faire après l'avoir fixé à son tour ? Elle ne savait même pas où ils en étaient tous les deux.
— Lyly, arrête de te poser des tas de questions. Arrête. Tu ne vas pas avancer si...
Mais Lyly perdit le fil en repensant soudainement aux propos qu'avait tenu Théo dans son cauchemar. « Tu es tellement bouffée par ton passé que tu n'arrives même pas à avancer ». Tous deux avaient porté quasiment les mêmes propos. Ce ne pouvait pas être un hasard. Tout cela avait sûrement un sens. Mais bordel, elle n'arrivait pas à aller au-delà de ce qu'elle avait vécu. Cela la rongeait, elle en était maintenant consciente, mais elle ne trouvait pas la force d'y faire face, d'en... parler.
— Lyly ?
La jeune fille reporta son regard dans celui de sa mère, qu'elle avait inconsciemment quitté, bien trop plongée dans ses pensées.
— J'ai peur, maman.
— Mais peur de quoi ?
— Je ne crois pas que Théo ait besoin d'un boulet comme moi dans sa vie. Tu sais bien que j'ai beaucoup de mal à me confier, je ne sais pas pourquoi il semble s'intéresser à moi. J'ai...
— Demande-lui, la coupa sa mère.
— Quoi ?
— Eh bien demande-lui. La discussion est primordiale dans un couple. Je sais que tu n'es pas en couple avec lui, mais la discussion est très importante. Lorsque l'on a quelque chose sur le cœur, il faut le dire. Lorsque l'on a des questions, il faut les poser. Si tu te demandes pourquoi il s'intéresse à toi, eh bien demande-lui.
— Mais c'est stupide comme question !
— Bien sûr que non ! Aucune question n'est stupide ! Si tu te la poses, c'est que ça te fait cogiter. Si ça te fait cogiter, c'est que ça semble important pour toi. Si c'est important pour toi, c'est que ce n'est pas stupide. Absolument aucune question n'est stupide. Elle réfléchit. Si tu veux savoir, la personne stupide c'est celle qui ne pose aucune question, justement.
— En t'écoutant, ça semble tellement facile...
— Rien est facile non plus, ma Lyly. Mais parfois il faut savoir prendre les devants. Il faut savoir prendre les choses en mains et tenter. Rien est éternel, si tu as la possibilité aujourd'hui, ça ne veut pas forcément dire que tu en auras la possibilité demain. On ne sait pas de quoi le lendemain sera fait. Tu as la chance de pouvoir profiter de sa présence ici, alors profite, fonce.
Par elle ne sait quel moyen, Ashley avait réussi à encourager les troupes et tous les quatre avaient finalement accepté d'aller à la piscine à pieds. Anne avait quitté la maison en même temps qu'eux, et les quatre jeunes marchaient désormais le long d'un petit sentier, l'un à côté de l'autre.
Lyly et Théo virent John chuchoter quelque chose à l'oreille de sa fiancée, et celle-ci explosa de rire avant de courir sur quelques mètres, poursuivit par son fiancé, qui la rattrapa bien assez rapidement. Il lui tapota les fesses, ce qui fit rire Ashley, et il passa son bras autour de ses épaules, avant qu'elle ne vienne se coller à lui.
La jeune femme repensa à la discussion qu'elle avait eu avec sa mère dans la cuisine, et ralentit discrètement son allure afin de marcher aux côtés de Théo. Aucune question n'était stupide. Aucune.
— Théo, je peux te poser une question ?
Le jeune homme sembla surpris de l'entendre s'adresser à lui et acquiesça la tête tout en continuant de regarder en face de lui. Lyly s'assura que le jeune couple était assez loin et tourna son regard vers Théo.
De profil, elle discernait nettement ses lèvres. Ses lèvres étaient pulpeuses, bien plus pulpeuses que celles de John ou bien d'Ashley. Et pour avoir pu y poser ses lèvres, Lyly savait à quel point elles étaient également très douces.
— Tu me promets que tu ne te moqueras pas de moi ?
Théo leva les sourcils de surprise et tourna enfin son regard vers la jeune fille. Un sourire amusé sur le visage, il acquiesça la tête et reporta son attention devant lui.
— Pourquoi tu...
Elle s'arrêta. C'était une question stupide. Bordel, pourquoi sa mère l'avait encouragé à demander cela ? C'était une question bien trop stupide à poser. Mais d'un autre côté, si elle souhaitait le savoir, elle devait poser la question... Ou bien devait-elle attendre qu'il vienne naturellement s'ouvrir à elle. La probabilité qu'il lui réponde sans qu'elle ne pose la question était pourtant faible, bien trop faible, mais bon, l'espoir faisait vivre...
— Pourquoi je quoi ?
— Tu vas me trouver débile.
— Ça n'a jamais tué personne.
Lyly ricana nerveusement et lui cogna gentiment l'épaule. Amusé, Théo laissa échapper un petit rire et se rapprocha davantage d'elle.
— Pose-moi ta question, Lyly.
Elle inspira longuement afin de se donner du courage, et jeta de nouveau un œil vers sa cousine et John. Ils étaient toujours en pleine discussion à une dizaine de mètres d'eux. Théo sortit une bouteille d'eau de son sac et la porta à sa bouche.
— Pourquoi tu t'intéresses à moi ?
Le jeune homme avala de travers, referma rapidement sa bouteille et fut pris d'une quinte de toux. Ashley et John se retournèrent et s'arrêtèrent finalement afin de les attendre, pendant que Théo tentait de calmer sa toux du mieux qu'il le pouvait.
Lyly, gênée, sentit le rouge monter aux joues et se mura dans le silence lorsqu'ils furent de nouveau en la présence de sa cousine et de son fiancé.
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