Chapitre 16 - partie 1

Lyly se réveilla avec stupeur et se redressa brusquement sur le matelas avant d'apercevoir Théo accourir dans la chambre. Elle porta aussitôt sa main gauche sur son crâne et celle de droite sur son cou pendant que le jeune homme prenait place à ses côtés sur le lit, inquiet, avant de l'attirer contre lui afin de l'enlacer. Son visage était en sueur, le dos de son t-shirt lui collait à la peau, et par dessus tout, elle se rendit compte qu'elle avait sacrément dû se débattre dans le lit pour faire tomber la couette sur le sol de la chambre. Elle referma les paupières en sentant les bras de Théo se fermer davantage autour d'elle et l'une de ses mains lui caresser le dos.

— C'était un cauchemar, tout va bien ici, d'accord, Lyly ? Tout va bien ici, tu es en sécurité. Je suis là.

Lyly recula aussitôt des bras du jeune homme et porta sa main tremblante sur le front de celui-ci, paniquée.

— Tu ne saignes pas ?

Elle chercha une quelconque blessure sur le front du jeune homme, qui se laissa faire les sourcils légèrement froncés, avant de lui attraper gentiment les poignets.

— Je vais bien, je ne saigne nulle part, Lyly. Calme-toi, je vais bien.

A moitié convaincue, elle observa les quatre recoins de la chambre et inspira lentement de soulagement. Tout semblait en ordre. Théo allait bien. Elle allait bien.

— Tu veux m'en parler ?

La jeune femme reporta son attention sur le jeune homme et ressentit un léger pincement au cœur. Elle le connaissait depuis peu et lui avait déjà fait subir tant de choses. Comment faisait-il pour la supporter autant ? N'en avait-il pas marre ?

— C'était un mauvais rêve, rien de plus, marmonna-t-elle.

— Un mauvais rêve ? Dans un mauvais rêve il t'arrive souvent de hurler comme ça ? De te débattre autant ?

— J'ai hurlé ? demanda Lyly, surprise.

Théo acquiesça lentement la tête et elle se mura dans le silence.

— Lyly...

— J-j'ai rêvé que quelqu'un était entré chez toi, avoua-t-elle enfin. Il t'a écrasé son pistolet sur le crâne et tu t'es écroulé sur le sol, la tête en sang. J'ai hurlé de peur, mais il s'est jeté sur moi et a commencé à m'étrangler. Quand j'ai vu que tu devenais tout pâle, je me suis sentie horriblement mal, tu étais comme mort, j'ai eu envie de vomir, et j'ai perdu connaissance.

Théo lui caressa le dos des mains et apporta l'une de ses mains sur le visage de la jeune fille. Il lui effleura la joue de son pouce un instant et logea ensuite avec douceur sa main contre sa nuque.

— Comme tu peux le voir, je ne me suis pas fait assommer, et tu ne t'es pas faite étrangler. Tout va bien ici, il n'y a que toi et moi, et il ne risque pas d'arriver quelque chose.

— Je sais, mais...

— Il n'y a pas de mais, la coupa-t-il avec douceur. Il n'y a pas de mais, nous ne sommes que tous les deux ici, je peux même faire le tour de toutes les pièces si ça peut te rassurer.

Lyly hocha la tête négativement et recouvrit de sa main celle de Théo calée contre sa nuque.

— Je te fais confiance.

Théo l'observa tendrement. Il était rare qu'elle prenne les devants et ne vienne lui toucher la main d'elle-même. Et c'était la première fois qu'elle le regardait droit dans les yeux en lui disant qu'elle avait confiance en lui. C'était une énorme avancée.

— J'allais bientôt aller me coucher, tu veux que je laisse la lumière ?

Lyly resta silencieuse un instant, perplexe. Elle ne se voyait pas dormir avec la lumière de la chambre, elle n'allait pas réussir à fermer l'œil, elle en était certaine. Pourtant, elle ne souhaitait pas non plus se retrouver dans le noir, elle allait de nouveau paniquer, c'était prévisible.

— Non, mais...

Théo pencha légèrement la tête sur sa droite sans la quitter des yeux, intrigué.

— Mais ?

— T-tu peux rester ? demanda-t-elle enfin, gênée.

— Dans la chambre ?

— Oui, répondit-elle aussitôt, là, à côté de moi. Je ne pense pas que je vais réussir à dormir si je reste ici seule...

Le jeune homme la scruta un instant du regard, et finit par acquiescer la tête, lentement.

— Je vais aller boire un verre d'eau, je passe à la salle de bain et je te rejoins. Je peux te laisser seule cinq minutes ?

Lyly hocha la tête qu'il n'y avait aucun problème, et celui-ci s'éclipsa dans les autres pièces afin de terminer ce qu'il avait à faire avant de se coucher.

La lumière du jour réveilla la jeune fille un peu après neuf heures. Lorsqu'elle se rendit compte qu'elle était couchée sur son flanc droit et que le torse de Théo était collé à son dos, elle sentit les battements de son cœur accélérer. Les bras du jeune homme étaient fermement refermés autour d'elle et ce n'est qu'à ce instant qu'elle se rendit compte qu'elle avait l'une de ses fines mains serrée dans l'une des siennes. Sentant son bras droit endolori, elle tenta de s'extirper avec douceur d'entre les bras de Théo, mais il resserra davantage ses bras autour d'elle et Lyly s'immobilisa un instant, de peur de le réveiller. Comment avaient-ils pu terminer comme cela ?

A sa plus grande surprise, elle ne se sentait pas extrêmement gênée, elle se sentait même plutôt bien, mais si elle ne souhaitait pas perdre l'un des siens, elle allait devoir se relever, et vite.

— Théo... chuchota-t-elle.

Il semblait bien trop endormi pour l'entendre.

— Théo, s'il te plaît...

— Mhhhh.

— Il faut que je me lève.

Durant l'espace d'un instant elle crut qu'elle allait devoir insister, mais quelques secondes plus tard elle sentit l'étreinte du jeune homme se desserrer avec lenteur, et Lyly s'extirpa habilement de ces bras musclés avant de se retrouver sur ses jambes, à se masser le bras droit. Théo n'avait pas bougé. Il était totalement endormi. La jeune fille l'observa un instant, totalement attendrie par sa bouille et son apparente innocence, avant de filer le plus silencieusement possible dans la salle de bain. Dix minutes plus tard, Lyly ressortit de la salle, jeta un œil à Théo qui semblait encore totalement endormi, et passa la porte d'entrée en silence.

Lorsque Lyly repassa la porte d'entrée vingt minutes plus tard, elle se dirigea dans la chambre et vit le lit inoccupé. Seul le bruit de la circulation extérieure cassait le silence qui surplombait l'habitat. Son sachet marron encore chaud entre les mains, elle se dirigea vers la terrasse de la chambre et surprit Théo accoudé aux barres du balcon, observant les passants sur le trottoir.

Soulagée de l'avoir retrouvé, elle passa à l'extérieur et le rejoignit avant de prendre place à ses côtés. Apercevant un mouvement à sa gauche, il tourna son regard vers la jeune fille, vit ce qu'elle tenait entre les mains, et lui adressa un petit sourire.

— Je pensais que tu étais partie.

— Non, je suis juste passée à la boulangerie.

Il se tourna vers Lyly et s'accouda de son bras droit à la barre.

— Qu'est-ce que tu as apporté de bon ?

— Je ne savais pas trop ce que tu préférais manger le matin, alors j'ai pris trois croissants, deux pains au chocolat et deux pains aux raisins.

Théo laissa échapper un petit rire.

— Tout ça ? Mais tu vas me faire exploser.

— Vu ta carrure, je pense que tu as besoin de bien plus avant d'exploser.

Il laissa échapper un second petit rire et lui adressa un joli sourire.

— En tout cas c'est une belle surprise. Merci beaucoup, Lyly.

— Ce n'est rien comparé à tout ce que tu fais pour nous en ce moment... Elle hésita. Pour moi...

— Tu ne me dois rien, répondit-il en se redressant. Il jeta un vif coup d'œil au sachet marron et changea de conversation. On va les manger ces viennoiseries ?

Lyly acquiesça la tête et suivit Théo à l'intérieur.

Elle prit place à la table du salon et le jeune homme ramena le jus d'orange ainsi que deux verres. Il s'assit en face de Lyly, attrapa le sachet qu'elle lui tendait, et en sortit un pain aux raisins. Il croqua férocement dans la viennoiserie et observa la jeune femme devant lui qui avait déjà du chocolat au coin gauche des lèvres. Amusé, il lui fit signe qu'elle avait quelque chose dans la commissure des lèvres, et Lyly, gênée, se cacha aussitôt la bouche avant d'ôter le chocolat en trop.

— Tu rougis tout le temps, rétorqua-t-il entre deux bouchées, amusé.

— Je sais, soupira-t-elle. Même lorsque je ne suis que légèrement gênée, mon visage devient tout rouge.

— C'est mignon.

— C'est handicapant, surtout. Les gens n'ont même pas besoin de t'entendre parler, lorsqu'ils te voient rougir ils savent directement que tu n'es pas à l'aise.

Théo acquiesça la tête et sortit un croissant du sachet.

— Je comprends. Mais on dit souvent que les personnes qui rougissent sont des personnes envers qui on peut avoir plus confiance. C'est un aspect positif.

Lyly s'essuya la bouche à l'aide d'une serviette en papier et prit à son tour un croissant du sac.

— Il faut toujours que tu trouves un aspect positif dans chaque chose, n'est-ce pas ?

Il haussa les épaules.

— Peut-être bien.

Elle laissa sa main retomber sur la table et l'observa un instant. Il était en train de déguster avec lenteur son croissant alors qu'elle attendait un développement, une réponse bien plus développée que cela, ce qu'il avait tant l'habitude de faire d'habitude. Lorsqu'il se rendit compte que Lyly avait cessé toute activité afin de le fixer, il laissa échapper un petit rire et termina son croissant.

— Quoi ? Pourquoi tu me regardes comme ça ?

— C'est tout ?

— De quoi ?

Elle leva les yeux au ciel.

— Tu as dit « peut-être bien ». C'est tout ? Tu ne vas même pas argumenter ton point de vue ?

Théo s'avança légèrement sur le bord de sa chaise et vint croiser ses bras sur la table en observant la jeune fille face à lui.

— Disons que si je ne tente pas de voir le positif, je pense que je serais bon pour aller me foutre en l'air. Si tu ne tentes pas de voir un aspect positif dans une situation où il n'y a que du négatif, tu ne vas jamais t'en sortir. C'est sûr que c'est plus facile de voir le négatif que le positif, je dirais même qu'on a toujours tendance à faire ça. La mort, la déception, la peur, des tas de choses ont une connotation négative, mais si on ne focalise que sur cela, on ne peut pas avancer, on ne peut pas évoluer. La vie c'est ça, essayer de surpasser le négatif pour atteindre le positif.

Lyly hocha vivement la tête en signe de désaccord.

— Comment tu peux voir un aspect positif dans la mort ? La maladie ? Les blessures ? Je sais que certaines situations vont permettre de te forger le caractère, mais je ne vois pas ce que tu peux retirer de bon dans ces aspects là. La mort c'est de la merde, tout comme les blessures et la maladie.

— Je respecte ton avis, répondit-il calmement, tu as tout à fait le droit de ne pas être d'accord. Mais je pense que tu te focalises bien trop sur ce qui t'atteint négativement, sur ce qui te blesse, sur ce qui te fait tomber, échouer. Il réfléchit. Tu as juste à ouvrir les yeux et à regarder autour de toi lorsque tu sens qu'une chose t'atteint ou t'échappe. Il y aura toujours un élément positif dans la situation, toujours.

— Comme ?

Théo se laissa tomber au fond de sa chaise et se gratta l'arcade sourcilière tout en réfléchissant.

— Une fois j'ai eu un gros problème d'argent, j'ai demandé de l'aide à un ami, mais il m'a carrément tourné le dos. Ça m'a déçu, ça m'a même fait mal, mais j'ai accepté sa décision et je l'ai viré de ma vie. Par contre John, lui, n'a pas hésité une seconde et m'a apporté l'aide nécessaire.

Théo remplit les deux verres du jus d'orange et avala une gorgée du sien avant de le reposer sur la table.

— Dans cette situation, tu te serais sûrement dit « il m'a déçu, je ne pensais pas ça de lui », ce qui est dans un sens logique, et même vrai. Mais tu oublierais l'aide que t'a apporté John. Cette situation m'a permis de me rendre compte que le mec qui m'a tourné le dos n'était pas véritablement un ami, contrairement à John. Tu vois ce que je veux dire ?

Lyly acquiesça finalement la tête.

— Je comprends ce que tu veux dire. Mais dans certaines situations, il n'y a absolument aucun aspect positif. Crois-moi.

— Dans lesquelles, par exemple ?

Lyly s'apprêtait à répondre lorsqu'elle se ravisa. Elle ne souhaitait pas en parler. Elle n'en avait jamais parlé à personne. Si elle venait à parler de cela, il allait lui poser des questions, et elle ne souhaitait pas voir cela arriver. Non, elle ne pouvait pas en parler, elle ne s'en sentait pas capable, pas maintenant.

— Lyly ?

La jeune femme reporta son attention sur Théo, sérieuse.

— Laisse tomber, finit-elle par dire. Je n'ai aucun exemple en tête.

Elle mentait, et cela Théo le ressentit aussitôt. Vexé de voir qu'elle ne lui faisait visiblement pas tant confiance que cela, il avala la dernière gorgée de son verre et l'observa finir le sien. Comment pouvait-elle agir comme si rien ne s'était passé alors qu'elle venait de tout gâcher et de lui prouver qu'elle ne lui faisait pas confiance ?

Contrarié, il se leva de table, apporta les miettes des quelques viennoiseries dans ses mains et attrapa son verre.

— Merci pour le petit-déjeuner, lança-t-il d'un ton légèrement sec, je vais courir.

Surprise du ton qu'il venait d'employer, Lyly le suivit du regard et le perdit de vue lorsqu'il referma la porte de sa chambre derrière lui.

Théo n'avait pas apprécié le fait qu'elle change de sujet comme cela. Une fois de plus, elle n'avait pas osé dire les choses. Mais comment pouvait-elle parler de cette partie de son passé qu'elle tentait inlassablement d'oublier ? Comment pouvait-elle parvenir à s'ouvrir ? Théo permettait à Lyly de s'exprimer, il la laissait aborder toutes sortes de sujets et donnait son avis tout en respectant le sien. C'était un homme à la fois doux, à l'écoute et compréhensif. Rien ne pouvait empêcher Lyly de se confier, absolument rien, et pourtant, elle n'y parvenait pas. Jamais. Cette partie de son passé était connue de peu, très peu, et le fait d'en parler lui raviverait de douloureux souvenirs. Serait-elle assez forte pour y faire face ?

Si sa mère avait été là, elle aurait été la première à lui dire d'avancer, d'assumer son passé et d'en faire une force, plutôt qu'une faiblesse. Pourtant, sa mère ne parlait également que très peu de cette période. En souffrait-elle encore ou ne souhaitait-elle pas contrarier sa fille en abordant le sujet ? Lyly n'en savait rien. Lyly n'en savait rien et cela l'énerva. Bordel, que devait-elle faire ? Elle ne se sentait pas prête à en parler, elle ne se sentait pas prête du tout, alors que devait-elle faire ?

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