Chapitre 12 - partie 2
Le point positif était qu'elle avait enfin parlé de sa mésaventure au cinéma. Elle se sentait d'ailleurs même plus légère après avoir tout raconté. Mais le point négatif était que Justin et Théo étaient au courant. En parler à Ashley n'avait déjà pas été chose facile, mais regarder Théo droit dans les yeux en expliquant précisément ce qui s'était passé au cinéma avait sûrement été une mauvaise idée, une très mauvaise idée même. Elle l'avait vu contenir sa colère, elle avait vu sa mâchoire et ses poings se contracter, et pourtant, il n'avait pas bougé, il n'avait pas prononcé la moindre parole. Lui en voulait-elle d'être tombée dans le panneau d'Antoine ? Pourquoi avait-il baissé les yeux ? Mais pourquoi avait-il semblé si énervé ?
Le téléphone portable de Lyly vibra une fois. Elle jeta un œil au message que sa mère venait de lui envoyer, y répondit et le reposa sur sa table de chevet avant de se laisser tomber sur son lit. Le visage orienté vers le plafond, elle inspira profondément et scruta la peinture quasiment neuve. Ashley lui avait raconté il y a quelques jours de cela qu'elle avait repeint le plafond de cette chambre avec quelqu'un il y a de cela un an. Il fallait dire que le travail était bien fait. Tout était nickel, Lyly ne décelait pas une seule trace d'inattention.
Sur le point de refermer les paupières, elle se redressa sur son lit en entendant des pas dans le couloir. La personne toqua à la porte et bien assez vite Lyly vit Ashley pénétrer dans la chambre, suivit de Théo et Justin.
- On va faire un tour. Tu nous accompagnes ?
Lyly jeta un œil par la fenêtre. Il faisait plutôt beau. Mais elle ne se sentait pas capable d'aller se balader, ses jambes étaient fatiguées, ses nuits étaient trop courtes, voire quasiment inexistantes. Elle refusa gentiment de la tête.
- Même pour une petite pizza ?
Son estomac grogna. Son repas préféré. Ils allaient manger son repas préféré, et elle n'avait même pas le courage de se déplacer. Ashley pouffa.
- Tu vois, même ton estomac t'encourage à venir. Allez, viens, ça va te faire du bien.
- En plus tu vas être escortée par les deux plus beaux mecs de la ville, rajouta Justin en souriant, tu peux pas louper ça.
Lyly lâcha un léger petit rire et observa Justin. Il avait toujours un mot à dire, dans n'importe quelle situation. Parfois cela n'était pas drôle, mais sa tête l'était, et cela suffisait à faire rire les personnes avec qui il était.
- Pour être honnête avec toi, Ashley, je me sens très fatiguée.
- Tu ne prends plus les médicaments ?
La jeune cousine hocha la tête négativement.
- Je ne veux pas m'habituer à prendre des médicaments, je n'aime pas ça. Je préfère laisser le temps qu'il faut à mon corps.
- Bah on à cas aller chercher les pizzas et venir les manger ici ? suggéra Justin. Ça peut être cool, aussi.
Ashley se retourna aussitôt vers son ami, lui envoya son plus beau sourire et refit face à sa cousine, le sourire écarlate.
- Ouais ! Comme ça on pourra manger tous ensemble ! Tu nous attends ici, Lyly ? La pizzeria est à même pas cent mètres, on sera de retour dans peu de temps, ils sont hyper rapides à préparer les pizzas. Tu la veux à quoi ?
- Surprenez-moi, répondit Lyly.
- Tu penses vraiment que c'est nécessaire qu'on y aille tous les trois ? demanda Justin. Au pire Théo prépare les boissons et nous deux on va chercher les pizzas.
Ashley acquiesça.
- On revient !
Tous trois sortirent de la chambre pendant que Lyly se redressait sur ses jambes. Elle passa dans la salle de bain, se brossa les cheveux et aéra cinq minutes sa chambre avant de refermer sa fenêtre, de peur que des insectes ne fassent irruption dans son habitat.
Cela devait bien faire dix minutes que le jeune duo avait quitté la maison et il n'allait sûrement plus tarder maintenant. Debout, Lyly se pencha un instant afin d'attraper son sac et était sur le point d'en sortir ses affaires lorsqu'elle entendit Théo frapper à la porte de sa chambre. Elle se retourna, le vit pénétrer dans le lieu et s'arrêter face à elle, le visage fermé. Tous deux restèrent un instant à se fixer, immobiles, avant que le jeune homme ne vienne lui prendre délicatement le poignet et lui caresse le dos de sa main à l'aide de son pouce. Prise de frissons, Lyly se retint de tout commentaire. C'était un bel homme qui se trouvait face à elle, un bel homme qui se trouvait être son professeur. Pourquoi prenait-il les devants comme cela ? N'avait-il pas peur ? Et Ashley, qu'allait-elle dire ?
- A quoi tu penses ? demanda-t-il calmement.
Lyly baissa son regard vers sa main prise en otage. C'était la plus belle prise en otage qu'elle n'ait jamais vu, elle était même consentante, mais elle ne savait même pas comment réagir face à cela, ce n'était pas pour elle, cela ne l'avait jamais été...
- Lyly... insista-t-il. Dis-moi ce qui se passe dans ta tête.
Elle releva lentement ses yeux vers ceux de Théo.
- Qu'est-ce que tu penses de tout ça ?
- De quoi tu parles ?
- De tout ce qui est en train de se passer. Je te tutoie en dehors des cours, je t'ai vu torse-nu après le footing, je me fais caresser en ce moment la main. Je ne comprends pas. Et en cours, je dois te vouvoyer, je dois faire semblant que tout cela n'avait jamais existé, comme si le repas que l'on va partager après n'avait jamais eu lieu. Ce n'est pas une situation normale...
- Tu aimes la normalité ?
- Ce n'est pas la question, reprit-elle gentiment, loin de là. Je me questionne, ce n'est pas habituel pour moi. Je me sens totalement perdue.
- Qu'est-ce que tu ne comprends pas, exactement ? Le fait que je te touche la main en ce moment ? C'est ça qui te gène ?
- Ce n'est pas que ça me gène...
Théo pencha légèrement la tête vers la gauche, à la fois captivé et curieux.
- Tu n'aimes pas mon contact ?
Il relâcha avec lenteur la paume de sa main et vint loger sa main contre la nuque de la jeune fille. Il lui caressa avec lenteur le bas du visage. Spontanément, Lyly referma ses paupières, apaisée par le doux toucher que Théo lui prodiguait. De petits frissons parcourent la longueur de sa colonne vertébrale et c'est comme sous anesthésie qu'elle retrouva le regard du jeune homme.
- Théo...
- Dis-moi ce que tu ressens Lyly. Je ne peux pas t'aider si tu ne me dis pas clairement ce que tu ressens, ce qui se passe dans ta tête.
- Mais c'est pourtant clair, répondit-elle très calmement, encore sous l'effet des caresses de Théo. Je ne pense pas être faite pour ça, je ne pense pas pouvoir t'apporter quoi que ce soit, je suis bien trop...
- Coincée ?
Elle lui tapota aussitôt le torse et Théo vint lâcher un petit rire. Ce petit rire qui la faisait fondre et qu'elle n'entendait à aucun moment en cours.
- Je ne suis pas « coincée », j'ai juste... Je ne sais pas, j'ai peur de faire quelque chose de mal, de ne pas être assez bien.
Théo acquiesça lentement la tête. La jeune fille qu'il voyait en face de lui était loin de ne pas être assez bien. Elle avait tout pour elle. Elle était douce, intelligente, et par dessus tout, chaque parcelle de son corps semblait avoir été dessinée avec minutie. Tout était proportionnellement dessiné, absolument tout. Et ses yeux, où il lui semblait qu'on y avait jeté quelques couleurs de peinture afin de les rendre bien plus envoûtants que la moyenne, étaient d'une beauté sans nom.
- Tu te poses trop de questions, répondit-il enfin. Tu te poses tellement de questions que tu n'arrives pas à avancer, Lyly. Tu sais, parfois il suffit juste de laisser faire les choses, et parfois, il arrive de petits miracles. La vie est faite de miracles, de petits bonheurs, il faut juste vouloir et savoir les voir, il faut juste s'en rendre compte.
- La vie est tout sauf faite de miracles, elle détruit les gens. On dit que le malheur te forge le caractère mais c'est de la connerie. Ça te brise. Ça te change, ta valeur part aussi vite que le malheur est arrivé. Je ne crois pas en le bonheur, Théo. Je ne crois pas que l'on puisse être réellement heureux. Il y a juste des phases où on se sent mieux que d'autres, mais jamais l'on est totalement heureux. Il y aura toujours quelque chose pour te faire descendre de ton nuage et te faire comprendre que ce n'est pas ça la vie.
- C'est quoi la vie, alors, pour toi ? C'est être triste ? Brisée ?
- C'est supporter le poids de l'existence. Je n'ai jamais demandé à être en vie, moi. Je n'ai jamais demandé à vivre toutes les merdes que je vis. Mais je dois quand même vivre, alors je fais comme je peux. J'affronte les épreuves, je laisse toujours une partie de moi dans le combat, et j'affronte une autre épreuve, encore et encore. Ça n'arrête jamais.
Elle soupira.
- Tu n'as pas la même philosophie que moi, reprit-elle. On est tellement différents, toi et moi.
C'était la toute première fois que la jeune femme se dévoilait autant sur ses ressentis. C'était la toute première fois qu'elle se révélait autant, Théo en avait conscience, et il ne souhaitait pas tout gâcher.
- L'importance n'est pas de savoir comment tu vois la vie, mais la façon dont tu l'affrontes, la façon dont tu affrontes les épreuves, répondit-il.
- Et tu l'affrontes comment ?
Le jeune homme haussa les épaules et retira sa main de la nuque de Lyly.
- Ça dépend des situations. Mais je ne laisse pas gagner l'injustice. Jamais.
Lyly acquiesça lentement la tête et pensa soudainement à Antoine. Théo allait-il s'en prendre à lui dès mardi ? Allait-il réussir à le regarder dans le blanc des yeux et à maintenir son calme ?
- Est-ce que tu penses que je suis stupide ?
Surpris, Théo fronça légèrement les sourcils.
- Bien sûr que non. Tu es loin d'être stupide, Lyly. Pourquoi ? Qu'est-ce qui te fait penser ça ? Ta façon de voir la vie ?
La jeune femme hocha la tête négativement.
- Je me suis laissée berner par Antoine... Je me suis laissée faite avoir alors que tout, absolument tout, laissait penser qu'il était intéressé par moi.
A ses mots, la jeune fille vit le visage de Théo se durcir. Antoine était visiblement un sujet sensible.
- Ce n'est pas parce qu'un crétin a tenté des choses sur toi que tu es bête. C'est lui l'imbécile. C'est lui qui devrait avoir honte et non toi .Tu n'as rien à te reprocher, absolument rien.
- Tu n'as rien dit tout à l'heure en bas... Je ne savais pas ce que tu en pensais, je ne savais pas si tu été énervé envers lui ou envers moi...
- Mais qu'est-ce que tu voulais que je dise ? répondit-il, légèrement énervé. Que je voulais lui briser la nuque ? Que... Il soupira en apercevant le visage surpris de la jeune femme. Lyly...
Théo attrapa la main de la jeune fille dans la sienne et y entrelaça ses doigts.
- Ce mec est un abruti de service. J'étais énervé contre lui, je me suis rendu compte à quel point son comportement avait été lâche, je me suis rendu compte à quel point ça me mettait hors de moi de savoir qu'il t'avait touché comme ça, sans ton consentement. L'imaginer te tripoter m'a mis hors de moi. J'ai surréagis.
- Surréagis ?
- Je n'ai pas à me mettre dans un état pareil face à quiconque. Tu n'avais pas à voir mon énervement s'afficher sur mon visage. Ce n'est pas correct vis-à-vis de toi.
La porte d'entrée claqua mais tous deux l'ignorèrent. Ce n'est que lorsque l'odeur des pizzas parvint à pénétrer dans la chambre que Lyly se rendit compte que sa cousine était rentrée. Elle détacha instinctivement sa main de celle de Théo, répondit à l'appel d'Ashley et vint reporter son regard dans celui du jeune homme, qui n'avait pas quitté le sien.
- Je crois qu'ils nous attendent en bas.
En silence, Théo hocha la tête et suivit la jeune fille dans le couloir, quelque peu préoccupé. Lyly était unique, ça il n'y avait pas de doutes, mais comment pouvait-elle voir la vie sous cet angle ? Qu'avait-elle vécu d'autres afin de penser de cette façon ? Était-ce son naturel ou bien avait-elle été autant écorchée par la vie ? Avait-elle laissée bien plus de parties au combat, comme elle l'avait si bien dit, que ce qu'il imaginait ?
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