Chapitre 12 - partie 1

C'est avec un effort surhumain que Lyly se leva le lendemain matin et se prépara dans la salle de bain avant le petit-déjeuner. Ashley n'était pas au courant de ce qui s'était passé, et elle ne souhaitait même pas en parler tant le geste d'Antoine la dégouttait. A quel moment avait-il jugé bon de glisser sa main de cette sorte sur sa cuisse ? Pourquoi foutait-il toujours tout en l'air ? Eh merde. Lyly plongea son visage sous l'eau du robinet, tentant du mieux qu'elle le pouvait de se geler les pensées, et se recouvrit le visage de sa serviette de douche. Si elle traînait trop, Ashley allait se douter de quelque chose, elle devait donc faire vite. La jeune étudiante sortit de la salle, croisa sa cousine, la tête encore dans les choux, et prit place sur l'une des chaises du salon, face à de la brioche pur beurre. Elle attrapa le couteau près de sa main, coupa une fine tranche, question de dire qu'elle avait avalé quelque chose, et fila dans sa chambre.

Elle avait un exposé à présenter aujourd'hui, avec Antoine, alors comment allait-elle faire pour le regarder droit dans les yeux sans vouloir lui coller sa main dans la figure ? Comment allait-elle faire pour l'éviter dans cette situation ? Afin d'éviter l'habituel interrogatoire, Lyly se leva de son lit en trombe, attrapa son sac à la volée, sa veste, et sortit en silence de la maison. Si elle ne souhaitait plus parler de lui, elle devait à tout prix éviter sa cousine. Il était évident qu'elle ne pourrait pas toujours l'éviter, qu'elle allait un jour devoir lui dire comment s'était passé sa sortie au cinéma, mais elle n'en avait pas le cœur ce matin.

La jeune étudiante inspira longuement sur le côté de la porte de sa salle de cours, leva la tête et pénétra dans sa salle. Contrairement à son habitude, elle s'installa au premier rang, sur la rangée de gauche,et ne jeta pas un seul regard sur sa table du fond. Elle n'aimait pas vraiment être devant, si elle ne travaillait pas le professeur allait vite s'en rendre compte, contrairement à la rangée du fond. Lorsqu'elle prenait place à son ancienne table, aux côtés d'Antoine, elle avait vu à plusieurs reprises certains étudiants naviguer sur les réseaux sociaux pendant que le professeur faisait cours. Cela était totalement impensable en prenant place aux premiers rangs. Personne ne vint s'asseoir à ses côtés en cours, et c'est seule qu'elle passa la matinée.

A l'heure du déjeuner, Lyly passa dans un supermarché afin de s'acheter une boîte de biscuits ainsi qu'une bouteille d'eau, et ne revint à l'université que cinq minutes avant le début du cours. Celui qu'elle redoutait tant. Lorsque le professeur signala le groupe qui allait maintenant passer à l'oral, son cœur dérapa et c'est avec les mains moites et le souffle coupé qu'elle s'installa devant le tableau. Les yeux plantés sur son professeur, elle n'adressa pas un seul regard à son compagnon d'exposé pendant que celui-ci la rejoignait et c'est le cœur lourd qu'elle l'entendit débuter l'exposé quelques secondes plus tard, à six mètres d'elle.

Au premier abord, elle se sentit soulagée de l'entendre expliquer avec précision les éléments complexes du texte, mais c'est lorsqu'il se mura dans le silence qu'elle se rendit compte que c'était à elle de prendre la suite et qu'elle était tout bonnement crispée. La jeune fille resta aphone un moment. Des flashbacks de la scène au cinéma lui revenaient en mémoire. Sa main sur sa cuisse. Sa caresse remonter le long de sa jambe. La gifle. C'est avec difficulté qu'elle reprit le dessus sur ses émotions et qu'elle retrouva ses mots, sa partie, son texte.

Elle avait senti le regard interrogateur du professeur lors de son hésitation, mais il fallait désormais qu'elle montre qu'elle connaissait son sujet, qu'il n'avait désormais plus aucun secret pour elle.

La partie présentation terminée, le professeur les observa tous deux avant de passer à la partie questions. Il avait apprécié leur exposé, malgré le moment de solitude de la jeune femme. Le professeur ne savait pas si cela était dû au stress ou bien au fait qu'elle n'avait pas bien appris sa partie, mais visiblement cela allait leur coûter des points, ou plutôt lui coûter des points. C'est avec déception qu'elle reprit place à sa table et Lyly se fit discrète jusqu'à la fin de l'heure, blasée. Elle l'avait travaillé sa partie, elle la connaissait même sur le bout des doigts, et elle avait tout de même échoué !

Lorsque le professeur annonça la fin de l'heure, les étudiants sortirent en trombe de la salle et c'est en recevant un coup dans la hanche que Lyly se rendit compte de la présence d'Antoine à ses côtés. Elle lui fit face, les sourcils froncés, et c'est avec sa bande de copains qu'il la jaugea du regard.

- T'es vraiment qu'un connard ! s'exclama-t-elle.

- C'est toi la connasse dans l'histoire ! répondit-il, énervé. A cause de toi je vais perdre des points sur ma note ! T'es même pas capable d'apprendre ta minuscule partie !

- Mais tu te fous de moi ? Comment tu peux oser me jeter ça dans la figure alors que la mienne faisait deux fois la tienne !

Antoine ricana.

- T'avais à cas me le dire que t'étais incompétente, j'aurais tout fait tout seul.

Lyly sentit la colère monter en elle.

- Mais ma parole tu fais exprès ? Bordel Antoine c'était un travail de groupe, on a autant travaillé l'un que l'autre, mais à cause de ta foutue soirée cinéma j'ai été incapable de me souvenir du début de mon texte ! A cause de...

Antoine pouffa.

- T'es vraiment minable, la coupa-t-il. T'aurais pu trouver mieux comme excuse. En attendant, je vais pas manquer d'envoyer un mail au prof pour lui faire part de ton manque d'implication. Si ça peut me faire gagner des points...

- T'oserais pas... rétorqua-t-elle lentement. T'oserais pas faire une chose pareille. Tu sais aussi bien que moi que c'est de la connerie !

- Je vais pas me gêner.

Et c'est sous le regard pervers d'Antoine que la jeune fille tourna les talons avec fureur. Anéantie par l'être faible qu'il était, Lyly passa aux toilettes afin de boire un coup au robinet et rejoignit sa prochaine salle de cours, son esprit empli de haine.

Antoine était un bien bel abruti, si elle avait su, jamais elle ne lui aurait accordé la moindre attention... Mais comment aurait-elle pu le savoir ? Déçue, elle passa la porte de sa salle et reprit place aux premiers rangs, mais cette fois-ci sur la rangée de droite. Elle ouvrit la fenêtre afin de laisser passer un filet d'air frais et l'enseignante pénétra dans la classe dix minutes plus tard, en retard.

Les bras ballants et les pensées vagabondant dans son crâne, Lyly laissa son corps la guider. Inconsciemment, elle prit le même chemin que l'aller, observa les voitures qui frôlaient le trottoir sur lequel elle marchait et c'est avec soulagement qu'elle arriva chez sa cousine et qu'elle laissa son sac tomber à l'entrée du couloir. Son plus grand souhait dès à présent était de se jeter sur le canapé, de se recouvrir la tête de tous les coussins et de se faire oublier jusqu'au lendemain.

Malheureusement, lorsqu'elle pénétra dans le salon, elle vit Ashley assise entre Justin et Théo, et c'est avec son plus grand sourire qu'elle l'accueillit.

- Alors ! s'exclama joyeusement Ashley. Ton exposé, c'était comment ? T'as subjugué ton prof ?

Lyly soupira et tourna les talons. Elle se dirigeait vers les escaliers lorsqu'elle entendit sa cousine se relever et une main se posa sur son épaule. Fatiguée, la jeune fille se retourna et tomba nez à nez avec sa cousine, le visage désormais inquiet.

- Qu'est-ce qui s'est passé, Lyly ? T'as stressé ? Tu as oublié ta partie ? Antoine n'est pas venu ?

- Ne me parle plus jamais de lui, rétorqua Lyly, les poings contractés. Tout ça c'est à cause de lui ! C'est un connard !

Sous le regard interloqué des deux jeunes hommes, la jeune fille expira longuement, gênée de sa réaction excessive. Pourtant c'était bel et bien ce qu'elle ressentait, et c'était bel et bien la vérité.

- J'ai carrément déconné, reprit-elle plus calmement mais sèchement. Je n'étais pas dedans, pas du tout, et le professeur m'a fixé pendant un long moment avant que ma partie ne me revienne en mémoire... Mais c'est trop tard, je vais être mal notée, et Antoine va signaler au prof que je n'ai pas assez travaillé pour essayer de gagner plus de points... Je n'arrive pas à y croire...

- Pourquoi il ferait ça ? demanda Ashley, intriguée. C'est ton ami, non ? Je comprends pas.

- Ashley... soupira Lyly. Depuis le début il me tourne autour, depuis le début il essaye de se rapprocher de moi. Il a commencé à me parler de coup de foudre, il m'a embrassé. Putain Ashley c'est un pervers ce mec, il n'a pas de limites ! Et je n'ai même pas eu le cran de lui dire mot pour mot que je n'étais pas amoureuse de lui...

- Mais hier vous êtes sortis au cinéma, Lyly. Vous aviez l'air de bien vous entendre.

Ashley était totalement perdue. Comment tout avait pu autant partir en vrille en aussi peu de temps ? Lyly hocha aussitôt la tête horizontalement.

- Non Ashley, TU m'as forcé à aller voir ce film avec lui, TU m'as forcé en disant que ça me changerait les idées. Mais au lieu de ça, J'AI loupé mon exposé. J'AI loupé mon exposé à cause de SA foutue main baladeuse !

- Quoi ? intervint Justin. Il a essayé de te toucher ?

Lyly se souvint soudainement de la présence des garçons. Ashley répéta mot pour mot la phrase de Justin et c'est avec lenteur qu'elle décrocha son regard de celui de sa cousine et vint le planter dans celui de Théo.

- Il a posé sa main sur ma jambe. Je lui ai ordonné de la retirer mais il a commencé à la glisser sur ma cuisse. Il a tenté de monter plus haut, de monter sa main vers ma culotte, mais je me suis relevée et je l'ai giflé.

Lyly vit la mâchoire de Théo se contracter et celui-ci quitta aussitôt son regard. La jeune étudiante reporta son attention sur Ashley, qui resta immobile, silencieuse.

- Lyly, commença Justin qui se relevait du canapé.

- T'aurais dû m'en parler, le coupa Ashley. Si tu m'en avais parlé t'aurais probablement pas pensé à ça pendant ton exposé.... Pourquoi t'es pas venue me le dire ? Pourquoi tu...

- J'avais honte ! s'exclama Lyly, les poings contractés. J'avais honte ! J'en ai marre de me plaindre, de faire pitié, d'attrister les gens ! Tu comprends ça ? Pendant des années j'ai fait pitié, pendant des années j'ai eu l'impression que rien n'allait chez moi, et j'en ai plus qu'assez de tout ça ! Je veux connaître autre chose ! Mais même quand j'essaye, même quand je tente de faire les choses biens, tout part en vrille, absolument tout... J'ai même besoin d'un psy pour m'en sortir, je n'ai aucune autonomie...

- Lyly...

Ashley posa aussitôt sa main sur l'épaule de sa petite cousine et tenta de capter son regard. En vain.

- Ce sont pas des reproches que je te fais. Je veux juste que tu comprennes qu'on peut affronter les épreuves ensemble. Je suis de ta famille, je tiens à toi.

Théo n'avait toujours pas bougé ni prononcé le moindre mot. Les poings contractés et les veines apparentes le long de ses mains prouvaient à quel point la colère montait en lui. Pourtant il ne pouvait pas exploser, pas ici. Cela ne ferait que de surprendre Ashley et Justin, et cela n'allait pas aider Lyly. Loin de là. La jeune étudiante recula d'un pas.

- Je vais monter, j'ai des devoirs à faire.

Et sans attendre l'autorisation de sa cousine, Lyly tourna les talons, attrapa son sac et se rua dans les escaliers avant de s'enfermer dans sa chambre.

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