Le changement est, autrement dit, le fil conducteur d'une nouvelle vie. Mais ce changement jouera-t-il en la faveur de Lyly ? Ou bien se rendra-t-elle compte que malgré les plus extrêmes changements apportés son passé n'est pas prêt de la laisser en paix ? Le changement sera-t-il suffisant ? Sa vie saura-t-elle retrouver son chemin ?

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Le conducteur attrapa les valises de la jeune fille, les déposa habilement dans le coffre de son taxi et reprit place au volant pendant que Lyly s'installait à l'arrière.

— Lydie, vous n'êtes pas d'ici, je me trompe ?

Elle grimaça à l'entente de ce prénom.

— Mmmh.

Lyly n'avait aucune idée de ce que l'homme avait bien pu lui demander, bien trop plongée dans ses pensées et bien trop écœurée d'avoir de nouveau entendu quelqu'un employer ce prénom. Ce prénom qu'elle ne souhaitait plus jamais entendre et qui lui faisait désormais froid dans le dos. Aujourd'hui c'était Lyly, et rien d'autre que Lyly.

C'était une nouvelle vie qui commençait pour elle, du moins c'était ce que sa mère lui avait bassiné avant qu'elle ne prenne l'avion. « Tu verras, tout ira bien. Et puis, c'est une nouvelle chance, un nouveau départ ! Une nouvelle vie, ma Lyly. »

Cela faisait bien dix ans qu'elle n'avait pas revu sa cousine, et voilà que maintenant elle allait cohabiter avec elle pour sa sécurité. Sérieusement, pourquoi sa mère avait eu une idée pareille ? Pourquoi n'avait-elle pas pu la suivre pendant les démarches administratives avec leur avocat ? Pourquoi n'avaient-elles pas pu rester ensemble et soudées durant cette épreuve ? Sa mère, Anne, avait toujours de ces idées...

Elle fut soudainement prise de frissons et un flash-back la cloua à son siège. Les menaces. Son regard. La fuite. Les flammes et les hurlements... Merde ! Pourquoi fallait-il que tout s'enchaîne ? Pourquoi ne pouvaient-elles pas vivre paisiblement après tout ce qu'elles avaient enduré ? Pourquoi devait-elle toujours prendre en pleine face la cruauté de l'existence et de l'Homme ?

Elle soupira, se frotta les bras pour se réchauffer et tenta de recentrer ses pensées, comme sa mère l'aurait souhaité. Bon... A quoi pouvait bien ressembler sa cousine ? Était-elle aussi belle que dans ses souvenirs ? Mais était-elle toujours aussi... hautaine ? Froide ?

Lyly replaça l'une de ses mèches de cheveux de couleur châtain derrière son oreille droite. Le voyage en avion avait été une horreur, cela avait été long, bien trop long, et voilà que maintenant elle devait encore patienter dans ce taxi pour qu'il puisse la mener jusqu'à sa destination. Attendre. Toujours attendre. Elle passait sa vie à attendre.

Le conducteur déposa les valises sur le trottoir et fixa la jeune fille qui était en train de prendre une longue inspiration, les yeux fermés. Elle était enfin arrivée. Saine et sauve.

— Bonne journée, mademoiselle.

Elle le remercia après que la note ait été réglée et l'homme remonta dans son véhicule, tout souriant, avant de laisser Lyly seule au beau milieu du trottoir, dans une ville qui lui était totalement inconnue.

Comment pouvait être sa cousine ? Sa mère aurait pu lui envoyer une photo d'elle, question qu'elle puisse la reconnaître... D'ailleurs, allait-elle venir la chercher ? Et si elle n'avait pas voulu d'elle et qu'elle avait accepté de l'héberger juste pour faire plaisir à Anne ? Lyly fronça les sourcils à cette idée et jeta un coup d 'œil dans les alentours. Mais personne ne se dirigeait vers elle.

Cela faisait une bonne dizaine de minutes qu'elle attendait. Fatiguée, elle jeta une énième fois un œil aux alentours, observa encore les façades des bâtiments, les voitures près du trottoir, et était sur le point de sortir son baladeur de la poche de sa veste lorsqu'elle sentit une main se poser sur son épaule. Lyly sursauta de peur et se retourna, les poings serrés. Une jeune femme blonde lui envoya son plus beau sourire et lui fit la bise, ignorant sa réaction légèrement surdimensionnée.

- Wow, t'as sacrément changé Lydie ! Tu te souviens de moi ?

La jeune fille grimaça.

- Je suppose que tu es Ashley ?

- Bingo !

Voyant sa petite cousine analyser les alentours, Ashley prit l'une des valises dans sa main droite et fit signe à Lyly de la suivre. Sans tarder, celle-ci attrapa la poignée de son autre bagage et la suivit de près. Cette ville semblait calme, contrairement à celle que Lyly avait quitté plus tôt dans la matinée.

Sa cousine prit la première à droite et emprunta un petit chemin sableux puis un trottoir très étroit avant d'atterrir devant une chouette maisonnette blanche. Toujours en silence, Lyly passa la porte d'entrée après Ashley et la suivit jusque dans une chambre inoccupée à l'étage où elles s'arrêtèrent.

— J'espère que cette chambre te plaira. J'ai enlevé toutes mes anciennes affaires pour que tu puisses mettre les tiennes. Si tu cherches la mienne, c'est celle au fond du couloir, en bas !

Remarquant que sa cousine n'était pas très bavarde, Ashley reprit en souriant.

— Tu dois être fatiguée... Je vais finir quelques devoirs, si tu as des questions, tu sais où me trouver !

Elle acquiesça. Une fois sa cousine éloignée, Lyly examina la chambre et prit place sur le rebord du lit. Elle ressentait l'anxiété monter en elle.

C'était donc ici qu'elle allait vivre dès à présent sans sa mère ? Avec cette cousine qu'elle ne reconnaissait même pas ? Dans une ville qu'elle ne connaissait absolument pas ? Dans une ville peuplée de personnes inconnues sans aucun visage familier ? Son regard se posa soudainement sur ses affaires et elle soupira longuement, démoralisée.

Elle n'avait pas grand chose à ranger, seulement des vêtements et quelques accessoires qu'elle avait pu sauver avant de quitter l'hôtel en flammes. Tout ce qui lui restait de son ancienne vie était rangée dans ces deux valises. Sa vie tenait dans deux foutues valises mal rangées et le reste était tout bonnement parti en fumée.

Plus reposée que la veille, Lyly appela sa mère le lendemain matin pour lui raconter son arrivée et rejoignit Ashley dans la cuisine en fin de matinée. Une bonne odeur prenait possession des lieux, et c'est le ventre gargouillant que Lyly apparut.

— Tu veux des pancakes ?

— Oui, je veux bien, merci.

A la plus grande surprise d'Ashley, Lyly sembla bien plus ouverte et bavarde que la veille.

Elles profitèrent de la matinée pour échanger afin d'apprendre à se connaître et Lyly fut étonnée de voir l'évolution aussi bien mentale que physique de sa cousine. Celle-ci semblait bien plus drôle, énergique et à l'écoute que dans le passé. La personne hautaine et froide qu'elle avait rencontré il y a une dizaine d'années avait totalement disparu.

Après le déjeuner, les deux cousines prirent place sur le divan grisé du salon. Lyly appréciait la décoration de la salle. Chaque objet semblait se compléter à la perfection. C'était le cas du blanc opalin de la table basse avec le buffet, ou bien le tapis du salon avec le rideau occultant. Ashley semblait être à la fois minutieuse et passionnée de décoration.

- Comment est l'université ?

- Grande, mais tu vas vite t'y retrouver, t'en fais pas. J'ai réussi à me repérer en à peu près deux semaines.

Lyly acquiesça la tête, préoccupée. Cela ne la rassurait pas. Pouvait-elle se repérer aussi facilement que sa cousine ? Et si elle ne réussissait pas à trouver ses marques ?

— Hey, reprit Ashley en remarquant la petite mine de sa cousine, t'en fais pas, ça va le faire ! En plus je suis dans la même université que toi, donc je vais te présenter des potes, tout se passera bien, tu verras.

Lyly renvoya un léger sourire à sa cousine pendant que celle-ci allumait la télévision. Sentant le stress monter en elle, Lyly se fourra au fond du canapé pour se faire discrète et croisa les bras sur sa poitrine, pensive.

Elle détestait les rentrées, et encore plus le fait de devoir rejoindre une classe en plein mois de janvier. Tout le monde se connaissait, toute l'attention allait donc probablement être portée sur elle, ce qu'elle exécrait. Elle préférait être oubliée. Ignorée. Elle détestait être le centre d'attention.

— Au fait... je préfère que tu m'appelles Lyly.