Zambasi

La nuit tombée, l'équipage alla dormir. Berius, les yeux fixés sur le plafond dans sa cabine, ne parvenait cependant pas à trouver le sommeil. Une certaine anxiété lui montait à la tête, tenant morphée à distance. Il tourna la tête vers Tulsei, qui dormait profondément, avant de regarder à nouveau le plafond. Finalement, il repoussa les couvertures et enfila un pantalon et des chaussures avant de sortir de sa cabine en débardeur. La sourde vibration des générateurs créait un bruit de fond empêchant un silence complet dans le corridor peu éclairé où il se trouvait, et il préféra sortir du croiseur pour prendre l'air. Croisant quelques soldats de garde sur le chemin, il finit par arriver à la rampe et se retrouva à l'extérieur, dans la nuit chaude de Mudrizyl III.

Les cristaux semblaient fluorescents et brillaient faiblement dans la nuit, créant des sortes de constellations dans le paysage environnant. Une partie des étoiles dans le ciel était toujours oblitérée par les panaches de fumée en provenance de la capitale dévastée, et quelques rais de lumière provenaient des tentes, où patientaient quelques soldats devant prendre la relève des patrouilles. Des jets de fumée blanche émergeaient de temps en temps du Vif, dans un léger bruissement tranchant avec le silence nocturne. L'espace laissé par le Stoïque permettait une meilleure vue sur la plaine alentour, montrant un paysage certainement magnifique quand il n'était pas ponctué de cratères et de bâtiments en ruines.

Berius continua de marcher dans le campement installé à proximité du croiseur, passant près des barges de débarquement, garées en ligne. Il finit par s'assoir à côté de l'une d'entre elles, et s'y adossa, les yeux fermés, le menton relevé. La fatigue ne semblait cependant toujours pas vouloir se montrer, même après de longues minutes. Il poussa un long soupir, alors que l'angoisse sourde qui l'empêchait de trouver le sommeil continuait de grandir en lui. Peu après, une voix retentit à quelques mètres de lui :

« Besoin d'aide ? »

Berius ouvrit les yeux et se redressa en l'entendant, avant de se lever sans voir d'où ces paroles avaient pu provenir. La personne parla de nouveau :

« Ici, regardez ! »

Le soldat se tourna dans cette direction, remarquant une silhouette assise sur l'une des barges. Il ne l'avait pas remarqué en arrivant de demanda :

« Ça fait longtemps que vous êtes ici ? »

Il n'eut pour réponse qu'un haussement d'épaule, et la personne sauta de la barge avant de prendre la parole à nouveau :

« Je suis là depuis quelques heures, mais j'ai préféré ne pas déranger.

- Quel est votre nom ?

- Zambasi. Je fais partie de l'équipage de l'Insolent, dans la division qui s'occupe des négociations.

- Commandant Berius. Je sers sur le Vif.

- Pardonnez moi commandant,je ne connaissais pas votre grade.

- Ce n'est rien. Qu'est-ce que vous faites ici ?

- Tout le monde ne m'apprécie pas forcément dans l'Insolent. La négociation... Ça fait "fragile" voyez vous.

- Je comprend bien que vous vous isoliez alors.

- Et vous, si ce n'est pas indiscret ?

- J'arrive pas à dormir.»

Zambasi inspirait à Berius une certaine confiance, sans vraiment qu'il sache expliquer en quoi. Il se permit de demander :

« Est-ce que... Vous êtes optimiste sur la suite de la guerre ? »

Zambasi haussa légèrement les sourcils, et réfléchit, avant de dire :

« Ce n'est peut-être pas le meilleur endroit pour discuter. Ça vous convient si on change d'endroit ?

- Pas de problème. »

Les deux insomniaques se mirent alors en mouvement. Progressivement, alors qu'ils approchaient des tentes, la lumière douce en provenant éclaira le visage de Zambasi. Son crâne était rasé sur les côtés et ses cheveux bouclés verts montés en une petite crête. Sa peau d'une agréable couleur caramel était tachetée de noir, ses oreilles étaient légèrement plus longues qu'une bonne partie des humanoïdes, et pointues. Enfin, ses yeux étaient d'une jolie couleur lilas. Berius allait relancer la conversation mais n'en eut pas besoin, Zambasi reprenant alors la parole :

« Optimiste... Je ne sais pas vraiment dire que je sois optimiste en réalité, mais pas forcément pour les raisons que vous pouvez vous figurer. J'ai la conviction que l'Union a toutes ses chances, et que nous pourrons gagner. Si en cela vous me voyez comme optimiste, commandant, alors je le suis. Mais regardez simplement la ville à côté de laquelle on est. Ou renseignez vous sur le nombre de pertes estimées depuis le début de ce conflit, et dans les deux camps. Allez jeter un œil aux lois passées par le Sénat. En ayant tout ça en tête... Je peux difficilement me qualifier d'optimiste. »

Berius soupira légèrement :

« Alors vous pensez qu'on va réussir. C'est tout ce qui m'importe.»

Zambasi se tourna vers lui, un certain étonnement peint sur le visage, et renchérit :

« Rien d'autre que la victoire ne vous préoccupe ?

- Je veux que ce conflit se termine le plus rapidement possible. Notre Union doit protéger ses citoyens, par tous les moyens, même si ça doit passer par la destruction. Chaque seconde qui se passe dans cette guerre est une seconde de trop, où nos citoyens meurent à cause d'un régime dictatorial. Plus vite il sera anéanti, plus le nombre de personnes sauvées augmentera.

- Je ne suis pas vraiment en accord avec vous. Ce régime doit être détruit, mais chaque mort est de trop, qu'importe le camp. Aucun sacrifice n'est acceptable. Chaque soldat que vous avez pu abattre, aussi engoncé dans sa propagande qu'il soit, n'aurait jamais dû mourir. »

Berius serra légèrement la mâchoire avant de répliquer :

« Ces soldats n'auraient pas dû mourir certe, mais cela était nécessaire. Vous vous entendriez bien avez Tulsei, mon conjoint.

- Vous avez quelqu'un qui vous attend chez vous alors, vous savez d'autant plus à quel point chaque vie prise en détruit d'autres avec.

- Il ne m'attend pas chez moi, nous avons des escouades jumelles.

- Il sert aussi sur le Vif ?

- Oui, nous partageons même notre cabine. Vous pourriez bien vous entendre, il est également pour la fin rapide d'un conflit, et je pense que votre morale sur les sacrifices inacceptables le touchera bien plus que moi.»

Zambasi sourit légèrement avant de le questionner :

« Ainsi il y a des personnes raisonnables dans l'équipage du Vif ? L'équipage de gros bras belliqueux de l'Insolent est une exception ?  »

Berius eut un petit rire :

« Oh oui, il me semble ! Les compagnies qui servent sur le Vif restent des militaires, mais ce sont pas des monstres assoiffés de combat. Et jamais ils ne diraient quelque chose comme  « La négociation c'est pour les fragiles » ou en tout cas il ne seraient qu'une minorité.»

Zambasi sembla bien plus enthousiaste et demanda :

« Est-ce que ce serait possible que je rencontre ce Tulsei ? Ça fait presque 6 mois que je suis dans l'Insolent, j'en ai plus qu'assez de leurs stupides discours brutaux.»

Berius, dont l'agacement qui l'avait prit durant leur échange sur la morale avait presque complètement disparu au profit d'une certaine affection pour cet ovni, qui semblait n'avoir pas sa place dans un milieu militaire, répondit alors :

« Si vos affectations de demain le permettent et les notres aussi, on tentera de se voir durant un temps libre ! Ça vous irait ?

- Ce serait parfait ! Est-ce que vous possédez un comlink, pour le synchroniser avec le miens ?

- Oui, faisons ça ! »

Berius sortit alors son comlink de sa poche tandis que Zambasi faisait de même, et les deux appareils furent rapidement synchronisés, afin de pouvoir se parler même sans être du même équipage. Après un dernier échange presque chaleureux, le duo se sépara, Zambasi retournant vers son croiseur et Berius regagnant son lit, où il s'endormit bien plus facilement.

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