La Station Milgaris
Après une quinzaine de jours de voyage, leurs croiseurs sortirent du saut subluminique face à une immense structure flottant dans le vide spatial. Derrière elle, une immense nébuleuse aux couleurs chatoyantes semblait particulièrement proche, mais était en réalité à plusieurs dizaines d'années lumières de là. La station Milgaris était semblable à un très long cylindre, entourée d'un anneau d'amarrage d'une capacité d'une dizaine de croiseurs, dont cinq étaient déjà présents, ainsi que de plus petits anneaux équipés de batteries de canons. Sans aucun repère, elle semblait minuscule dans le cosmos, mais à mesure que les croiseurs s'approchaient, l'équipage put constater qu'elle faisait près de dix kilomètres de hauteur, avec un diamètre de près de deux cent mètres.
Les vaisseaux manœuvrèrent prudemment, recevant leurs indications depuis le poste de commande, tandis que de petites navettes de contrôle leur tournoyaient autour afin de les inspecter. Finalement, les croiseurs furent amarés et chacun prit la tête de son équipage. Une fois sortit, ils parcoururent le long corridor reliant l'anneau d'amarrage à la station, les soldats marchant en rang. À l'arrivée, la gouverneuse les attendait. Berius et Tulsei se mirent au garde à vous et la saluèrent, tandis qu'elle faisait de même. Après une petite seconde, elle approcha et leur serra la main à chacun et indiqua :
« Bienvenue sur la station Milgaris, vos hommes vont être guidés vers leurs quartiers. On vous indiquera les votres incessamment. »
Elle les emmena alors vers son bureau, empruntant un ascenseur extrêmement rapide qui parcourut la station en quelques minutes, et ils passèrent l'heure suivante à parler de leur assignation sur la station ainsi que du règlement local et des divers protocoles à suivre. Ils furent ensuite menés à leurs quartiers, à un niveau différent que celui des soldats. Après que tous se soient préparés et aient rangé leurs affaires, Berius et Tulsei décidèrent de se diriger vers les espaces de vie. Là-bas, un véritable lieu de vie avait été aménagé, avec des bibliothèques, de nombreux postes informatiques, de petits restaurants permettant de diversifier la nourriture habituelle des soldats, des salles de projection de films, ou de jeux virtuels. Diverses plantes poussaient également, rendant l'endroit presque semblable à une planète. Berius et Tulsei s'installèrent finalement sur un banc en dessous d'une sorte de palmier aux feuilles épaisses et bleutées et sourirent, contents de cette atmosphère détendue après les longs jours de voyage en croiseur qui avaient précédé.
Après quelques minutes sans rien faire, deux personnes vinrent à leur rencontre. Un droïde humanoïde possédant trois yeux ainsi qu'une femme à la peau violet foncé, avec une volumineuse coupe de cheveux crépus. La femme prit la parole :
« Bonjour, on ne vous dérange pas ? »
Le couple indiqua qu'il n'y avait aucun soucis, et la femme se présenta :
« Capitaine Bahara, du croiseur Le Pugnace, et voici TZ-1719, capitaine sur Le Briseur. Vous êtes les capitaines Berius et Tulsei, c'est bien ça ? Les derniers arrivés.»
Berius acquiesça et Bahara lui serra la main ainsi qu'à Tulsei avant de dire :
« Heureuse de voir avec qui je vais passer les prochains mois. C'est tranquille comme endroit ici, il ne se passe pas grand chose. Il y a les exercices quotidiens, parfois quelques parades exceptionnelles, mais la majorité du temps on est un peu lâchés sans tâche particulière. La majorité de l'entretient est fait par des droïdes donc il n'y a même pas vraiment de travail administratif d'assignation des tâches aux soldats.»
TZ-1719 demanda alors, d'une voix synthétique mais étrangement nasillarde :
« Où étiez-vous assignés avant d'arriver en poste ici ?
- Sur Zankdal, déclara Berius, mais on n'y est pas resté extrêmement longtemps.
- C'était quel type de mission ? l'interrogea Bahara.
- Invasion terrestre, on est arrivé quand la majorité de la planète était déjà prise. Il ne restait qu'une couronne et la capitale.»
Tulsei serra légèrement la mâchoire en se souvenant de ce qui était arrivé, alors même qu'il avait passé son voyage vers la station à ressasser l'événement. Il ne résista pas et déclara :
« Notre séjour a été écourté quand l'Union a rasé la dernière ville à résister.
- Rasé ? demanda, interloquée, Bahara.
- Bombardement orbital. Sans avertissement, même pas aux troupes déjà sur places. On a dû évacuer la zone en urgence.
- Quoi ? Mais c'est quoi ça ? C'était il y a combien de temps ?
- Un peu plus de deux semaines je dirais.
- Comment ça se fait qu'on en a pas entendu parler ?
- J'en ai entendu parler, affirma TZ-1719, mais uniquement en lisant les rapports importants. Il n'y a pas eu de relais de l'information en dehors des cercles militaires strictement administratifs.»
Bahara afficha un air outré, tandis que Berius et Tulsei fronçaient les sourcils, étonnés de la nouvelle. Ils s'étaient attendus à un minimum de transmission, et Tulsei avait même secrètement espéré un scandale public obligeant les responsables à faire face à des sanctions. Il demanda :
« Ça a été étouffé on dirait.
- Oui, ça y ressemble beaucoup, admit Bahara.
- C'est exagéré, affirma Berius, il y a de nombreuses choses qui se passent à l'échelle galactique, encore plus durant une guerre. C'est normal que des informations passent parfois inaperçues lorsqu'elles devraient faire plus de bruit. Innatendu mais normal.»
Bahara fronça les sourcils puis leur demanda :
« J'étais affiliée à Skantoo. Vous savez ce qui est arrivé sur Skantoo ? »
Ils secouèrent la tête, n'ayant entendu le nom de cette planète qu'une fois, au détour d'une liste de cibles dictée par un général. La capitaine répondit alors :
«Il y a eu l'usage massif de la torture. Je ne suis arrivée que vers le milieu, quand la pratique était bien installée. Contrairement aux autres, je n'ai pas fermé les yeux, je ne me suis pas prêtée au jeu. J'ai protesté, j'ai relayé l'information, j'ai fait de mon mieux pour saborder l'opération. En quelques semaines, j'avais une nouvelle affiliation, ici. Et à part quelques articles vagues perdus dans les actualités, il n'y a jamais rien eu. Rien. Et ça continue certainement aujourd'hui.»
Tulsei serra les poings tandis que Berius soupirait. Il détestait ces méthodes, mais se dit au fond de lui que leur efficacité justifiait certainement leur utilisation. La fin justifie les moyens. Il aurait aimé le dire à haut voix, mais préféra se taire, appréhendant la réaction de Tulsei, et constatant avec lucidité que Bahara allait également fortement protester. Tulsei se demanda combien de cas semblables avaient lieu ou auraient encore lieu jusqu'à la fin de la guerre, et combien auraient une quelconque conséquence sur ceux ayant donné les ordres. Une nouvelle vague de dégoût le frappa, ainsi qu'une haine farouche contre l'Etat major.
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