Épuisement
Une partie des soldats dormit durant le trajet, épuisée par cette journée d'assaut. Les autres fixaient le sol d'un air éreinté, et seuls quelques cas isolés avaient encore la force de discuter. Personne ne semblait avoir faim. Finalement, la barge de transport se posa dans le camp et la porte s'ouvrit, les laissant descendre. Berius et Tulsei se levèrent doucement tandis que les soldats se mettaient en rang devant eux. Berius prit la parole :
« Nous n'allons pas vous retenir trop longtemps, nous avons conscience de votre fatigue. Néanmoins, félicitation pour votre courage et votre abnégation aujourd'hui. Vous avez été excellents.»
Tulsei poursuivit :
« Vous avez toute notre reconnaissance. La cérémonie pour les soldats que nous avons perdus aujourd'hui aura lieu demain midi, à l'ouest du camp. Si certains d'entre vous avaient un rapport spécial avec l'un des morts, ou qu'il vous a fait part d'un souhait particulier quant à ses volontés pots-mortem, vous pouvez en informer l'administration du camp et des mesures pourront être prises.»
Berius conclut :
« Reposez vous bien, et encore bravo.»
Tulsei baissa légèrement la tête en signe de respect et les soldats les saluèrent, au garde à vous, avant que Tulsei ne leur dise qu'ils pouvaient disposer. Les troupes partirent alors en direction de leurs quartiers afin d'enfin se changer, se laver et dormir. Berius et Tulsei, eux, accompagnés de TK-782 et Yorbun, partirent en direction du commandement afin de faire leur rapport sur la mission. Aucun d'entre eux ne parla durant le petit trajet à pied, tant la fatigue leur pesait, et l'agitation du camp autour d'eux leur semblait un grand flou sans queue ni tête. Ils arrivèrent finalement et se firent annoncer par les gardes devant la porte avant de recevoir l'autorisation d'entrer.
À l'intérieur, l'amiral était aux côtés de quelques autres généraux. Tous semblaient enthousiastes malgré la fatigue marquant leur visage après cette journée où, même sans participer aux combats, ils avaient dû particulièrement s'investir sans aucune pause afin de gérer les nombreux assauts, les renforts, les transports de troupes, ainsi que l'évacuation des civils et blessés. Un hologramme de la région flottait devant eux, affichant les derniers assauts encore en cours, qui n'étaient pas de leur responsabilité. L'amiral se tourna vers les officiers qui venaient d'entrer tandis qu'ils se mettaient au garde à vous et faisaient un salut. Les mains dans le dos, il leur sourit et ordonna :
« Repos soldats. Félicitation pour cet assaut. D'après les informations que j'ai reçu, si vous n'avez pas été les plus rapides, vous avez évité un grand nombre de pertes dans vos rangs comme chez les civils. Les données seront analysées dès cette nuit par nos stratèges, j'ai cependant besoin de votre rapport factuel. Vous pouvez commencer.»
Tulsei prit l'initiative :
« Après un ultimatum de dix minutes sans réponse, nous sommes entrés dans la ville, qui était déserte.»
Après une vingtaine de minutes à décrire les événements, ils furent autorisés à partir. Dehors, l'agitation n'était toujours pas calmée et ils se dirigèrent en direction des quartiers, à l'exception de TK-782, qui marcha vers la tente réservée aux droïdes afin d'être entretenu et de voir ses mécanismes et éléments abîmés durant l'assaut réparés. Yorbun alla vers sa cabine et Berius et Tulsei vers la leur. Tulsei s'assit sur le lit tandis que Berius allait se laver. Ankylosé et avec ses muscles le brûlant, il ferma les yeux et s'allongea en attendant de pouvoir également se laver. Ses oreilles sifflaient toujours à cause des déflagrations et coups de feu, et un léger goût de sang persistait dans sa bouche. Sa tête lui semblait remplie et prête à exploser en raison des souvenirs de l'assaut qui revenaient sans lui laisser de répit.
Une fois son tour arrivé, il entra dans la douche, enlevant difficilement son uniforme sale, et l'eau chaude sur sa peau lui arracha un soupir d'aise. Il resta sans bouger durant plusieurs dizaines de secondes, le visage face au jet, les yeux fermés, profitant simplement de la chaleur, avant de véritablement se laver, se débarrassant de la couche de crasse mêlant poussière et sang qui couvrait son épiderme. Après quelques minutes, il sortit, le soulagement de s'être lavé quelque peu gâché par l'étrange sensation de toujours être sale. Une étrange envie de retourner sous la douche et de frotter sa peau de toutes ses forces durant des heures le prit, mais il secoua la tête et se sécha avant d'enfiler des vêtements pour la nuit et de sortir, rejoignant Berius dans la chambre. Ce dernier était déjà couché, et Tulsei entra à son tour sous les draps, expirant longuement en sentant la douceur du tissu sur sa peau propre, contrastant avec les sensations brutales du reste de la journée.
Berius éteignit la lumière et ils fermèrent les yeux. Cependant, dans le silence, le son des coups de feu et des cris continuait de résonner aux oreilles de Tulsei, et les images des corps de ses soldats s'effondrant au sol s'imprimaient sous ses paupières closes sans qu'il ne puisse penser à autre chose, empêchant le sommeil de venir. Après plusieurs dizaines de minutes sans réussir à s'endormir, il demanda à voix basse :
« Berius ?»
De façon surprenante, celui-ci répondit :
« Tu n'arrives pas à dormir non plus ? »
Tulsei, étonné, acquiesça :
« Non... Je suis épuisé mais je ne sais pas... J'ai l'impression d'être submergé par les souvenirs de ce qui est arrivé aujourd'hui.
- Moi aussi... Et je m'en veux d'avoir perdu tant de soldats. C'est leur métier, ils connaissent les risques mais... C'était ma responsabilité.
- Berius, tu penses qu'on sera vite envoyé à l'assaut de la capitale ? »
Après un temps, Berius répondit :
«J'ai entendu les généraux parler d'envoi de vaisseaux en renforts... Ça risque de rapidement arriver.»
Tulsei serra la mâchoire quelques instants. Une violente vague de dégoût le prit, et pour la première fois depuis le début du conflit, il souhaita ardemment quitter les opérations, et démissioner. Il n'en dit rien à Berius, se contentant de répondre :
« J'en ai marre de cette guerre.
- C'est très fatiguant, mais on va y arriver. Tout sera bientôt fini.»
La réponse témoigna de sa vision entièrement différente, faisant se serrer le cœur de Tulsei. Berius n'avait pas conscience de la répugnance grandissante de son conjoint pour tout ce qui faisait leur vie depuis maintenant trois ans, de ce qui décidait de leurs actions, et habitait leurs pensées chaque jour. Lui ne voyait en cette lassitude de la guerre qu'une colère dirigée contre l'ennemi, une volonté d'en finir au plus vite avec le conflit, la marque d'un engagement civique auprès de l'Union. Ils ne parlèrent plus, et le sommeil finit par les gagner malgré tout, après une nouvelle heure d'attente.
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