Détonation
Près de deux semaines plus tard, Zambasi pressa Tulsei et Berius à se lever, alors qu'ils étaient normalement en jour de permission. L'accompagnant, ils rejoignirent Bahara et TK-782 qui étaient déjà près d'un moniteur connecté au réseau galactique. Bahara les regarda avec un grand sourire et affirma :
« Ça y est. Les premiers articles sortent.»
Elle montra le moniteur du doigt, qui affichait le titre "Dossier sur les crimes de guerre de l'Union, les exactions étouffées de l'armée". Puis elle passa rapidement la main sur l'écran, faisant défiler la page, montrant que d'autres journaux avaient également publié des articles sur le sujet. Tulsei ouvrit de grands yeux et s'approcha avant d'immobilier les articles et de commencer à en lire un. La source de la fuite n'était jamais révélée, du moins dans ce média, mais le travail de synthèse était remarquable pour seulement deux semaines de recherches sur un réseau jusqu'à lors dissimulé. La joie laissa cependant place à la colère tandis que l'article résumait de nombreux crimes dont ils n'avaient pas eux-mêmes remarqué l'existence lors de leur rapide exploration du réseau. Torture, massacres de civils, destructions de villes désarmées, utilisation d'armes chimiques dans certains cas, répression violente des insurrections de soldats...
Tout était là. Et l'article précisait que tous les cas seraient détaillés dans de nouveaux dossiers qui allaient suivre, et que d'autres encore étaient à trouver. Tulsei se retourna et demanda :
« Vous les avez lu ? Vous avez lu ce que fait l'Union ? »
Bahara hocha la tête et affirma :
« Je pense démissionner. Je ne supporte pas l'idée de rester une seconde de plus au service de ces personnes.»
TK-782 affirma :
«C'est mon seul rôle... Je voit pas ce que je ferais sans ça. Je vais rester et tenter de faire une différence à mon échelle.»
Tulsei fixa à nouveau l'article avant de lâcher :
« Je vais aussi rester... Mais si on m'ordonne ce genre de chose, je donnerais immédiatement ma démission. Dans le temps, restant, je ferais de mon mieux pour aider à améliorer les choses, depuis mon poste à l'intérieur de l'armée.»
Zambasi hocha la tête :
« Pareil. Et si ça doit passer par le fait de faire exploser une base alliée, je le ferais. Mais on ne peux pas rester dans cette armée sans tenter de changer les choses. Nos postes nous permettent d'avoir un minimum d'impact, autant l'utiliser.»
Bahara fit une légère moue avant de répondre :
« Je pense que vous êtes trop optimistes. Tout ça nous dépasse. On ne changera rien en restant. Le mieux est de partir, le plus tôt possible.»
Tulsei affirma :
«Je comprend ton point de vue. Je veux tenter de faire ma part pour changer les choses. Peut-être que ça n'aboutira à rien, mais je veux au moins essayer. Mais ton souhait de partir me semble tout aussi raisonnable et honorable.»
Alors qu'il n'avait pas parlé jusqu'alors, Berius éclata alors. Voyant les articles, la façon dont ils dénonçaient violemment des méthodes dont l'ennemi usait également sans remords, la façon dont ils tenaient l'Union responsable et non les quelques généraux coupables, cette volonté de trahir l'armée pour de vagues valeurs morales et de bons sentiments au milieu d'une guerre qui n'avait pas de temps pour ce genre de considération, sa colère, sa haine, avaient atteint leur point de rupture. Depuis longtemps maintenant il ruminait sur cette lâcheté de ceux qu'il avait considéré comme des amis, y pensant chaque nuit, y songeant chaque jour. Ses propres valeurs morales, tentant désespérément de lui faire entendre raison, étaient prisonnières sous une lourde couche de déni et de haine presque fanatique. Se retenant de hurler, il lâcha d'une voix tremblante de colère :
« Vous êtes misérables. Vous auriez tous mérité que le Clan détruise votre maison, tue vos familles. Peut-être que vos bons sentiments vous passeraient alors, que vous comprendriez que tout ça c'est la guerre, et que vos petits caprices de vierge effarouchées ne l'adouciront pas.»
Tulsei, soufflé, tenta de lui faire entendre raison, sentant cependant qu'il était malheureusement trop tard pour faire changer Berius sur sa position, et que le point de non-retour était depuis longtemps déjà dépassé.
« Berius, tu...
- Je ne veux pas t'entendre. Vous êtes tous des traitres, y comprit toi. Vous faites honte à l'Union. Vous laisseriez des peuples entiers être décimés si la seule façon de l'en empêcher était de faire un petit bobo à un ennemi. Vous êtes répugnants, vous me dégoutez.»
Un silence pesant s'abattit sur le petit groupe. Tulsei n'eut pas le temps d'émettre un son avant que Berius ne fasse un pas vers lui avant de le pousser violemment contre le mur et d'asséner sans pitié :
« Je ne veux plus te voir. Tu n'es plus personne à mes yeux. Je t'aime, mais je te hais bien plus. Tout est fini, tu m'entends ? Tout. Tu fais honte à ton ancien partenaire, la raison même de ta venue dans l'armée. Sa mort est vaine par ta faute.»
Il se recula, devant les yeux remplis de colère des autres, et conclut :
« Je vous hais. Vous êtes des lâches. Ne croisez plus ma route.»
Et il s'en alla afin de demander une nouvelle cabine d'assignation dans laquelle il déménagerait immédiatement. Tulsei le regarda partir, les yeux grands ouverts, tandis que sa gorge se serrait et que ses yeux se remplissaient de larme. Le poid énorme de la culpabilité, l'idée qu'il aurait pu faire changer Berius quand il c'était encore possible, lui comprima le cœur encore et encore, le torturant. Des larmes roulèrent sur ses joues tandis que les mots de Berius résonnaient encore dans son esprit. Bahara, qui contenait sa colère, lui frotta doucement le dos, sans rien dire par peur d'aggraver les choses. Zambasi se remémora sa première rencontre avec Berius et songea alors que même à cet instant, le sort de Berius était scellé. Ils l'avaient perdu depuis bien longtemps, bien plus que ce qu'ils avaient pensé. Il avait dérivé sous leurs yeux et ils n'avaient rien vu. Ou peut-être qu'ils avaient préféré l'ignorer. Peut-être que le déni avait été plus fort.
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