Vingt-septième morsure : Effrayante annonce

Ou
Découvrir où la simple promenade d'une surpuissante vampire peut mener

-Sympa, la vue !
-Reine Aludra, c'est toi ! Tu m'as fait peur !

La vampire se retrouva devant la façade d'une maison à moitié beige et à moitié saumon.
Un vampire debout sur une échelle, torse nu et pieds déchaussés, vêtu d'un unique pantalon ample à lanières pendant dans le vide, pot de peinture et rouleau dans les mains, regardait depuis sa hauteur sa visite. Il travaillait sous le Soleil de l'après-midi sans que ça ait l'air de beaucoup le déranger et son torse dénué de tissu ou de protection luisait sous la blanche lumière. Sur sa peau et sur son pantalon se trouvaient des taches diverses de peinture beige.

Il sauta en bas de son échelle de bois, atterrissant juste devant Aludra qui lui sourit en fixant excessivement sa peau nue blanche.
-Arrête de me reluquer ! C'est gênant !
La vampire rit de bon cœur et dit avec un sourire :
-Tu es tellement facile à faire rougir que ça en est drôle !
Alors que son interlocuteur râlait en cachant de ses grandes mains son torse pourtant aux muscles largement apparents sous sa fine peau, Aludra songea :
-Comme Mikhail, en fait...
-Entre, finit par dire le vampire, dépité, tendant main devant lui pour désigner la porte, en allant enfiler un haut en laine une fois dans la maison cubique. Ils sont déjà tous là, à ta demande express.
-Bien, fit Aludra en souriant machiavéliquement.

Elle se retrouva face à une longue tablée avec cinq vampires, trois femmes et deux hommes.
-Bonjour, Reine Aludra, fit une voix familière au bout de la table avec une pointe de sarcasme quasiment inrepérable.
-Salut, Xiaoling, fit Aludra sur un ton cérémonieux.
Le vampire à ses côtés finit par aller s'asseoir et Aludra resta bientôt la seule debout à une extrémité de la table, mains à plat sur cette dernière, l'air sérieux. De son flux vital qu'elle projeta dans son dos, elle ferma la porte derrière elle et les bougies sur les chandeliers aux murs s'allumèrent tous en même temps, plongeant la pièce dans une sombre atmosphère effrayante.
-Merci, Aaron, fit la vampire en prenant alors ses yeux rouges.
Elle regarda son assemblée et déclara :
-Je vais procéder à l'appel, et ensuite nous pourrons débuter et parler de ce pourquoi je vous ai appelés aussi précipitemment. Merci en tout cas à tous d'être venus.
-Pas de quoi, fit le vampire aux cheveux gris blanc sur la première chaise à la gauche de l'ancienne reine.

-Bien, trancha Aludra. Vous le savez, je suis Aludra Azalée Asuia Artenda Burnett, Reine Vampire, ou plus rien, à vous de choisir. Je suis la plus âgée ici et je vais procéder à l'appel.
Elle reprit son souffle. Ce qu'elle venait de déblatérer était une tradition plus qu'une vraie présentation. Tous autour de cette table de bois noir et usé savaient qui il était et quel rôle elle avait, ou avait eu.
-Xiaoling Rosotlondo, qui a renoncé à son titre de duchesse par le passé ?
-Quatre mille six cents soixante-six ans, lui répondit sa meilleure amie.
Ça aussi, c'était une tradition. Répondre son âge à l'appelation de son nom et de son titre au lit de scander un bête présent qui se perdrait dans la pièce exiguë. Personne ne savait qui avait instauré cela mais en tout cas, c'était resté. Et les appelations se faisaient dans l'ordre chronologique des âges.

-Louve Alessandra Tyumie Friest, archiduchesse ?
-Trois mille sept cents trente-neuf, répondit une femme, un éventail rouge vif cernée de vert saturé à la main.
Elle portait de beaux habits nobles, mais tout de même pratiques pour le voyage. Elle avait fait l'impasse sur son habituel corset que son mari serrait toujours comme un forcené. Ses traits étaient tirés, rendus encore plus austères à cause de son maquillage fin mais efficace quant au malaise qu'il inspirait à ceux qui voyait le visage de cette femme aux pomettes hautes et saillantes, le regard perçant.

-Pipkin Olkaïm Kuji Friest, archiduc ?
-Trois mille cinq cents septante-et-un.
C'était l'homme qui peignait la façade torse nu tout à l'heure quand Aludra était arrivée. Il n'avait pas la réputation d'être un combattant hors pair mais par contre, il était connu pour son flair et son sens des affaires combinés. Il avait les cheveux longs, noirs aux reflets couleur chocolat et des yeux fins comme ceux des crocodiles. Actuellement, il portait un pantalon uni et simple ainsi qu'une bête chemise de lin blanc, vu qu'il revenait de dehors d'une séance de peinture mais en général, il portait des habits aussi nobles et chargés que ceux de sa femme, mais toujours décorés avec soin et harmonie.

-Ella Melonia Terrya Fifrelin, marquise ?
-Deux mille huit cents quarante-cinq, fit-elle en levant les yeux avec une voix particulièrement aiguë, même pour une femme.
Elle portait une longue robe entièrement faite de soie noire, bordeaux et bleu nuit. La vampire avait accordé ces trois couleurs à merveille et son teint d'albâtre refléterait presque les objets face à elle tel un miroir. Son maquillage fin était soigné et éclatant sur son visage blanc comme poudré.

-Lloyd Otren Pipkin Friest, archiduc ?
-Deux mille six cents vingt.
Un vampirr parmi les deux plus jeunes, dits de la nouvelle génération. Il portait des habits assez distingués en haut, avec un col à jabot et des manches retroussées, avec un ourlet sur lequel étaient cousus des boutons de manchette dorés mais par-dessus le bas de son pantalon blanc soigné, il chaussait de hautes bottes de cuir noir et brillant avec des piquants et des clous qui ressortaient de partout en guise de décorations. Ses parents, qui n'étaient autres que Louve et Pipkin Friest dont il avait en partie hérité le nom, n'approuvaient pas, mais il était à présent majeur. Il avait donc l'autorisation de faire beaucoup de choses...Mais sans jamais transgresser les limites de ce que le monde noble des vampires hauts hiérarchiquement parlant pour autant.

-Et enfin, Aaron Nathan Troylka...
Aludra prit une inspiration inaudible avant de lâcher son nom de famille :
-Burnett...Prince ?
Il regarda la Reine Vampire de ses yeux bleus, encore sous leur forme humaine, ces yeux qui contenaient le ciel et la mer à la fois, ces yeux qui troublaient tant Aludra sans qu'elle ne le montre extérieurement et qu'il avait hérité de son père...
Soufral...
C'était son fils unique biologique. Celui qu'elle avait eu avec Soufral. Un enfant né d'amour. Il soutint son regard rougeoyant avant que ses iris ne virèrent elles aussi au rouge sang pour perpétuer la tradition de l'appel.
-Mille deux cents septante-trois.
C'étair le plus jeune des sept vampires assis autour de la table. Aludra posa ses mains à plat, doigts recourbés sur le bord, et observa encore quelques secondes ce fils qu'elle ne voyait que rarement, vu qu'il était partit de la maison dès sa majorité et ne revenait que très peu, toujours en voyage ou fasciné par quelque chose durant ses séjours à quelque part.

-Bien ! Merci d'avoir tous répondu présents à ma conférence. Je sais, c'était rapide et peu adéquat, mais je me devais de faire cela le plus vite possible. Avez-vous une petite idée de ce que je vais vous annoncer ?
Un murmure s'éleva de son assistance alors qu'elle s'asseyait lentement sur le plus gros fauteuil rouge rembourré et aussi le plus confortable des sept. Ils ne savaient pas. Ils supposaient des choses graves mais pas autant que ce qu'elle allait vraiment leur dire. Elle croisa ses mains devant elle et eut un regard soudainement sombre. La Reine Vampire se racla la gorge et commença alors les hostiles révélations qu'elle avait à leur faire :
-Vous avez sûrement entendu parler il y a quelques mois de cela, du meurtre de David de Rosideau ?
-Oui, répondit Ella en porte-parole improvisé des autres qui ne firent que hocher la tête, hésitants.
Aludra ferma ses paupières quelques secondes avant de poursuivre :
-Le compte-rendu que la vampolice a donné au public, c'est que Thokmah Raventide son majordome l'a tué pour une raison encore inconnue. Mais la vérité est autre...
-Comment cela ? réagit donc Lloyd, ayant un sens assez accru pour les affaires policières.

-Thokmah Raventide était un humain...
Louve releva le temps du verbe avec un sourcil qu'elle arqua.
-Il est mort ?
-Non.
-Tu l'as tué ? proposa Aaron.
-Non plus.
-Ne me dis pas que...fit alors Pipkin, se figeant à moitié sur place.
-Si.
-C'est un Dépendant ? termina le vampire les yeux légèrement écarquillés, comme ouverts devant l'horreur de faits quelconques.
-Oui, asséna Aludra tel un coup de massue.
-De qui ? fit alors d'un seul coup Aaron, bondissant presque de sa chaise de bois avec un beau petit coussin sur lequel il pouvait reposer son postérieur.
-C'est ça la grave nouvelle qui ne va pas vous plaire, leur annonça déjà la Reine Vampire, le regard sombre.
-Qui ? Dis-nous ! supplia alors Xiaoling restée silencieuse jusque-là.
-Gildas de Rosenstrauss...

Un silence de malaise suivi l'énonciation de ce nom synonyme de malheur. Tous les vampires rassemblés autour de la table sombre prirent un air affolé, sauf Xiaoling qui ne montra pas son stress, et se gelèrent de stupeur et de crainte d'un seul coup...
Si Aludra avait voulu leur faire une blague, elle aurait réussi haut la main et les doigts de l'autre main dans le nez !
-Quoi ? lâcha soudainement Aaron dans un souffle.
-Oui...Je ne vous mens pas, je n'oserais pas...leur dit Aludra, l'air sombre. Gildas est de retour.
Elle inspira un grand coup et continua son explication doublée d'une mise en garde :
-Vous savez ce qu'il s'est passé il y a environ quatre siècles...Faites très attention à vous.
-Trente-deux...murmura Louve avant de hurler à qui mieux mieux. Trente-deux !
-Trente-deux, oui...fit Ella en baissant les yeux. Trente-deux victimes de son plan aussi funeste que stupide !
-Trente-deux de nos plus fidèles amis...Compagnons...Camarades. Appelez-les comme bon vous semble, renchérit Pipkin avec un air tellement triste qui n'allait pas trop à son visage d'un premier regard austère, dur et sévère.

Leurs graves visages finirent par estomper leurs émotions morbides et meurtrières par un voile de sérieux et Aludra put terminer sa séance :
-Vous voilà prévenus. Faites très attention, vous savez que ce scélérat est très rusé et particulièrement attaché à ses objectifs. Je lève la séance. Nous nous reverrons à mon avis très prochainement.
-Merci à vous, Reine Aludra ! firent les six autres vampires en se levant tout comme elle il y a quelques secondes, à l'unisson comme un chœur bien entraîné.
Ils se quittèrent ensuite, repartant chacun de leur côté en loup, en chauve-souris ou en rat pour passer par les canalisations discrètement, tandis que Pipkin se remettait à torse nu pour pouvoir finir de peindre sa façade en saumon. Sa femme et son fils restèrent à l'intérieur pour se préserver du Soleil, auquel ils étaient plus sensibles que le père.

-Gravii est à la maison. Si tu veux passer pour la revoir. Ça fait dix ans que vous ne vous êtes pas vus.
Aludra avait approché son fils, Aaron. Il avait l'air froid et distant et l'était sur les bords, mais il cachait de ce masque en vérité un côté très sensible et sentimental qu'il ne voulait en aucun cas montrer à tout le monde. Les vampires qu'il connaissait le mieux ici, c'était sa mère et sa meilleure amie, Xiaoling.
-Ce serait très sympathique, commença-t-il. Mais je veux finir ma vadrouille, j'adore errer à travers le monde sans vraiment savoir au préalable où je vais.
Puis il sourit timidement, ce qui pouvait passer pour un sourire hautain.
-Mais salue-la bien de ma part et dis-lui que je pense toujours à elle !
Au vu de leur situation respective, c'était un peu comme sa sœur, une sœur de cœur ou une sœur orpheline et adoptée. En tout cas, il l'avait toujours apprécié quand ils étaient plus ou moins petits tous les deux.
-Je n'y manquerais pas, lui dit Aludra en retour en lui rendant son sourire.

Ils se regardèrent, complices, et finirent par rire en chœur.
-Échange ? questionna le fils avec enjouement.
-Échange ! confirma sa mère en ouvrant ses bras.
Ils se donnèrent une étreinte mutuellement avant de planter chacun ses crocs dans la chair du cou de l'autre. Le sang de sa mère rassurait clairement Aaron et le sang de ce dernier contenait encore un peu du goût de celui de feu Soufral, qu'elle regrettait tellement.
Il faisait partie de ces trente-deux personnes citées avant...
Ce n'était pas vital, mais un pur luxe. Et quand on lui donanit la chance de revoir son fils, elle n'aimait pas la gâcher.
Et c'était leur tradition personne sur la fin d'une séance de ces sept vampires...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top