Chapitre 35

- Vas-y, passe devant.
Lucie prit la tête et entra dans la partie protégée de l'immeuble, Carlos sur ses talons.
Carlos sécurisa les deux entrées et siffla vers la trappe.
La réponse ne tarda pas. La seconde qui suivit, l'échelle descendait et une salve de soulagement parcourait les trappers massés à l'ouverture.
On les accueillit à bras ouverts, chacun pressé de connaître les moindres détails de leur périple.
- Laissez-les souffler un peu ! intervint quelqu'un.

Carole fendit la foule et se planta, bras croisés, devant Carlos et Lucie.
Elle les observa sous toutes les coutures et poussa un cri en voyant toutes leurs blessures.
- Vous deux. À l'infirmerie. Tout de suite.

***

Les deux adolescents suivirent leur amie sans broncher jusqu'à la petite salle où deux lits étaient déjà prêts à les accueillir.
Ils ne parlèrent pas jusqu'au moment où la guérisseuse voulu les examiner de plus près.
- Vos vêtements.
Carlos la stoppa d'une main.
- Ça ira Carole. Rien de grave.
- Rien de grave ? Tu plaisantes ou quoi ? J'ai bien vu la façon dont tu tenais ton épaule, et les griffures sur la joue de Lucie ne laissent rien présager de bon.

L'éclaireur soupira.
- Je capitule. Fais ce que tu as à faire.
- Enlève ton t-shirt.
Lucie déglutit. Là, comme ça ? Carole sembla remarquer son trouble car elle sourit et tira d'un coup sec un rideau qui séparait la pièce en deux.
- T'inquiète pas Lucie. Il ne se passera rien, ok ? Mais l'intimité est de mise ici.
- Je sais, bougonna la blondinette en levant les yeux au ciel.
- Par contre, rien ne nous empêche de communiquer tous les trois. Que vous est-il arrivé pour que je vous retrouve dans cet état ?

Un long silence s'ensuivit, durant lequel Lucie entendit Carole s'affairer derrière le tissu et Carlos grogner.
- Serre les dents, lui conseilla la guérisseuse.
Le jeune homme se décida enfin à briser le silence.
- Nous sommes tombés dans une embuscade.
Carole s'esclaffa faussement.
- Rien que ça. Tu m'expliques ?
- Mauvais timing.

Lucie les écoutait sans comprendre leur charabia.
Alors pour passer le temps, elle observa son visage griffé par la fondue dans un petit miroir.
Les lèvres tremblantes, elle toucha le sang séché du bout des doigts, en repensant à l'issue dramatique du combat qui les avaient opposées.
Elle avait tué quelqu'un pour la première fois de sa vie.
Son regard divagua sur ses paumes.
Elle avait le sang de la fondue sur les mains.
Elle l'aura jusqu'à la fin de sa vie.
Était-ce donc le quotidien des éclaireurs dans l'immeuble ?
Tuer pour ne pas être tué ?

Lucie renifla et ferma les poings. Malgré cet aspect peu engageant, l'envie de la jeune fille de faire partie des éclaireurs était toujours présente. Il lui faudrait cependant avoir le coeur bien accroché face aux dangers des "zones".

- J'ai presque terminé, Carlos, fit la voix de Carole de l'autre côté. Je finis de désinfecter la plaie de ton épaule puis je la recouvre avec le bandage. Tu me passes le rouleau s'il-te-plaît ?
- Je vais devoir repartir, Carole. La journée n'est pas...
- Non. Je suis catégorique, tu restes te reposer cette nuit. Tu as trop souffert.
- Carole, tenta l'adolescent.
- Tu me remercieras plus tard, le coupa-t-elle fermement.

La guérisseuse tira une nouvelle fois le rideau.
- À ton tour, Lucie, l'informa Carole.
La concernée sursauta, sortant de sa torpeur, et se tourna vers Carole, les yeux bouffis.
- Ça ne va pas ? l'interrogea la guérisseuse en fronçant les sourcils.
Lucie jeta un oeil vers Carlos.
Le torse nu du garçon était couvert pansements. Elle détourna le regard.
- Si, si.
- Bien. (Carole partit se laver les mains et revint.)
Elle fit de nouveau la séparation entre les deux lits et Lucie enleva son débardeur.
- Tu n'as rien de grave, mis à part un hématome assez conséquent sur la hanche gauche, lui dit-elle. Je vais donc te mettre du gel pour apaiser la douleur.
Elle s'exécuta et Lucie pu réenfiler son haut.
- Passons à ta joue, maintenant.

Carlos écarta le pan pour mieux voir.
- Donc vous vous êtes battues, c'est ça ? s'enquit Carole en imbibant du coton avec du liquide désinfectant.
Lucie hocha imperceptiblement de la tête, comme pour appuyer ses propos.
- C'était moi ou elle.
- Tu as raison, répondit la guérisseuse en tamponant le coton sur la joue tuméfiée et égratignée de la blondinette, qui retint un sifflement de douleur.
- Ça pique, se plaignit la jeune fille en enfonçant ses ongles dans sa peau.
- C'est normal, mais éphémère. Tiens-moi ça.
Lucie maintint le coton pendant que Carole s'emparait du nécessaire à pansements. La boîte en contenait plusieurs, de différentes tailles.

Elle soigna puis pansa la blessure de la blondinette.
- En tous cas, vous avez été courageux, les félicita la guérisseuse. Je n'aurais pas aimé être à votre place.
- Ce que Lucie oublie de te dire, c'est que...
- ...Carlos a fait tout le travail et que c'est lui qu'il faut féliciter en priorité, compléta Lucie en fixant le jeune homme.
Celui-ci soutint son regard.
- Non. Qu'elle m'a sauvé la vie.
Lucie baissa la tête.
- C'est vrai ? demanda Carole.
- Oui, s'empressa de répondre Carlos. J'étais à bout de force et elle est arrivée à temps pour tuer les deux fondus qui s'en prenaient à moi. Je ne la remercierai jamais assez.
- Arrête de parler comme si je n'étais pas là, protesta Lucie en fronçant les sourcils, contrariée.
- Tu veux que je fasse comment ? Tu ne veux pas admettre que tu as fait preuve de bravoure. J'y peux rien moi, si tu es têtue.

Carole les regardait, souriante.
- Vous êtes mignons, tout les deux. Merci, Lucie. D'habitude, c'est plutôt notre chef adoré qui nous sauve des pires situations possibles.
Cette fois ce fut au tour de Carlos de faire la tronche.
Lucie et Carole éclatèrent de rire.
- Bon, je vous laisse, annonça la guérisseuse. Soyez sages et reposez-vous bien !

                              ***

Lucie se retournait dans tous les sens, n'arrivant pas à trouver le sommeil.
Les images de la journée lui étaient revenues en mémoire, assombrissant ses pensées.
Quand l'heure du dîner était arrivée, elle n'avait pas mangé, s'étant uniquement contentée de boire un peu d'eau.

Elle était tentée de réveiller Carlos.
Le jeune homme dormait à ses côtés, la respiration régulière.
Alors Lucie s'asseya sur le rebord de son lit pour admirer son visage paisible, où toute trace de stress avait déserté.

Carlos dû se sentir observé car il ouvrit les yeux quelques minutes plus tard.
Il se redressa.
- Lucie ?
- Hum ?
- Tu ne dors pas ? chuchota-t-il.
- Non.
- Dis-moi ce qui ne va pas.
Lucie ne répondit pas.
- Inutile de me faire languir.
- Eh bien, commença la jeune fille.
Elle entendit son ami se mouvoir dans le noir en poussant un juron.
- À quoi penses-tu ? insista le garçon. À cet incident ?
- Oui. Comment as-tu fait pour te faire surprendre ? Toi qui est si aguerri et à l'affût...
- Eh bien...le nombre. Ils se sont précipité sur moi tous à la fois.
- Tous ces corps de fondus par terre. C'est toi qui les as tous tué ?
- Oui.
- Et je...je me suis évanouie...
- Ce bâtard t'avais assomée avec une batte de baseball, s'emporta Carlos. Tu t'es écroulée direct. Alors je l'ai défoncé. Puis je t'ai mise à l'écart, et je me suis occupé du cas des autres. Sauf que, dans mon dos, d'autres fondus t'ont balançée trois étages plus bas.
- Ça explique tout..., murmura Lucie, choquée.

Ainsi, Carlos l'avait défendue contre les contaminés au péril de sa vie.
- Merci...
- De ?
- Pour m'avoir protégée contre tous ces fondus.
Il y eut un blanc. Puis Carlos se leva et s'installa à côté de Lucie.
Il entoura ses épaules d'un bras.
- C'est normal.
- J'ai eu tellement peur pour toi...
- Moi aussi. Pour toi, quand tu as abattu ces fondus. Mais tu l'as fait. Sans ciller.
La blondinette posa doucement sa tête sur l'épaule du garçon et s'endormit, extenuée.

                             ***

- Si je vous ai tous réunis aujourd'hui, c'est pour décider du rôle qu'occupera Lucie désormais. Chacun a le droit de donner son avis, nous délibèrerons en fonction du nombre de votes. Vous n'avez le choix de prendre qu'une seule option.
Les trappers qui connaissaient la procédure se saisirent d'un stylo et d'un bout de papier pour y anoter leur choix.

Lucie écrit bien évidemment "éclaireur" sur son papier, priant pour que sa proposition soit retenue.

Carlos fit le tour et ramassa les feuilles dans une boîte en carton qui faisait office d'urne et demanda à Hector de dépouiller le tout.

Lucie croisa les doigts.
- 1 nettoyeur, 1 guérisseurs, 2 codeurs et 6 éclaireurs, énuméra le garçon d'une voix lasse.
Jubilant intérieurement, Lucie attendait avec impatience le jugement le plus important : celui du chef des trappers.
- Bon...compte tenu des votes, j'en conclu que la majorité est d'accord pour que Lucie joigne le groupe des éclaireurs, dit Carlos. Maintenant, je veux entendre vos arguments. Lucie, tu commences.

La jeune fille se râcla la gorge avant de prendre la parole :
- Que dois-je dire exactement ? s'enquit-elle timidement.
- Tes motivations, ce pourquoi tu veux être une éclaireuse, etc...
- Eh bien (elle réfléchit)...je dirai, que j'aime l'action. Rester ici, ça me rendrait dingue, je ressens comme un besoin de bouger, d'apporter mon aide à la recherche de la sortie. L'adrénaline, le défi, le danger...Je veux les affronter, conclut-elle avec assurance.

Tous la fixaient avec intensité.
Puis Carlos reprit la parole et s'adressa à l'ensemble des trappers.
- Pas d'objections ? demanda le garçon.
Lucie jeta un oeil à Hector.
Mais le trapper lui sourit amicalement.
- Moi j'ai un truc à ajouter, fit Carole en levant la main. Je suis entièrement d'accord sur le fait que Lucie soit éclaireuse. Cependant, si Lucas, moi et Billy et Yana avons voté pour nos rôles respectifs, c'est parce que une petite aide de temps en temps et de la compagnie ne se refusent pas.
- Pour les nettoyeurs je sais pas, rétorqua la blondinette. Mais sinon pouquoi pas.
Carlos hocha la tête.
- C'est d'accord.

Lucie se mordit la lèvre inférieure. Le reste des trappers donna son avis puis vint le tour de Carlos.
- Étant donné qu'en tant que codeuse tu as des aptitudes, tu aurais pu le devenir à temps plein. Seulement, tu nous as à tous prouvé que le courage et la rapidité n'avaient pas leurs limites chez toi. Et plus encore, tu m'as sauvé. C'est donc avec joie que je t'attribue une place aux côtés de Vincent et de moi-même. Lucie, dès à présent, tu es une éclaireuse !

Des applaudissements exaltés fusèrent de toutes parts, et Lucie, le sourire jusqu'aux oreilles, remercia allègrement ses nouveaux amis et Carlos de lui avoir permis de faire partie des éclaireurs.

Les trappers fêtèrent le rôle définitif de la blondinette au sein du groupe C. Rôle qu'elle aura désormais à assumer jusqu'au bout.

                              ***

Dès le lendemain, Carlos entama l'apprentissage de Lucie.
Il la conduisit devant la porte, qui renfermait la salle privée des éclaireurs. Lucie était excitée comme une puce à l'idée de découvrir ce que la pièce contenait.
Carlos la dévérouilla.
- Je te donnerai ta propre clé tout à l'heure. Je peux te faire confiance ?
- C'est un peu tard pour me poser la question, non ? ricana la blondinette.
- T'as raison, rigola le brun. Bon, alors ?
- Bien sûr que tu as ma confiance.
- Merci, Lulu.
Lucie plissa les yeux.
- Vois-tu, si je faisais la même chose pour ton prénom, le résultat ne serait pas aussi charmant, se moqua-t-elle.
- La ferme, plaisanta le jeune homme.

La porte s'ouvrit.
- Bienvenue à la base secrète des éclaireurs ! scanda Carlos avec un grand geste de la main.
Lucie rit sous cape.
- Tu en fais un peu trop, non ?
- À peine.
Ils entrèrent.

La petite pièce, quoique finalement assez spacieuse, était éclairée par quatre grandes fenêtres. Elle contenait une grande table en bois où Vincent était installé, ainsi que des casiers en métal, un coffre, un tableau et des dizaines de feuilles A4 punaisées aux quatre murs. Dessus, Lucie distinguait des nombres, des codes et des plans. Des lettres en majuscule ornaient le haut des croquis.

Lucie et Carlos saluèrent Vincent, qui détaillait avec attention un schéma à première vue complexe.
- Vincent a trouvé quelque chose d'intéressant dans la zone 13, lui expliqua Carlos en voyant son air interrogateur.
- Aaah...j'ai pas compris en fait.
- Je vais t'apprendre, t'inquiète.

                            ***

Durant toute la moitié de la journée, Carlos enseigna les bases à savoir à Lucie.
Il y avait cinquante étages praticables. Quarante-huit si on enlève ceux des étages protégés. Chaque étages contient quatre grandes zones, parfois pouvant se superposer les unes aux autres selon un système de fermeture et d'ouverture de portes à des heures précises de la journée.
- Vois-tu, si l'éclaireur n'a pas bien préparé son excursion, il peut se retrouver bloqué dans une zone, voire avec des fondus. Une seule erreur peut être fatale.

Lucie hocha la tête.
- Autre chose : l'endurance. Elle sera ta meilleure amie dans toutes les situations. Donc ce qui veux dire entraînement, nourriture équilibrée, repos. Tu dois être en pleine forme. Tu me suis toujours ?
- Oui !
- La mémorisation des codes te sera utile aussi.
- Je vois.
- Tu as encore des choses à savoir. Mais pour l'instant, on part en mission de repérage !

____________________________________

Coucou !
Ça y est, on est déjà à la moitié de l'immeuble maudit ! Merci à ceux qui votent et commentent, ça fait chaud au coeur !
Sans vous, je ne serais pas arrivée jusque là. 😄

Comme je suis assez occupée en cette fin d'été (et que je le serai en 1ère à la rentrée) il y aura une pause d'une durée indéterminée, histoire que je réorganise mes idées, afin (je l'espère) de vous offrir de meilleurs chapitres ! Comme je prendrai de l'avance, j'en publierai peut-être trois en même temps (à voir 😜).

Merci à tous ceux qui suivent les aventures de Lucie dans cet immeuble, gros bisous et à bientôt pour un nouveau chapitre ! 😘

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top