Chapitre 2

Lucie se précipita sur son lit, éreintée. Son cerveau en surchauffe lui donnait l'impression d'être sur le point d'exploser. Severina, qui l'avait suivie, la regarda tendrement, un mélange de compassion et de tristesse dans les yeux. Elle avait pleinement conscience de l'effort qu'on demandait constamment à Lucie. La fillette n'avait que sept ans, et à cet âge, dans des temps normaux, elle devrait juste être capable d'écrire une phrase anodine avec sujet, verbe et complément et de compter jusqu'à cent. Et là, on lui demandait de disserter sur des sujets donnés à des lycéens. Lucie en savait déjà énormément, et même si elle n'était pas la seule enfant à subir cet entraînement cérébral intensif, Severina se sentait plus touchée par la condition de cette dernière. Elle se sentait coupable de la mort de ses parents, assassinés sous les yeux de la fillette, alors qu'elle n'en était même pas responsable.

— À quoi tu penses ? lui demanda la petite qui avait pris l'habitude de tutoyer la jeune femme.

Severina sursauta, tirée de ses pensées. Elle lui sourit gentiment.

— À rien de spécial ma petite Lucie. Tu viens ? Ça ne sera pas long.

— D'accord ! fit la fillette avec entrain en accourant vers la sortie.

En l'espace d'un instant, Severina revit en flash l'arrivée de l'orpheline au sein du WICKED. Le voyage en berg ne lui avait de toute évidence pas plu et elle était toute pâle. Son visage fatigué était encore baigné de larmes et ses vêtements étaient maculés de boue sèche. Lorsque Lucie avait levé les yeux sur sa tutrice provisoire, Severina avait su qu'elle s'attacherait énormément à elle. La détresse qu'elle perçu dans le regard bleu sombre de l'enfant à ce moment là lui serra la poitrine et réveilla un instinct maternel effacé depuis la mort de ses deux enfants. Elle s'était juré de toujours veiller sur Lucie et de faire en sorte que la petite fille soit à nouveau épanouie. Aujourd'hui encore rien n'était gagné, mais elle avait fait des progrès. Considérables compte tenu du drame dont elle a été victime.

                               ***

Si Lucie adorait tant que ça aller à sa piqûre du soir, c'était parce que l'infirmière qui s'occupait d'elle l'avait prise en affection et qu'elle lui donnait un délicieux morceau de chocolat à la menthe ou à l'orange, en raison du courage dont Lucie faisait preuve en venant tous les soirs ici. Elles avaient même un petit jeu. Lorsque la tablette de chocolat était terminée, l'infirmière lui donnait le droit de choisir son prochain parfum. Aujourd'hui, le chocolat étant fini, Lucie avait demandé goût framboise. Son souhait fut exaucé, à sa plus grande joie. Une fois la piqûre achevée, l'infirmière appliqua une petite compresse sur la peau de Lucie et enroula du scotch spécial autour.

— Et, puisque tu as été très forte, tu as droit comme d'habitude à ton chocolat, fit-elle en lui en tendant un carré que Lucie engouffra en vitesse dans sa bouche, sous le regard amusé de Severina, qui assistait à la scène.

Ces petits moments de bonheur furtif lui procuraient un bien fou. Ils lui permettaient de s'évader, de laisser à son esprit tourmenté le loisir de se divertir. Dans un monde détruit par la folie, la joie était une vraie bouteille d'oxygène dont il ne fallait pas gâcher le moindre souffle d'air. Sous peine de suffoquer.

                                ***

Elles marchaient silencieusement depuis dix minutes quand Severina s'arrêta sans prévenir. Lucie avança encore de quelques pas avant de s'arrêter à son tour. Elle se retourna et revint sur ses pas, intriguée.
Severina avait les yeux dans le vide. Lucie pencha la tête sur le côté et passa sa main sous les yeux de son assistante, d'abord lentement, avant de l'agiter frénétiquement. Severina parut reprendre conscience du monde qui l'entourait et releva doucement la tête. Elle adressa un sourire à la petite.

— Qu'est-ce qui ne va pas ? s'inquièta la fillette.

— Oh, rien, rien...je pense juste à ma vie d'avant, c'est tout. Tu sais, j'ai eu la chance de connaître assez longtemps le monde et de faire des voyages pour ne pas regretter d'être ici aujourd'hui. Ça peut paraître bizarre, mais...

— Pas bizarre, triste, la coupa Lucie, qui avait d'un coup perdu son sourire.

Severina regretta amèrement sa saute d'humeur. En réalité, la jeune femme haïssait cet endroit autant que la petite blondinette. Elle voulait juste se persuader du contraire et Lucie l'avait perçée à jour.

— Tu mens, pas vrai ? lui demanda innocemment Lucie de sa petite voix enfantine.

— Oui tu as raison. Je déteste être ici.

Lucie sourit.

— Je préfère quand tu es sincère, tu sais.

— Je sais (elle lui prit la main). Tu sais quoi, petite chipie ? insinua-t-elle d'un air faussement sévère. Tu devrais cesser de manger trop de chocolat. Tu vas finir par faire une overdose de sucrerie. Je sais que c'est ton pêché mignon, mais là...

Lucie éclata d'un rire cristallin qui résonna sur les parois du complexe du WICKED. Severina plaça un doigt devant ses lèvres en étouffant un ricanement.

— Fais attention ! Il est presque 21h30, tout de même, la plupart du personnel doit dormir en ce moment.

— Désolée, s'excusa Lucie, à moitié penaude, la main devant la bouche.

Elles arrivèrent enfin devant la chambre de la fillette. Severina déposa un léger bisou sur la joue de la petite fille, et celle-ci entoura son cou de ses petits bras pour lui faire un câlin. L'étreinte fut brève car Lucie était lessivée et que demain, bien que ce soit son jour de "repos", elle aurait encore des tests à passer.

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