Chapitre 14

20/09/225, 6h36

Lucie progressait relativement vite dans les conduits d'aération. Se cognant la tête quelques fois dans la précipitation, elle grognait de rage et continuait, toujours plus loin.
Elle découvrait d'autres endroits, d'autres pièces, d'autres gens qu'elle ne connaissait pas, quand elle s'arrêtait au-dessus de puits de lumière, qui donnaient sur divers lieux. Des docteurs, des infirmiers, qui s'affairaient à des choses pas très nettes selon Lucie.
Le sang de la jeune fille avait fait un tour lorsqu'elle avait repéré Severina en bas, en train, sûrement, de se diriger vers sa chambre, pour lui ouvrir la porte. Lucie calcula qu'elle avait approximativement entre cinq et dix minutes de répit.
Après avoir pris plusieurs tournants et des intersections, à droite et à gauche, elle se stoppa au milieu d'un carrefour, là où plusieurs bouches d'aérations étaient alignées. La jeune fille pu enfin se relever et s'accroupit, en soupirant d'aisance.
La blondinette s'approcha de l'une d'elles et regarda par l'ouverture.
Elle y était arrivé. La bouche d'aération se trouvait juste au-dessus d'une table.
Lucie dévissa la grille et la laissa pendre de l'autre côté, puis elle s'assit, laissant ses pieds pendre dans le vide.

— Ok...allons-y.

Se faisant tomber par le carré, elle se retint au rebord et secoua ses jambes avant de lâcher prise. Elle se receptionna dans un bruit sourd sur la table et manqua de peu de se fouler une cheville.

Lucie descendit avec précaution sur le sol froid du réfectoire et frissonna en sortant la morsure du carrelage sous ses pieds nus. Un souffle passa sur sa chemise de nuit et elle se frotta les bras en grelottant.
"Ça caille ici" marmona-t-elle les sourcils froncés.
La jeune fille leva la tête et observa les lieux, retenant chaque détail. Des dizaines de longues tables blanches étaient disposées partout dans la salle et la blondinette pu voir les fameuses vitres teintées derrières lesquelles elle mangeait.
Lucie se déplaça dans la grande pièce, effleurant les tables et les chaises du bout des doigts, distraitement, pensant à la chance des autres d'être ensemble.
Elle revint à son point de départ et s'approchait d'un tableau avec le menu quand une alarme stridente retentit.

                               ***

La sirène se stoppa deux secondes plus tard. "Fausse alerte ?" se demanda Lucie, espérant qu'elle ne lui était pas destinée. Pas encore.

Un bruit de pas et de bavardages dans son dos la fit sursauter. Une porte dans le fond de la salle s'ouvrit, dévoilant une dame brune et des enfants. Pleins d'enfants, deux par deux en file indienne. Lucie les détailla un par un. Ils devaient être une cinquantaine et avoir à peu près son âge.
EUX.
La femme observa Lucie, se demandant certainement ce qu'elle faisait là. Elle s'approcha et fit signe aux enfants de rester derrière.
L'un d'entre eux blond, que la blondinette reconnut immédiatement, fit un écart sur le côté pour mieux voir, suivi de deux autres.

— Eh les gars, regardez, c'est une fille, lança le blond.

Lucie prit un air blasé.
"Sans blague, Newt."
Ce dernier la fixa intensément de ses yeux bruns presque noirs, et lui sourit. Ne sachant plus où se mettre, la jeune fille rougit et détourna le regard.

— Ah ouais ? Sans blague !

— Fais voir !

Tous se bousculaient pour la regarder mais les trois de devant faisaient barage devant l'encadrement de la porte.
Lucie leva les yeux et ceux-ci rencontrèrent ceux de Newt. Elle soutint son regard, alors que dans sa tête, c'était la panique totale.
Les yeux du garçon reflétaient de l'incompréhension, mais aussi une sympathie rassurante.

— Que fais-tu ici ? lui demanda soudainement la femme qui les accompagnait, surprenant Lucie.

— Euh...

Une seconde alarme, plus forte que la précédente, résonna dans la pièce, et tout le monde se boucha les oreilles.

— Aah !

Une porte dérobée s'ouvrit dans le dos de la jeune fille. Elle sentit qu'on la tirait violemment en arrière et failli tomber. Quelqu'un se plaça devant elle.
Severina.

— Dites-leur de sortir ! cria Severina par-dessus le vacarme assourdissant de la sirène.

La femme tenta de repousser les garçons hors du réfectoire. Mais ils étaient trop agglutinés sur le pas de la porte et c'était vain.
Severina se tourna vers Lucie. Des flammes luisaient dans ses yeux et elle semblait sur le point d'exploser. Puis sans prévenir elle empoigna la gamine par le bras et l'entraina à sa suite.
Lucie jeta un dernier regard à Newt, qui continuait d'observer la scène et lui fit un rictus forcé. Severina le remarqua et tira sur sa main.

— Aie ! Tu me fais mal ! protesta la blondinette en se dégageant.

L'assistante ne flancha pas et continua de traîner la jeune fille.

Elle s'arrêta brusquement dans un couloir et lâcha Lucie d'un geste sec. La blondinette se cogna le dos contre un mur.

— Ouch.

— Mais tu es complètement inconsciente ! hurla Severina, folle de rage. Qu'est-ce qu'il t'a pris ? Hein ?

Lucie baissa la tête et se laissa tomber à terre, se prenant la tête entre les mains.

— J'en avais marre, voilà tout.

— Marre de quoi ?

— De vos cachotteries ! explosa la jeune fille. J'en ai plus qu'assez d'être mise à l'écart ! Pourquoi je suis ici ? À quoi je sers à WICKED ?

— Tu le sauras bien assez tôt, répondit Severina avec dureté.

— Mais...

— Va dans ta chambre et n'en sors plus jusqu'à nouvel ordre. C'est clair ?

Lucie la bouscula et partit d'un pas lourd.

                                 ***

— Mademoiselle ? fit une voix masculine dans le dos de l'assistante.

La jeune femme se retourna et vit le professeur de techologie de Lucie. Elle lui tendit la main, souriante.

— Ah, bonjour M. Bench. Vous allez bien ?

— J'ai connu des jours meilleurs.

— Qu'est-ce qui vous amène ?

L'homme se gratta la nuque, hésitant.

— Eh bien voilà. Lucie était dans mon atelier hier soir.

Severina ouvrit grand les yeux.

— Quoi ?

— Elle m'a assuré qu'elle était venue chercher une veste, mais aucune veste ne se trouvait là.

— Elle vous a menti, souffla Severina, plus pour elle-même que pour le professeur. Comment a-t-elle pu... ?

— C'est qu'elle est très maligne, la petite, expliqua M. Bench. Je suppose qu'elle a attendu que je sorte, puis que j'oublie mes lunettes pour entrer sans que je la voie.

— Êtes-vous en train de me dire que Lucie avait prémédité le coup des lunettes ?

Le professeur entrouvrit la bouche, n'ayant pas envisagé cette possibilité.

— Pas faux. Je n'y ai pas pensé, tiens.

L'assistante secoua les mains signifiant de passer à autre chose.

— Peu importe. L'important est qu'elle comprenne qu'il ne faut pas recommencer.

— La salle de correction ?

— Non. Une fois c'est suffisant et déjà assez traumatisant.

— Vous m'en voyez soulagé.

Severina sourit.

— On s'est attachés à elle, n'est-ce pas ?

— Un peu trop même !

Le visage de la jeune femme s'assombrit.

— Malheureusement, nous savons tous deux ce qui va lui arriver. Le protocole d'expérimentation reste pareil. Ce qui va se passer après, ce n'est plus de notre ressort.

— En effet.

— Deux ans encore, M. Bench. Gardez la vérité secrète. Rien ne doit sortir et Lucie ne doit rien savoir.

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