Chapitre 13
19/09/225, 05h57
Lucie avait décidé d'agir. Parce qu'elle en avait marre. Marre d'attendre. Marre qu'on ne lui dise rien. Marre du WICKED. À n'en plus pouvoir.
Son plan ? Simple et efficace.
S'introduire par les conduits d'aérations dans le self commun. Pour les voir. Les autres sujets.
La douleur de sa précédente opération avait disparu, les vertiges et les nausées aussi. La jeune fille avait repris des forces et était en pleine possession de ses moyens. Désormais, elle jouait à la petite élève modèle, suivant et participant régulièrement à ses différents cours, employant une attitude exemplaire et irréprochable. Et tout ça pour mieux les tromper. Pour qu'ils ne se doutent de rien. Car le coup que Lucie comptait leur faire relevait d'une bonne préparation.
Surtout pour ouvrir la trappe qui se trouvait au plafond, bien scellée.
Lucie n'avait rien dans sa chambre qui puisse lui permettre de débloquer l'ouverture. Elle allait devoir voler un outil à M. Bench. Et comme elle ne s'y connaissait pas en la matière, elle devait faire son possible pour mémoriser la forme qui correspondrait au tournevis dont elle aurait besoin.
***
C'est le coeur battant que Lucie, courbée derrière la porte, attendait que le professeur de technologie s'en aille. Elle l'entendit se moucher et prendre un trousseau de clé.
La jeune fille regarda l'heure sur l'horloge accrochée au mur. 20h30. Elle devait faire vite. M. Bench ouvrit la porte violemment et Lucie sentit une sueur froide lui couler le long de la colonne vertébrale. Elle retint sa respiration et il marmona.
— Rooh, mes lunettes bon sang !
Voilà. Le moment était propice. La blondinette se releva et se faufila discrètement par l'entrée de la pièce, déserte. Ça paraissait facile. Trop facile.
— Enfin !
La voix du professeur résonna dans le calme de la salle et Lucie sursauta. Elle courut sans bruit derrière le bureau et s'accroupit. L'homme passa devant elle et sortit de la pièce, en éteignant la lumière. La clé tourna dans la serrure et la poignée s'abaissa.
Lucie attendit que les pas du professeur s'éloignent puis s'autorisa à souffler de soulagement. Pour l'instant, tout se passait sans accro.
La jeune fille se redressa et se dirigea vers le local à matériel. Elle abaissa la poignée. Ouverte. Lucie sourit de satisfaction. M. Bench était si sûr de ne pas se faire cambrioler au sein de son propre lieu de travail qu'il ne prenait même pas la peine de le fermer.
Elle pénétra à l'intérieur. L'air poussérieux sentait le rence et Lucie se pinca le nez. Elle pressa l'interrupteur et une lampe blanche s'alluma, éclairant les lieux d'une lumière blafarde. La jeune fille ne perdit pas de temps. Elle fonça sur une étagère, tira une caisse en bois et entreprit de farfouiller dedans à la recherche du fameux tournevis. Au bout de trois minutes d'une inspection intensive, Lucie en extirpa l'objet de sa convoitise. Le sang battait à ses tempes et elle sentit l'adrénaline la gagner à mesure qu'elle voyait son plan prendre forme dans son esprit. Elle se félicita mentalement d'avoir repéré l'endroit au préalable. Ses chances de récupérer l'outil en avaient été augmentées.
La jeune fille n'oublia pas de vérifier si le tournevis permettait d'ouvrir la trappe sur le bas du mur à la droite du bureau. Elle retourna dans la salle attenante et se baissa à hauteur du conduit. À son grand bonheur, il était à sa portée.
Elle introduit doucement le tournevis dans l'encoche prévue à cet effet et tourna. Un déclic se fit entendre et Lucie tira par à-coups sur les rebords en ferraille de la plaque. Et celle-ci céda. La blondinette se retint de justesse de hurler de joie. Elle la remit en place et la referma. Il n'y avait plus qu'à espérer que ça marcherait pour celle de sa chambre. Il le fallait.
Alors qu'elle marchait vers le plan du complexe dans son entier fixé au mur, pour se rappeler le chemin à prendre, retenir toutes les intersections, les directions et griffonner des schémas supplémentaires sur un bout de papier qu'elle tenait dans ses mains, la porte de la salle s'ouvrit à la volée, dévoilant M. Bench.
— Lucie ? s'étonna l'homme.
Cette dernière déglutit et fourra le papier dans la poche de son pantalon. Elle se retourna, s'apprêtant à faire face au courroux de son professeur.
— Ah ! M. Bench, hasarda-t-elle sans la moindre conviction.
Celui-ci avança d'un pas.
— Mais que diable faisais-tu ici ?
Lucie fut prise au dépourvu. C'était à prévoir.
— Euh... j'étais venue voir si je n'avais pas laissé ma veste ici.
"Bien tenté ma vieille", pensa la jeune fille. Excuse pourrie, zéro la barre. À cet instant, sur l'échelle des alibis foireux, elle se trouvait au niveau -500.
— Et donc ? l'interrogea le technologue.
La blondinette chercha désespérément ses mots.
— Et donc ? Elle n'est pas là. Fausse alerte.
M. Bench remit ses cheveux hirsutes en place. Tout d'un coup il paraissait extrêmement fatigué.
— Tu aurais pu me le dire Lucie, commença-t-il. Au lieu d'entrer ici comme une voleuse. Qu'est-ce que je vais dire au chancelier moi ? Que tu as fait un nouvel écart de tenue ?
— Inutile. Je n'ai rien fait de mal, mentit la jeune fille.
— Je veux bien te croire, mais... (il fit une pause.) Bon. Je vais te laisser partir pour cette fois. Comme tu ne m'as jamais causé de problèmes. Mais que je ne t'y reprenne plus. C'est d'accord ?
Lucie se dépêcha de hocher la tête.
— Promis.
— Allez, viens.
— Merci M. Bench.
La jeune fille jubilait intérieurement.
La première partie de son plan était réussie.
Le professeur la poussa doucement d'une main dans le dos, pendant que Lucie subtilisait le tournevis et le glissait sous sa chemise, l'air absent.
***
Elle fixait avec obstination le plafond, cherchant le moyen de l'atteindre sans danger. Elle avait déjà tenté de grimper sur une chaise, calée sur son matelat et maintenue avec la couette. Trop bancal. Lucie ne voulait pas se casser la figure et se pêter une jambe au passage. Car ce serait le retour à la case départ. Le moindre écart serait fatal et la jeune fille ne pouvait pas se le permettre. Soudain une autre idée farfelue lui vint.
"Et si je plaçais les chaises sur le bureau ? Il est stable, je n'aurai qu'à bien les empiler."
Elle s'attela à cette tâche, jusqu'à parvenir à faire tenir l'ensemble, qui menaçait de s'écrouler à tout moment. Satisfaite, elle examina son travail, en s'écartant du bureau et consulta du regard l'horloge digitale. Elle affichait 6h02. Parfait.
Bientôt, vers 6h45, les autres sujets entreraient dans le réfectoire, pour prendre leur petit-déjeuner. Un peu avant celui de Lucie. Aurait-elle le temps de les voir, de leur parler même, avant de retourner dans sa chambre ? Y parviendrait-elle seulement avant de se faire prendre ? Probablement pas. Elle en était convaincue. Elle avait affaire au WICKED après tout.
Elle patienta encore une demi-heure. La jeune fille s'assura que sa porte était verouillée, que personne ne se trouvait de l'autre côté. Rien que le calme. Rassurée, Lucie s'empara du tournevis et se hissa sur la table, sans un bruit. La blondinette respira un bon coup avant d'escalader les deux chaises. L'une d'elles pencha dangereusement sur le côté et Lucie s'aggripa de justesse au dossier en plastique, le coeur battant la chamade. Elle fit une pause rapide avant d'entreprendre le plus difficile : grimper debout sur les chaises et tenir en équilibre le temps de dévisser la grille d'aération. La jeune fille s'encouragea, puis tenta le coup.
Debout, les genoux pliés et flageolants, Lucie redressa prudemment le dos, puis la tête. Elle atteignait aisément le plafond. S'efforçant de ne pas regarder en bas, la jeune fille leva un bras et s'appuya au plafond. Le deuxième vint rejoindre le premier et elle glissa sa main, toujours encombrée de l'outil, vers la plaque. Elle répéta le même geste que dans la salle de technologie, et ouvrit avec succès la grille, en la retenant pour ne pas qu'elle s'écrase au sol. Fort heureusement, celle-ci était maintenue par des charnières en métal.
Un sourire de victoire accroché aux lèvres, Lucie prit appui sur ses bras et se souleva. Elle passa facilement par l'ouverture.
"Merci chère professeure de sport, pour vos séances de tractions", la remercia faussement Lucie, narquoise.
Le conduit qui s'offrait à ses yeux était plongé dans la pénombre et une lumière rouge transperçait ses parois. De part et d'autre de la jeune fille, des tunnels de plusieurs mètres s'enfonçaient profondément dans les murs du complexe.
Serrant le tournevis dans sa main droite, elle déplia le petit papier sur lequel un plan fait à la va-vite était inscrit, mémorisa le chemin puis se dirigea en rampant droit devant elle.
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