Chapitre 11
09/07/225, 17h00
Lucie se préparait mentalement à essuyer une autre série de tests, radios et IRM. Les exercices physiques et mentaux qu'elle faisait la terrassaient. Ses épreuves étaient tellement harassantes parfois que la jeune fille tenait à peine sur ses jambes.
Un peu plus d'un an était passé depuis qu'elle avait eu affaire à la salle correctionnelle. Sa pire épreuve à WICKED. Son pire souvenir. Maintenant elle considérait M. Owkins comme un foutu salaud, et encore, le mot était faible. Rien, même les pires insultes ne pourraient assez définir cette pourriture. Lucie le soupçonnait d'avoir contracté la Braise, et le peu de la maigre confiance qu'elle lui accordait auparavant s'était envolé, à la seconde où il avait prononcé ces mots.
"Salle de correction."
Sâle enflure.
***
Il a bien fallu qu'un jour, elle passe par là.
Parce que c'était nécessaire.
Son assistante était venue la chercher un matin, sans raison apparente, ayant seulement le droit de lui dire où elles allaient. Lucie avait pris peur, s'était rebellée. Mais c'était obligatoire. Tous les sujets passent par cette étape cruciale. Irrévocable.
— Il est temps pour toi de te faire implanter un dispositif qui permettra aux chercheurs de récupérer plus de données, lui avait dit l'assistante.
Lucie n'avait pas répondu. Elle n'avait pas pu. Sa gorge était comprimée.
***
Severina l'observait, silencieuse, debout derrière une grande vitre aux côtés d'un homme qu'elle ne connaissait pas.
Faible, Lucie était allongée sur le dos, dans un fauteuil incliné quasi horizontalement. Son crâne était douloureux et elle se sentait vaseuse.
Elle tenta de se masser le front et de remuer, sans succès. Ses membres étaient engourdis et elle ne sentait plus ses jambes. Que lui arrivait-il ?
Pareil quand elle essaya de parler, en vain. Sa voix éteinte lui paraissait désespérement lointaine et elle s'acharnait à la rattraper, mais rien à faire.
Alors elle se raccrocha à son esprit. Surtout, rester éveillée. Se cramponner au présent, à l'environnement.
Lucie lutta contre les ténèbres qui menaçaient de l'engloutir d'un instant à l'autre.
Le liquide brûlant coulait dans ses veines. Elle le sentait glisser, s'insinuer dans tous les flux sanguins de son corps, pour remonter à son cerveau.
Le sédatif faisait son effet.
Severina chuchota quelque chose au médecin.
Lucie voulut tant bien que mal lire sur ses lèvres.
***
— Va-t-elle souffrir ?
— Non. Du moins, pas énormément.
— Est-ce que tout ça est nécessaire ?
— Vous savez aussi bien que moi que le protocole mis en place est plus qu'indispensable, pour que les légères séquelles post-opération ne soient que plus minimes. Cette petite a beau être courageuse, elle doit être préparée en conséquence.
La jeune femme remonta ses lunettes sur son nez et plissa celui-ci.
— Que se passe-t-il ?
— Elle résiste au médicament.
***
Lucie sentit sa conscience s'effacer peu à peu, à mesure que le produit progressait dans son organisme.
Elle n'avait plus la force de résister et céda, se laissant à la merci du sédatif, qui agissait dans son sang tel un poison.
Elle eu le sentiment fugace qu'on lui débranchait un à un les fils qui faisaient la connexion neuronale dans son cerveau. Cette sensation s'estompa et Lucie ferma lentement les yeux, gagnée par le sommeil.
Et elle s'endormit.
***
La jeune fille passa trois jours dans un coma artificiel, ignorant tout de la douleur qu'elle aura à subir à son réveil.
Lorsqu'elle ouvrit les yeux, le matin du dernier jour, Lucie sentit un mal lancinant exploser dans la partie droite de sa tête. Elle porta sa main à l'endroit concerné et toucha un bandage qui entourait son crâne. Ici, une compresse stérile avait été ajoutée, ainsi que du bandage par dessus le tout.
— Ouille... ouch..., se plaignit-elle.
Elle se mouva, heureuse de constater que ses membres inférieurs avaient retrouvé leur mobilité, puis se redressa. Elle jeta un oeil aux alentours et fut surprise de se trouver dans une sorte de chambre d'hôpital, avec du matériel médical, des machines, des rideaux blancs de part et d'autre de son lit et une perfusion par intraveineuse reliée à son bras gauche. Le sang, foncé, gouttait dans la poche et Lucie détourna le regard, dégoûtée.
Il faisait assez sombre dans la pièce, et la jeune fille humait des odeurs nauséabondes de médicaments qui flottaient dans l'air.
Le calme qui régnait depuis son réveil fut tout d'un coup perturbé par un hurlement qui fit froid dans le dos à Lucie.
Alertée, la jeune fille se leva, enleva avec prudence la perfusion et descendit du lit. Elle marcha à pas de loups vers la porte et l'ouvrit. Depuis quand les portes ne sont-elles plus fermées ?
Risquant un oeil dans le couloir, Lucie aperçut un garçon qu'elle ne connaissait pas, aux cheveux châtain, débouler en s'époumonant d'une intersection. Il portait la même tenue et avait aussi un bandage entourant sa tête.
Il passa en coup de vent devant la porte et poursuivit sa course effrénée, toujours en s'égosillant, jusqu'au bout du corridor où il disparut.
— Mais qu'est-ce qu'il a ? s'interrogea-t-elle à voix haute.
Elle ne tarda pas à le savoir. Une violente douleur, pire que la précédente, l'atteignit et elle se plia en deux, le souffle coupé. Portant la paume sur le bandage, elle ressentit une substance chaude filer entre ses doigts. Lucie les retira en vitesse et vit du sang tâcher sa peau.
— À l'aide !!! cria la jeune fille, paniquée, alors que la douleur devenait plus forte.
Le son de sa voix résonna dans sa tête et elle se prit les tempes à deux mains.
— AAÏÏÏEE !
Lucie eut un haut le coeur et vomit de la bile. Le mal qui la rongeait de l'intérieur s'estompa un peu avant de revenir de plus belle. La jeune fille hurla davantage et finit par alerter des médecins, accompagnés de Severina. Ils essayèrent de la maîtriser mais Lucie était devenue incontrôlable. Elle rua, donna des coups de poings et balança son pied dans le visage d'un des hommes. La tête du médecin partit en arrière et du sang gicla de son nez. N'ayant pas conscience qu'on essayait de l'aider, Lucie griffa et mordit l'avant-bras de son assisante.
— Laissez-moi ! cria-t-elle. LAISSEZ-MOI !!!
Réussissant à se dégager de l'emprise des médecins, elle se cabra et s'enfuit hors de la pièce. Elle courut à en perdre haleine à travers les allées, sans sentir la morsure du carrelage froid sous ses pieds nus. Elle s'arrêta, essouflée, devant les portes d'un ascenseur et bouscula volontairement une infirmière, qui, les bras chargés, lâcha son fardeau en poussant un cri de rage. Lucie tenta d'appuyer sur un bouton mais le sol se mit à tanguer et sa vision se brouilla. Elle bondit hors des portes qui commençaient à se fermer et dérapa sur les dalles. Elle cracha ses poumons avant de sentir quelqu'un l'empoigner par le bras et la tirer en arrière. La jeune fille entendit des pas et vit à peine la seringue qu'on lui plantait dans la peau.
Elle se réveilla sur un brancard, qui filait à vive allure sous les néons du plafond. Éblouie, Lucie poussa un petit gémissement et voulut mettre sa main sur ses yeux. On l'en empêcha. Puis un tissu vint se poser sur ses paupières, diminuant l'intensité de la lumière. La jeune fille se sentait nauséeuse et ses cheveux poissaient.
On l'amena dans une salle aux murs gris et on cala le brancard contre l'un d'eux. Des visages se penchèrent sur elle mais impossible pour Lucie de distinguer leurs traits.
Une femme, qu'elle identifia comme étant son assistante, parla. L'inquiétude était perceptible dans sa voix.
— Elle réagit excessivement mal. Comment cela se fait-il ?
Un homme lui répondit.
— Nous ne pouvons pas prévoir ce genre d'incident. Chaque sujet réagit de manière différée aux opérations.
— Et pour la puce ?
Silence.
— Elle n'aura aucun mal. Je vous le promets. L'anesthésie est très efficace pour cette zone.
Severina fit la grimace et mordilla son ongle, vieille habitude quand elle était stressée et qu'elle avait oubliée.
— Bien...
La jeune femme extirpa un mouchoir en papier de sa poche et tapota ses yeux avec. Elle renifla puis se concentra sur Lucie. Les paupières mi-closes de la blondinette tremblaient imperceptiblement et son souffle était irrégulier.
Severina soupira puis se dirigea vers la jeune fille pour lui caresser le front.
— Tout va bien se passer. Normalement demain ça ira mieux.
— Mademoiselle.
— Oui ?
— Il serait préférable que vous quittiez les lieux.
— Oui... bien sûr.
L'assistante lança un dernier regard en direction de la petite affaiblie et partit.
Plus tard, dans la nuit, Lucie se fit implanter une puce de propriété dans la nuque. L'opération fut, à l'inverse de l'implant, relativement indolore.
Dès son réveil, des tas de données seront récoltées du cerveau de la jeune fille.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top