Chapitre 1
10/08/221, 7h47
Lucie se réveilla ce matin avec un énorme mal de crâne. Se frottant les yeux, elle émergea de son sommeil en baillant à s'en décrocher la machoire. Elle eut à peine le temps de s'habiller que, déjà, on frappait à la porte de sa chambre. Une femme d'une trentaine d'années, brune aux lunettes rectangulaires et au visage pâle, plutôt jolie, s'avança dans la pièce. Elle tenait un dossier rempli de documents concernant Lucie. Des relevés sanguins, des analyses de pression artérielle, et pleins d'autres sur la condition physique de l'enfant.
— Il est temps d'aller prendre ton petit-déjeuner. Viens avec moi.
Elle tourna les talons et laissa le temps à la petite fille de se coiffer.
Deux minutes plus tard, Lucie suivait son guide à travers un dédale de couloirs et d'escaliers en tous sens, qu'elle s'était amusée à mémoriser. Bientôt, il faudrait prendre un tournant à droite, puis monter trois marches, tourner à gauche, en redescendre quatre, puis prendre l'ascenseur jusqu'au cinquième étage, emprunter un long corridor et ainsi de suite... jusqu'à une petite salle d'environ quatorze mètre carré, reliée aux cuisines, où on lui apportait à manger sur un plateau. C'était comme ça depuis déjà deux ans, et la petite s'y était habituée. La pièce comportait une table, deux chaises et un vieux téléviseur. Un ancêtre pré-apocalyptique, comme aimait l'appeler Lucie. Les murs étaient gris, sombres, et même si la pièce était relativement propre, l'ampoule nue au plafond la rendait plus terne, de part sa faible luminosité.
La femme qui l'avait accompagnée fit signe à Lucie de s'asseoir et alla se placer de l'autre côté, restant debout. Elle posa le dossier sur la table et en sortit une feuille qu'elle tendit à la fillette. Lucie n'y accorda qu'un bref intérêt. Encore un QCM matinal sur ses ressentis de fin de semaine, ses commentaires sur la nourriture qu'on lui proposait. Elle prit un stylo des mains de la femme et entreprit de cocher machinalement ses réponses. Elle aurait pu le faire les yeux fermés. Une fois terminé, elle redonna la feuille à son interlocutrice, qui parcourut vaguement les relevés avant de s'en aller sans un mot. Lucie soupira. C'était toujours comme ça. Elles ne se parlaient pas, et Lucie se retrouvait seule à manger. La solitude lui pesait parfois, mais elle lui permettait de réfléchir à sa situation. Ce qu'elle ferait lorsque cette mascarade aurait pris fin.
Une dame d'un âge mûr portant une blouse blanche et une charlotte fit son entrée avec un plateau remplit de viennoiseries, d'un jus de fruit, d'une pomme et d'un chocolat chaud. Ayant déposé le tout devant Lucie, elle s'éclipsa sans un mot. Le ventre de la fillette gargouilla. Alors elle prit un croissant, qu'elle regarda avec avidité, et mordit dedans en tournant la tête vers la grande baie vitrée à sa gauche. Celle-ci la séparait du self. Là où les autres sujets, des groupes A et B, mangeaient tous ensemble dans la joie et la bonne humeur, insouciants. Lucie les enviait tellement... mais Severina, son assistante, lui avait expliqué que les enfants dans son cas ne devaient pas connaître les autres. Lucie ne savait pas pourquoi. Qu'avait-elle de si différent ? Elle pouvait observer mais ne pouvait pas l'être. Du self, les autres ne pouvaient voir seulement que du verre teinté en noir. À quelques mètres d'elle, un groupe de garçons, du groupe A, discutaient en riant d'un sujet qu'elle ne pouvait pas entendre. Un garçon blond-foncé, un asiatique et un garçon à la peau noire, se trouvaient assis à une table. Elle ne savait rien d'eux, mis à part leur prénom : Newt, Minho et Alby, ainsi que le fait qu'ils soient étudiés.
Elle finit son repas, laissa son plateau sur un tapis roulant et le vit disparaître, derrière un rideau frangé vert bouteille, en plastique. Puis elle ouvrit la porte. Severina l'attendait dehors, stoïque. Elle hocha la tête puis entraina Lucie vers les douches.
***
Après s'être lavée, Lucie fut conduite dans la salle de classe, là où son professeur, Mr Owkins, un quinquagénaire grincheux aux sourcils broussailleux, l'attendait impatiemment pour sa leçon d'histoire quotidienne.
Lucie prit ses affaires dans un casier à son nom et s'installa à une des trois tables de la pièce. De toute façon, la fillette avait toujours le choix. Il n'y avait qu'elle. Elle soupira en pensant aux trois prochaines heures qu'elle aura à supporter avec cet homme, constamment de mauvaise humeur. Bien évidemment, son soupir eut le malheur d'être entendu.
— Je vous dérange peut-être mademoiselle Hayle ? fit-il en levant un sourcil.
— Non monsieur, excusez-moi, s'empressa de répondre Lucie.
— Bien. Dans ce cas, faites-moi un petit topo de la semaine dernière je vous prie.
Lucie leva les yeux au ciel. Cette manie qu'avait ce prof de la vouvoyer...
— Euh... hum. Eh bien...
— Vous ne vous en souvenez plus ? demanda le professeur en attrapant une règle en métal derrière lui.
Lucie avait bien vu le reflet argenté de l'objet. Elle ouvrit grand les yeux et déglutit.
— Alors ?
La petite fille tenta de cacher ses mains sous son bureau. Mais l'homme remarqua son manège.
— Tttss...on ne triche pas.
— Mais je...,se défendit-elle, en fouillant frénétiquement dans sa mémoire.
— Je vais compter jusqu'à trois.
— Attendez ! s'exclama-t-elle pour gagner du temps.
— Un...
— C'était sur... sur les...
— Deux...
— Sur les prévisions du désastre en fonction des comportements des populations ! énuméra-t-elle à toute vitesse.
— À la bonne heure ! dit Mr Owkins en toussotant.
Sa toux était rauque, grasse. L'espace d'un instant, Lucie eut presque peur de son enseignant. Elle se savait en sécurité, mais...
— Maintenant, peux-tu me dire pourquoi les actions de l'humanité, même dans les temps anciens, laissaient à prévoir la situation dans laquelle nous sommes actuellement ?
— En prenant en compte les catastrophes naturelles ayant déjà eu lieu auparavant ?
L'homme sourit. C'était effrayant.
— En quelque sorte. Cela va de soi.
— Mais...c'était il y a des années ! fit Lucie.
— Soit. Des décennies, voire même des centaines d'années. Mais tout élément est bon à prendre.
— D'accord... (elle prit une grande inspiration, comme chaque fois qu'elle se préparait à débiter de grosses informations en un temps record). Nous pouvons d'ores et déjà observer les difficultés rencontrées au cours des reconstructions après des désastres naturels, ou des guerres.
Elle jeta un oeil à Mr Owkins qui approuva en lui faisant signe de poursuivre son raisonnement.
— Lors de ces remises en état si je puis dire, les ressources en nourritures ou en énergies, fossiles en particulier, se sont grandement amenuisées. N'ayant pas assez pour tout le monde, certains ont été contraints de se battre et de tuer pour avoir leur part. Les plus forts d'abord. Il en était de même pour les civilisations primitives, et dans les temps remontant à plusieurs millions d'années.
— Des exemples ? la questionna son professeur, de plus en plus satisfait du travail fourni par son élève.
— Au moment de la dérive des continents, le monde que connaissaient nos ancêtres a changé. Surtout si nous prenons en compte les animaux.
— Intéressant.
— Lorsque la Terre fut chamboulée, l'équilibre de vie que s'étaient construit certaines espèces le fut aussi. Donc la nourriture se fit plus rare. Donc batailles, possessions des restes, et idem pour la fin de l'ère des Dinosaures. Des carnivores ont été obligés de manger leurs semblables, car plus de verdure dit moins d'herbivores donc moins de nourriture. Ce même problème fut répété les siècles suivants, selon les circonstances.
— Lien avec notre présent ?
— Les éruptions solaires qui ont dévasté notre planète et ravagé nos réserves en sont l'exemple le plus marquant. Ayant moins de ressources, les grands qui gouvernaient ont décidé d'exterminer une partie de la population, afin d'éviter le cannibalisme et autres problèmes tout aussi graves. Ils ont donc fait mettre au point un virus, créé en laboratoire, afin de s'attaquer au cerveau. Il avait été conçu pour être rapide et indolore, les scientifiques ont largement sous-estimé son impact. Le résultat est irréversible.
— Problèmes de cohérence avec les génocides par exemple ?
— Pas de cohérence, de moyen.
— Qui ne nous dit pas que le virus Braise a été conçu dans le but d'une élimination purement raciste ?
— Tout simplement parce que nous avons en grande partie dépassé tout ça, désormais.
— C'est juste. Mais il y en a qui ne changeront jamais. Continue.
— En conclusion, même si la maladie avait été mise au point pour mettre un terme à certaines ethnies ou origines, cela n'aurait pas pu être possible. Nous sommes bien trop diversifiés et mélangés pour ne pas risquer de tuer d'autres gens. À présent, tout le monde s'accepte comme il est. Ce fut un long combat et à présent qui dit séparation de la population mondiale pour déterminer laquelle aurait le droit de survivre, dit extermination totale et sans égard pour l'origine des habitants présents dans la zone concernée. Mais il y a eu trop de dégâts. Impossibles à réparer.
— Parfait. Je constate avec grand plaisir que vous avez bien inculqué les notions que je vous ai enseigné.
— Juste une dernière chose.
— Oui ?
— Fallait y réfléchir avant, reprocha Lucie d'une voix lourde de sous-entendus et de reproches.
Le professeur se racla bruyamment la gorge, gêné, et ressera sa cravatte ridicule, signe que Lucie avait touché juste.
— Excellent. Vous êtes prête pour le contrôle de fin de chapitre qui aura lieu la semaine prochaine, même jour. À présent, nous allons étudier les stratégies de contrôles démographiques à l'échelle équatoriale. Chapitre...
— ... de géographie, compléta Lucie en inscrivant le titre en haut d'une feuille quadrillée.
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Je me suis embarquée dans mes délires pour la leçon d'histoire...😂
Pas sûr que ça aie du sens.
En espérant que le chapitre vous aura plus ! :-)
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