Tu tiens dans tes mains une cadre contenant une grande photo un peu usée. Une tâche de café brunâtre fait un arc de cercle sur son coin droit. Mais tu n'y prêtes guère attention. Tu regardes la scène.

Tu contemples dans le fond un vieux château qui tombe presque en ruine, la pierre de ses murs est usée, des morceaux s'y trouvent au sol, différentes teintes de couleurs les recouvrent en tâche peu homogènes, gris, blanc, jaunâtre, preuve qu'il fut recouvert de peinture dans un passé lointain mais que celle-ci s'était écaillée. Les carreaux sont presque tous brisés en partie, la fêlure s'étalant telle une toile d'araignée parfois immense, certaines fenêtres n'ont même plus de vitre.

La tour de brique à l'arrière, penses-tu, est quand même impressionnante par sa grandeur et son toit recouvert de tuiles écarlates qui donne un peu de couleur même si tu te souviens qu'elles aussi étaient dans un état lamentables et que certaines manquaient. La végétation aux pieds de l'imposante bâtisse est folle, plus entretenue, les herbes sont hautes et vous arrivent au tibia, quelques plantes grimpantes montent même le long du mur. Mais le plus important c'est les personnes que tu vois photographiées devant ces ruines.

Tu t'y trouves plus jeune, si jeune, tu étais un enfant alors, aux habits colorés mal assortis et totalement désuets entre tes deux parents plus jeunes aussi et aux vêtements tout autant passés de mode, un coup de soleil s'étalant sur le nez de ton père, tu as un grand sourire auquel il manque une canine qui n'avait pas encore repoussée. Il y a des cousins aussi, de ton âge à peu près, l'un accroupi la mine boudeur, il devait s'être fait gronder avant la prise, un autre flou qui devait trop remuer, un bébé emmailloté dans les bras de ta tante, ton oncle avec un chapeau ridicule sur la tête. Tu te souviens qu'il était persuadé de ressembler à un cow-boy avec ! Quelle bonne journée vous y aviez passé là-bas à pique-niquer !

Puis ton attention est attirée par une fenêtre derrière vous, des volets de bois ouverts pendent des deux côtés, il n'y a plus de vitre mais tu crois percevoir la forme d'une toile d'araignée dans le coin gauche du cadre. Mais ce n'est pas cela que ton œil a capté, c'est la silhouette qui s'y trouve. Elle vous regarde cette silhouette, c'est celle s'une femme entre deux âges cette silhouette aux vêtements encore plus dépassés que ceux que vous portait. Cette silhouette n'aurait pas dû être là, il n'y avait personne d'autre ce jour-là. Elle est translucide cette silhouette. Et son regard te terrifie. Tu sens la peur t'envahir en découvrant cette silhouette, la silhouette d'un fantôme.

Ce texte est un défi fait pour le concours LeManoirVanDerPad auquel je vous invite à jeter un coup d'œil tant le principe est génial !Le thème imposé était de faire un zoom.