La visite guidée
— Passons à la galerie des portraits ! invita le guide.
La classe le suivit, leurs pas résonnant sur le vieux parquet de ce château des temps passés à peine rénové, juste ce qu'il faut pour qu'il ne tombe pas en ruine après des siècles à affronter intempéries, attaques et hommes maladroits : toutes ces épreuves auxquelles sont confrontés les bâtiments.
Les élèves eux n'étaient pas les derniers à maltraiter l'habitation, loin de là. Bien avant de les voir, on entendait leur pas, paraissant à un troupeau d'éléphants qui se seraient perdus dans cette région pluvieuse et éloignée de tout en plein campagne française. On pouvait aussi percevoir leurs conversations faisant un brouhaha pareil à un gigantesque essaim d'abeille. Les professeurs eux-mêmes encadraient les collégiens avec un visage fatigué, les voyages scolaires étant loin d'être une sinécure pour ceux de leur profession. Le guide se contenta donc de pincer les lèvres de dépit et ouvrit la prochaine salle sur leur parcours.
Il attendit le troupeau devant le plus vieux des tableaux, dos à lui, ne pouvant ainsi apercevoir son sujet, le conte de la Roseraie, mais ayant une vue imprenable sur les adolescents qui lui accordaient à peine un regard, ne voyant nul intérêt dans les secrets que pouvaient receler cette vieille ruine, ne sachant percevoir les charmes du temps passé qui s'offrait à leurs yeux, songeant plutôt qu'ils auraient préféré des activités bien plus sympathiques qui leur aurait permis de discuter entre eux et de ne surtout leur demander aucune concentration. Il y en avait bien un ou deux qui faisait l'effort suprême de le regarder, mais avec un air moqueur au fond des yeux. Le guide détestait parler devant ce genre de classe. Il n'y avait rien de plus frustrant pour lui que de parler dans le vide, de ne pas être capable de transmettre sa passion. Il chercha du secours dans le regard des encadrants mais ceux-ci semblaient vraiment au bout de leur vie.
— Voici le comte de la Roseraie, présenta-t-il. Il a fait construire ce château au quatorzième siècle.
À peine son audience y accorda-t-elle un regard. Le guide continua de le présenter néanmoins. Ceux qui avaient la tête dans sa direction eurent bien l'impression de voir le portrait secouer la tête de droite à gauche d'un air sévère, comme s'il jugeait négativement leur attitude, mais attribuèrent cela à la fatigue.
— Passons maintenant à Archambaud, sans doute la figure la plus connu du château, qui était un fidèle de la cour de Louis XIII.
Celui-ci représentait un jeune homme fougueux, l'arme à la main. Devant les nouveaux arrivés il recoiffa sa moustache qu'il avait imposante. Cette fois quelques-uns l'aperçurent et écarquillèrent les yeux de surprise. Quand ils passèrent à la courageuse Térésianne, faite prisonnière durant la révolution, qui s'impatientait en tapotant du doigt son bras gracieux la classe s'était passé le mot et chacun suivait les mouvements du portrait en essayant de trouver le truc.
Le guide croyant toute cette attention destiné enfin aux œuvres d'art qu'il présentait eut un regain d'optimisme et continua joyeusement la visite, entrainant la classe vers une autre pièce.
– Encore des moins que rien ! gronda le portrait du comte une fois que les pas d'éléphants se furent éloignés. À peine s'ils m'ont accordé un regard.
– Moi tous me dévisageaient en chuchotant, que c'était désagréable ! se plaignit celui de Térésianne.
– Et ce pauvre homme qui ne cesse de vanter nos mérites ne nous a toujours pas vu lui ! soupira Archambaud.
– Dommage qu'il ne soit pas là la nuit, approuva Térésianne. On en aurait des anecdotes à lui raconter.
– Tout à fait. Bon ce n'est pas tout mais je m'ennuis. Je vais faire un tour du côté des cachots !
Et, du portrait du célèbre Archambaud sortit une silhouette transparente et voleta vers le sol qu'elle traversa sans souci.
– Toujours à courir à droite à gauche celui-ci ! soupira avec amusement le comte de la Roseraie. Il ne peut pas attendre la nuit comme nous tous pour sortir !
– J'espère qu'il ne fera peur à personne cette fois ! déclara la jeune fille. Je déteste les cris que les gens poussent toujours quand ils l'aperçoivent !
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