Deux assassins dans la nuit

La ville était extrêmement calme cette nuit. Debout sur un toit il observait les quelques lumières qui brillaient à certaines fenêtres et les rues quasi désertes.

Il n'en avait pas l'habitude.

Il n'avait pas l'habitude non plus de travailler en équipe.

Et pourtant son binôme de la soirée était accroupi juste devant lui, observant la ville en contrebas, sans un mot, même sa respiration était des plus discrète. Un parfait assassin. Au moins la ligue ne lui avait pas envoyé un novice.

La main sur l'épée, lui, il ferma les yeux, savourant l'air marin qui lui caressait le visage, savourant ces moments suspendus, ce calme magnifiquement reposant juste avant l'action. Caressant le pommeau de son arme, dessinant son contour du bout de ses doigts, il attendait le moment de la brandir avec cette excitation habituelle.

— Il y a des navires à l'horizon ! annonça le coéquipier dans un murmure. Des navires de guerre.

— Alors c'est le moment !

Les deux assassins bondirent de toits en toits, avec la légèreté d'un oiseau, l'agilité d'un chat et la discrétion d'un renard. Rien ne le rendait plus heureux que ces moments là où il se sentait libre comme jamais. Puis ils s'agrippèrent à une gouttière et commencèrent à descendre un vieux bâtiment de brique. Ses mains trouvaient avec une facilité confondante là où s'agripper, ses pieds semblaient toujours rencontrer là où s'appuyer. Il descendait vite. Cela aussi il appréciait, ces moments de concentration extrême où sa vie dépendait de la précision de ses doigts. La mauvaise prise et il chutait de plusieurs étages et se fracasserait la tête sur les pavés. Il n'avait pas le droit à l'erreur.

Des bruits de pas en contrebas résonnèrent à ses oreilles. Il se plaqua contre le bâtiment et attendit la respiration légère comme un souffle de vent, que les gardes qui patrouillaient passent. Il jeta un regard à son coéquipier, suspendu lui aussi au temps, suspendu dans le vide, suspendu à la vie.

Les pas résonnaient sur les pavés pendant un moment qui paraissait s'étirait à l'infini.

Puis de nouveau le silence.

Pas même un soupir. Alors dans un synchronisme parfait ils descendirent encore. Jusqu'à atteindre le bon étage où ils pénétrèrent par une fenêtre ouverte.

Ils brandirent leurs armes. Le moment était venu, le moment de tuer.

Avec rapidité et discrétion ils avancèrent dans le corridor. Attentif au moindre bruit et au décor autour d'eux, il ne pouvait faire la moindre erreur, se permettre la moindre maladresse. Puis reconnaissant le signe gravé sur la porte verte ils s'observèrent. Sans un mot, sans un geste ils comprirent que chacun était prêt, que c'était le moment. Ils se retournèrent vers la porte et l'ouvrirent discrètement.

Ils en trouvèrent qu'une pièce vide avec au fond une porte. Deux gardes, loup sur les yeux, veillait sur celle-ci. Sa lame s'enfonça dans le dos de l'un deux avant même qu'ils aient découvert leur présence. Les deux gardes s'écroulèrent morts dans un ensemble parfait, tel une chorégraphie parfaitement apprise. Ils retirèrent leurs épées des corps et s'avancèrent sans se consulter vers la porte. Puis prêt à attaquer, ils attendirent.

Il ferma les yeux. Songeant au bateau à l'horizon, au silence de la nuit. Les bateaux devaient être arrivés maintenant. La nuit s'était probablement mise à crier. Il s'imaginait les rues enflammées, les hommes en armes qui la parcourait et tuait aléatoirement, ces habitants qui se réveillaient pris d'assaut. L'un d'eux arriverait bien à la plus haute tour de la ville, l'un d'eux finirait bien par sonner l'alarme.

Et comme si l'on avait entendu ses pensées les cloches sonnèrent, prévinrent la population des ennemis qui s'étaient abattus sur la ville et parcouraient leurs rues. Il ouvrit les yeux et de la porte sortit un groupe d'homme, eux aussi portant un masque sur les yeux et vêtus d'habits raffinés.

Ils les observèrent étonnés et les deux assassins se jetèrent sur eux. Leurs lames tranchèrent, sectionnèrent, perforèrent avec la précision d'un horloger les différentes vies qui se tenaient devant eux. Aucun ne devait s'échapper. Aucun ne devait sortir d'ici vivant.

Tous ces hommes de cour, de manipulation, pas même armé, ne résistèrent pas bien longtemps. Ils tombèrent l'un après l'autre. Jusqu'au dernier.

C'était fini.

Les deux coéquipiers échangèrent un mouvement de tête et quittèrent le bâtiment. Chacun s'enfonça dans la ville qui désormais s'égosillait, hurlant sa douleur, sa peur, son chagrin, sa rage. Sourire aux lèvres, épées brandis ils rejoignirent le chaos et leurs mécènes pour faire tomber la ville. 


Texte publié initialement dans le rose est ma couleur préféré et tout ce que vous voulez savoir sur moi (tag #66 : Deux assassins dans la nuit) suite à un tag de mondeencouleurmondeencouleur où je devais écrire un texte en m'inspirant de l'image en média.

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