Rencontre

C'était un jeudi, qui surplombait une nuit de pleine lune. Ce n'était pas un jour particulier. Je me rendais comme à mon habitude dans mon jardin secret lorsqu'une rencontre inhabituelle chamboula ma vie.

Je suis toujours seule ici. C'est en quelque sorte mon petit endroit à moi. Il faut dire que l'accès y est difficile. Je venais toujours en skateboard et m'arrêtait à l'orée d'une sombre forêt. Je m'engouffrais dans celle-ci et me baladait un bout de temps avant de traverser une petite rivière, puis de marcher sur un épais tapis de feuille morte qui restait constamment en place. Je passais entre deux arbres et atteignais enfin mon but. Un saule pleureur surplombait une grande mare. Ce n'était pas une mare comme les autres. Son eau ne stagnait pas puisqu'elle était continuellement alimentée par de petits ruisseaux. Cela créait un fond sonore fort agréable. La lumière du soleil rendait les feuilles des arbres vertes éclatantes, presque fluorescentes. D'ordinaire, le matin je trouvais les feuilles des arbres brillantes et l'herbe constellé de gouttelettes issues de la rosée. Le coin se prêtait parfaitement au piquenique et souvent je ramenais de quoi grignoter en sortant des cours. Mon emploi du temps n'étant pas très chargé et mes samedis toujours libres, j'avais tout le temps de flâner dans les bois. Et il faut dire que je n'étais pas très sociable. Les élèves au lycée l'ont toujours su, bien que parfois certains m'abordent gentiment en me proposant de sortir un de ces jours avec eux. Ils ont constamment eu des réponses négatives. La solitude n'est pas un poids pour moi, et quand mes parents me reprochent d'être trop solitaire et de m'isoler, je leur réponds que je ne suis jamais seul. La nature et les animaux qui m'entourent, comblent ce vide. Je me surprends parfois à écouter le murmure du vent ou à converser avec un petit écureuil. Cela peut sembler bizarre pour certains et d'autres me prennent pour une folle. Mais moi c'est mon habitude. A force mes parents s'y sont habituer. Et puis j'étais assez grande pour prendre mes décisions seule. Mon paternel me laissait de très grande liberté (il m'en a fallu du temps avant son accord) et il me posait très rarement des questions sur ce que je faisais de mes heures libres. Ma mère se contentait de mes bonnes notes et tant que je passais du temps avec ma famille, elle n'allait pas à l'encontre de mes sorties.

 Pourtant aujourd'hui, alors que j'entamais ma marche habituelle, je sentis que quelque chose clochait. Ce n'était pas le bruit qui me dérangeait, les bois sont continuellement bruyants, mais plutôt une présence. Mes sens me dictaient que je n'étais pas seule alors que mon cerveau témoignait du contraire. Pourquoi quelqu'un serait-il là ? Jamais personne n'a pénétrer en ces lieux, et je suis trop vigilante pour m'être faite suivre. Non, impossible ! Je continuais ma route doucement, vidant mon esprit de cette étrange sensation. J'atteignis la marre et m'arrêta brusquement, ne pouvant faire un pas de plus. Mes pieds refusaient catégoriquement de bouger et une autre sensation vint remplacer la première. De l'émerveillement. Et je l'éprouvais à chaque fois que je me rendais ici, comme subjuguée par la beauté que dégageait la nature lorsqu'elle peut s'épanouir dans toute sa splendeur. Quel plaisir de retrouver le bruit de l'eau qui coule. Cet endroit était fréquentable en toute saison. Le saule protégeait des rayons destructeurs du soleil en été, mais aussi du vent glacial en l'hiver. En automne ses feuilles ne tombaient jamais et elles se couvraient de fleurs au printemps. De jolies petites fleurs mauves tombaient parfois sous les brises matinales. Je m'asseyais dans l'herbe fraiche et laissai tomber mon sac ainsi que ma planche à roulettes. Je m'allongeais, la tête posée sur une des racines du saule. Pour la rendre plus confortable je sortis une petite couverture que je cala entre ma nuque et la racine. Je fermais ensuite les yeux, profitant du calme environnant.

Elle revint ! La même sensation que dans la forêt ! Quelqu'un me suit ! J'en suis persuadée. J'ouvris soudainement les yeux et me redressai au qui-vive. Je scrutais les sous-bois et sursautais lorsqu'un gland tombait sur le sol. Je ne m'aperçus pas que je retenais ma respiration.

Tout à coup, ses yeux se posèrent sur moi. Je ressentie un frisson qui me fit me retourner vers la source de se regard. Vous savez, on a tous ce sixième sens, qui est provoqué lorsqu'une personne vous fixe intensément sans vous lâcher. Eh bien c'est ce sens qui ma avertie que je n'étais pas seule. Je plongeais mon regard dans le sien. Éblouissement ! Comment peut-on posséder de si beaux yeux ? Et cette couleur ! Ce bleu profond et mystérieux, il me rappelait l'océan. Oh comme l'océan me manque ! Très peu de gens de la campagne ont les moyens d'aller en vacances à la mer, et mes parents ne m'y ont emmené qu'une seule fois. J'avais l'impression de me retrouver à des milliers de kilomètre d'ici et de contempler la mer. Des souvenir commençaient à revenir en masse mais je les chassais de peur de perdre son regard. Je pouvais admirer ses yeux pendant des heures, pourtant je détournai le regard et examinait son corps. Il possédait une sublime crinière noire de jais et de beaux muscles qui le mettait en valeur. Lui aussi me regardait intensément. J'avais envie de lui poser mille questions auxquelles, j'imagine, il ne pourrait répondre. Je crois que je suis tombé amoureuse. Le coup de foudre instantané. J'espère que lui aussi. Je vis qu'il regardait mon sac avec envie, je regardais ce qui pouvait bien l'attirer et sorti la pomme que j'avais emmené.

 - Tu la veux ? Tiens je te la donne. Oh ne t'inquiète pas, de toute façon je n'ai pas très faim.

Je la lui donnai, et il la mangeait avec appétit. Je rigolais doucement.

- Je ne t'ai encore jamais vu dans le coin, et pourtant je viens tous les jours ! Hum... apparemment tu es plutôt solitaire. Oh c'est normal. Moi aussi tu sais je suis comme ça. Oh j'espère que on pourra se revoir ! Tu pars déjà ? Mais... Attends !

Et il repartit sans plus m'accorder d'attention. Mon visage si enjoué se teint de tristesse et le lendemain je reviens, avec une autre pomme. Et je l'attendis. Pendant des heures et des heures. Et quand il daigna revenir je sautai de joie. Depuis il revient à peu près tous les jours et ensemble nous nous reposons, parlons ou encore faisons des balades dans la forêt. Parfois il me laisse monter sur son dos et pour rigoler il trotte d'un bon pas, faisant s'envoler les feuilles par terre.  Nous partageons de si beaux moments ensemble. Il m'aide à me détendre quand je suis stressée, me fait des câlins quand je suis triste et me taquine souvent. Je sais que son fruit préféré est la pomme et qu'il ne peut pas lui résister. Je crois bien que j'ai enfin trouvé un ami...

Un jour, je lui ai dit qu'il était tant que je le présente à mes parents. Bien sûr, au début il avait un peu peur et puis finalement il a accepté. Mes parents avaient eu du mal puis ils se sont habitués à sa présence. Il y avait cependant une règle. Il n'avait pas le droit d'entrer dans la maison, alors je restais dehors avec lui. Sinon la plupart du temps nous allions nous balader en forêt. Puis...J'ai dû déménager. Je savais qu'il ne pouvait pas me suivre puisque nous allions vivre en ville. Et il n'a pas sa place en ville. C'était ma plus grosse perte ! Il a très bien compris et il m'a laissé partir. Mes parents avaient organisé des adieux, je pense qu'eux aussi l'aimait bien. Nous avons fait une petite fête autour de la mare et sommes resté tard le soir, l'un contre l'autre en regardant les étoiles. Lorsque vint le moment des adieux, je lui demandai de partir le premier. Il me fit un dernier câlin et je lui offris une dernière caresse. Il s'enfonça alors lentement dans la forêt devenue sombre et fraiche. Je ne voulais pas pleurer pourtant les larmes coulèrent toute seules. Dans chacune d'elles s'écoulait ma douleur. Une douleur vive qui me brûlait la poitrine. Je cru qu'il n'allait pas se retourner et pourtant il me fit la surprise de m'accorder un dernier regard.

Un regard brûlant.

Je ne sais pas si vous avez compris mais je vous laisse imaginer la suite. Le mystère est toujours porteur d'imagination.

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