Jour 2 - Milla Jaesen.
Milla Jaesen s'ennuyait beaucoup, trop. Elle en était venue à jouer avec son verre de vin rouge, à le faire tournoyer. Chose qu'elle ne faisait que lorsqu'elle était à bout. Cela lui permettait de concentrer son esprit afin de ne pas faire un burn-out. Souvent, elle se désintéressait rapidement et se mettait à ignorer les gens autour d'elle. En cours, plus jeune, elle s'amusait à dessiner des traits au hasard pour rester concentrée. Ceci n'était pas logique. Elle faisait autre chose pour ne pas faire autre chose. Mais c'était ainsi qu'elle fonctionnait.
- Voulez-vous plus de vins, Madame Milla ? s'enquit une pauvre.
- Non, merci, répondit l'interpellée avec un sourire gracieux.
Une fourchette tomba durement contre une assiette et la pauvre se dépêcha de prendre congé de peur de représailles.
- Toi et ta lubie des pauvres ! s'injuria sa mère. Si tu les aimes tant, pourquoi ne vas-tu pas les rejoindre ?
Cette réplique jeta un froid au repas. Déjà que leurs relations n'était pas à son meilleur niveau, les phrases amères de la mère n'aidaient pas les enfants à bien évoluer. Depuis la mort du paternel, quelques années auparavant, l'aînée de la famille s'était renfermée et était désormais exécrable. C'est pourquoi Milla n'avait plus aucune envie de venir au dîner de famille, mais elle y était obligée.
- Maman, allons ! gronda en semi-riant Nicolas. Ne traite pas ta fille préférée de la sorte.
- Quelle fille ? Je n'en vois aucune dans les parages, surenchérit Timothé.
La Vice-présidente sourit en coin comme elle savait si bien le faire.
- C'est gentil de ta part, Nicolas, de me défendre. Seulement, je crains de ne pas être très aimée ici.
- C'est un comble ! s'exclama le plus jeune des trois frères. Tu es adorée de tous sauf au sein de ta propre famille.
- La vie n'est-elle pas injuste ? conclut-elle, une moue aux lèvres.
La mère saisit son verre et le but entièrement. Un goutte de vin coula de sa bouche et elle l'essuya rageusement.
- Pourquoi serais-tu aimée ? asséna t-elle. Tu ne sers à rien. Au moins, Timothé est utile.
Timothé retint avec grande peine son contentement. Ceci n'échappa guère à Milla. Encore, les remarques de sa mère lui passaient par dessus la tête. Autant, la joie non-cachée de son frère la rendait folle de rage. Elle aurait apprécié être fille unique, ainsi elle aurait pu pleinement satisfaire sa mère, seule. Là, elle rivalisait constamment avec son plus vieux frère et cela lui déplaisait fortement. Nicolas, le petit benjamin - avec seulement vingt-deux ans, soit quinze ans de moins que le deuxième frère -, se sentait terriblement désolé pour sa soeur.
- Ne suis-je pas utile ? minauda t-elle à l'intention de sa mère.
- Voyons, maman, tu ne peux pas dire le contraire ! intervint Timothé. Milla fait de son mieux pour avoir le Président et je dois avouer qu'elle est sur le bonne voie.
- Le Président ? Lequel ? questionna Nicolas.
- Celui de France, susurra Milla d'une voix suave.
La mère explosa grossièrement de rire. Milla la trouvait horriblement pas digne de s'appeler une "riche". Elle lui faisait davantage penser à une pauvre au fin fond des bidonvilles, sans manière. Heureusement qu'elle n'avait pas pris exemple sur elle. Parfois, elle essayait de se convaincre qu'elle agissait ainsi depuis la mort de son cher époux et qu'elle en était très touchée. Cependant, elle se souvenait que sa mère n'en avait jamais rien eu à faire de son mari et qu'elle avait ri lors de son enterrement car elle avait hérité de tout son argent.
- Tu t'attaques à un gros poisson ! ricana le jeunot.
- Il me mange déjà dans la main, répliqua t-elle en faisant de gros yeux.
- Comment pourrait-il être avec une morue comme toi ! aboya la mère.
Timothé gloussa mais dissimulait le son sous un raclement de gorge. Nicolas se fendit en deux. Milla se dit simplement que le Président du groupe Jaesen ressemblait bel et bien à sa mère.
- Tu as une personnalité à faire faner des fleurs à ton passage !
Elle avait l'impression d'avoir entendu ceci quelque part. Ah oui ! Hier, de son frère.
- Pourtant, je t'assure qu'il m'adore. Par ailleurs, je déjeune avec lui demain midi. Il clame qu'il aura une chose très importante à me dire. Sachant que la dernière fois, il a évoqué l'envie de se marier au plus vite, je pense savoir de quoi nous allons parler.
- Tu as intérêt ! bougonna la vieille.
- Maman, râla Nicolas. Ne peux-tu pas arrêter d'être aussi méchante avec elle ?
Milla appréciait l'effort que fournissait son frère pour la soutenir mais elle savait que c'était peine perdue. Sa mère ne le voyait que comme une femme à marier au plus vite pour gagner de l'argent et s'en débarrasser. Jamais elles n'avaient eu de bonnes ententes.
- Demain, quand tu le verras, fais en sorte d'être bien habillée. On dirait un sac !
- Ce que veux dire maman, proposa Timothé, c'est d'arborer ton plus beau sourire faux et de persuader le Président de t'épouser. Rapidement si possible. Et avec un contrat. Au moins, il ne pourra pas te jeter après t'avoir utilisé.
C'était si simple de marier un Président. De nos jours, la popularité primait. Elle n'avait qu'à rester dans le top des recherches sur internet pour être l'objet du désir des plus grands. La notoriété faisait réellement tout.
- Nicolas, ne penses-tu pas que tu devrais te bouger un peu ? talocha l'ancienne.
La victime pâlit violemment. Milla pouvait clairement lire en lui l'indécision. Devait-il répondre ? Devait-il s'abstenir ? Très bizarrement, il choisit la deuxième option.
- Je t'ai laissé tranquille parce que tu faisais des caprices. Désormais, tu es un homme et tu dois agir en tant que tel. C'est pourquoi tu vas aller de ce pas rencontrer une jeune femme d'une grande famille.
Nicolas soupira longuement.
- Je ne veux pas sortir avec quiconque, maman.
- Qui t'a parlé de sortir avec ? s'étonna t-elle. Tu vas l'épouser !
Aussitôt dit, il s'étouffa avec son vin et toussa à s'en déchirer les poumons. Milla eut bien l'envie de rire mais son petit frère se serait vexé alors elle se retint.
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