Jour 2 - Mélanie Morel.

- Es-Est-ce que vous allez... Bien ? se risqua la brune à demander.

- Oui ! Hier, nous étions bien. Aujourd'hui, aussi ! s'exclama la maman.

- Mais notre chérie nous manque tellement ! pleurnicha en retour le père.

Les Morel étaient tous au téléphone, pendus au micro. Même si aucun ne l'avouait, ils étaient en larmes. La fille se retenait pour ne pas inquiéter les parents et ils faisaient de même pour ne pas la faire culpabiliser. D'ailleurs, à la réplique du papa, la mère lui donna un coup de coude dans les côtes. Ils avaient au préalable convenu de clamer que tout allait bien afin d'éliminer les risques que Mélanie ne veuille rentrer auprès d'eux. Leur stratagème n'était pas très utile car elle voulait fuir le lycée au plus vite.

- Ton vrai premier jour s'est-il bien passé ? T'es-tu fait des amis ? interrogea la mère qui essaya vainement de cacher sa quiétude.

- J'espère pour ces anchois qu'ils n'ont pas touché à ma fille ! râla le père.

- Eh bien... Des amis ? Je ne sais pas trop. Mais, il y a bien deux filles qui sont assez sympathiques. J'attendrais de voir la suite pour en juger pleinement. Sinon, anchois ? Peux-tu m'expliquer, papa ?

- Les anchois, c'est pas bon et ils sentent mauvais. Comme les riches.

Mélanie ne put réprimer son fou rire à l'entente de sa voix enfantine et boudeuse. Elle eut soudainement un pincement au cœur. Avant, elle aurait pu continuer à rire longtemps avec eux, toute la soirée si elle l'aurait désiré. Mais désormais, elle n'avait plus trois minutes. Trois maigres minutes.

- Mel, est-ce c'est normal ce petit bruit aiguë dans l'appareil ? Qu'est-ce ? questionna la maman avec un petite voix embarrassée.

Les paupières de la brune se clopèrent de regret. Elle soupira tristement et exposa :

- Il signifie la fin de l'appel. On va être déconnectés.

- Ah ! crièrent ensemble les parents. Je t'aime ! Prends soin de toi ! Gros bisous ! On t'aime fort ! On t'encourage tous ! 

Elle ne put distinguer à qui appartenait quelles phrases que le téléphone bipa une dernière fois et elle n'entendit plus rien. Mélanie était en colère. Trois minutes ? Trois minutes ! Elle avait fait déplacer ses parents dans tous les bidonvilles pour qu'ils trouvent une vieille cabine téléphonique crade pour trois minutes. Ceci la mettait hors d'elle mais, par je ne sais quel moyen, elle contint tout en elle. Toute la frustration se traduisit par ses poings fermement repliés, ses ongles déchirants ses paumes et ses tremblements de rage. 

Des bruits de clef se firent entendre et Mélanie se força à ne plus penser à ses parents. Sa règle numéro une : absolument paraître normale. Ainsi, elle pourra passer inaperçue aux yeux des riches. Du moins, c'est ce qu'elle souhaitait réellement.

Alizée, Gabrielle, la troisième occupante de la chambre et un autre fille entrèrent dans la pièce. Hormis la troisième interne dont elle ignorait tout et qui se jeta sur son lit pour faire mine de dormir, elles étaient en pleine conversation animée. La pauvre ne sut comprendre si elles étaient enjouées, énervées ou ennuyées. Elle supposait qu'il s'agissait des trois à la fois.

- Mel ! Est-ce qu'on peut t'appeler "Mel" ? s'enquit vivement la déléguée - l'intéressée acquiesça ce qui ravit la blonde - qui vint s'asseoir sur son lit avec les deux autres filles. Mel ! Tu as manqué quelque chose. Tu aurais vraiment dû venir manger avec nous !

Un sentiment nouveau s'alluma en Mélanie. Quelque chose qu'elle n'avait encore pas expérimenté. La curiosité face à un commérage. Car c'était bel et bien cela. Les yeux grands ouverts, elle leur adressa un sourire qui signifiait très clairement de continuer. Ce fut l'inconnue qui expliqua :

- Tout à l'heure, au self, les internes étaient en train de dîner. Alizée, Gabrielle et moi nous étions assises ensemble à une table de six. Il restait donc trois places.

- Nyana, elle vient simplement des bidonvilles ! gronda Gabrielle. Elle sait ce que fait six moins trois.

L'interpellée fut brusquement gênée et n'osa plus lever la tête de crainte de croiser le regard de Mélanie. Celle-ci n'avait même pas relevé et en avait juste profité pour noter le prénom de cette fille. Nyana. C'était très jolie.

- Continuez, invita Mel poliment. 

Alizée se racla la gorge et entreprit de raconter elle-même. Visiblement son amie blonde ne voulait plus continuer, trop intimidée.

- Ton homologue est venu prendre place avec nous. D'après ce que j'ai compris, il aurait carrément traîné Matthieu pour qu'ils s'assoient avec nous.

- Homologue ? Matthieu ? répéta la pauvre, perdue.

Gabrielle soupira, semblant être lassée de ses copines. Elle rajusta ses grosses mèches brunes derrière ses épaules et reprit :

- Elle parlait de Paul, le garçon pauvre qui est entré avec toi. Et Matthieu, c'est un élève de notre classe aussi. Apparemment, ils sont dans la même chambre et ont fait connaissance aujourd'hui. Ils sont donc venus avec nous et on ne savait pas trop quoi faire. On était un peu entre deux chaises.

- C'était froid entre vous, récapitula Mélanie ne comprenant pas où elles voulaient en venir.

- Oui ! s'écria Alizée -un cri qui sortait du cœur et qui ne pouvait pas être plus vrai- en faisant sursauter la blonde. Puis, on a recommencé à manger, tranquillement, quand Matt a proposé qu'on échange tous nos histoires pour faire passer le temps du repas. 

- Au tour de Paul, on aurait dit qu'il n'avait pas envie de parler. Il tournait autour du pot ! accusa Gabrielle. Du coup, il s'est mis à se concentrer sur Alizée. Je crois qu'il la draguait. Toi qui le connait, est-ce que tu sais s'il est un coureur de jupon ?

- Je ne l'ai jamais vu de ma vie, rétorqua la pauvre. Les bidonvilles sont énormes. Même si on habitait dans le même district, il se peut que nous ne nous soyons jamais croisés. Mais qu'est-ce qu'il y a eu après ? A t-il juste dragué Alizée ?

- C'est là que cela devient piquant ! s'exclama Nyana qui repartit de plus belle, oubliant sa bourde précédente. Paul a fini, à la suite d'une longue discussion, par dire qu'Alizée était une fille très belle, et là ! Là, d'autres internes de la première L3 sont passés derrière nous et l'ont entendu. Ils ont lâché leurs plateaux, ont attrapé Paul par le col et ils se sont tous battus. Matthieu est allé chercher un surveillant mais c'était trop tard. 

Mélanie arbora une mine choquée. Son "homologue" n'avait pas perdu de temps. A peine à Nymeria, dès son deuxième jour, il se battait déjà. Elle était partagée entre être désolée pour lui ou lui trouver pathétique. Elle opta pour un peu des deux.

- Je suppose qu'il a dû finir en mille morceau, présuma la blonde.

Les trois filles s'esclaffèrent brutalement. Elle se demanda ce qu'il leur prenait.

- Le meilleur dans cette histoire, bégaya Nyana qui riait fort, est qu'il s'en est très bien sorti. Il a réussi à tenir bon jusqu'à ce qu'on ne les sépare. Ils ont tous été emmenés à l'infirmerie et Paul n'est pas le plus blessé. 

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