Chant 1-Partie2


Ayant ainsi parlé, il s'assit. Et le héros Atréide Agamemnôn, qui

commande au loin, se leva, plein de douleur ; et une noire colère emplissait sa poitrine, et ses yeux étaient pareils à des feux flambants. Furieux contre

Kalkhas, il parla ainsi :

: Divinateur malheureux, jamais tu ne m'as rien dit d'agréable. Les maux

seuls te sont doux à prédire. Tu n'as jamais ni bien parlé ni bien agi ; et

voici maintenant qu'au milieu des Danaens, dans l'agora, tu prophétises

que l'archer Apollon nous accable de maux parce que je n'ai point voulu

recevoir le prix splendide de la vierge Khrysèis, aimant mieux la retenir

dans ma demeure lointaine. En effet, je la préfère à Klytaimnestrè, que j'ai

épousée vierge. Elle ne lui est inférieure ni par le corps, ni par la taille, ni

par l'intelligence, ni par l'habileté aux travaux. Mais je la veux rendre. Je

préfère le salut des peuples à leur destruction. Donc, préparez-moi

promptement un prix, afin que, seul d'entre tous les Argiens, je ne sois

point dépouillé. Cela ne conviendrait point ; car, vous le voyez, ma part

m'est retirée.

Et le divan Akhilleus aux pieds rapides lui répondit :

: Très orgueilleux Atréide, le plus avare des hommes, comment les

magnanimes Akhaiens te donneraient-ils un autre prix ? Avons-nous des

dépouilles à mettre en commun ? Celles que nous avons enlevées des villes

saccagées ont été distribuées, et il ne convient point que les hommes en

fassent un nouveau partage. Mais toi, remets cette jeune fille à son dieu, et

nous, Akhaiens, nous te rendrons le triple et le quadruple, si jamais Zeus

nous donne de détruire Troiè aux fortes murailles.

Et le roi Agamemnôn, lui répondant, parla ainsi :

: Ne crois point me tromper, quelque brave que tu sois, Akhilleus

semblable à un dieu, car tu ne me séduiras ni ne me persuaderas. Veux-tu,

tandis que tu gardes ta part, que je reste assis dans mon indigence, en

affranchissant cette jeune fille ? Si les magnanimes Akhaiens satisfont mon

cœur par un prix d'une valeur égale, soit. Sinon, je ravirai le tien, ou celui

d'Aias, ou celui d'Odysseus ; et je l'emporterai, et celui-là s'indignera vers

qui j'irai. Mais nous songerons à ceci plus tard. Donc, lançons une nef

noire à la mer divine, munie d'avirons, chargée d'une hécatombe, et

faisons-y monter Khrysèis aux belles joues, sous la conduite d'un chef Aias, Idoméneus, ou le divin Odysseus, ou toi-même, Pèléide, le plus

effrayant des hommes, afin d'apaiser l'archer Apollôn par les sacrifices

accomplis.

Et Akhilleus aux pieds rapides, le regardant d'un œil sombre, parla ainsi ;

: Ah ! revêtu d'impudence, âpre au gain ! Comment un seul d'entre les

Akhaiens se hâterait-il de t'obéir, soit qu'il faille tendre une embuscade,

soit qu'on doive combattre courageusement contre les hommes ? Je ne suis

point venu pour ma propre cause attaquer les Troiens armés de lances, car

ils ne m'ont jamais nui. Jamais ils ne m'ont enlevé ni mes bœufs ni mes

chevaux ; jamais, dans la fructueuse Phthiè, ils n'ont ravagé mes moissons :

car un grand nombre de montagnes ombragées et la mer sonnante nous

séparent. Mais nous t'avons suivi pour te plaire, impudent ! pour venger

Ménélaos et toi, œil de chien ! Et tu ne t'en soucies ni ne t'en souviens, et

tu me menaces de m'enlever la récompense pour laquelle j'ai tant travaillé

et que m'ont donnée les fils des Akhaiens ! Certes, je n'ai jamais une part

égale à la tienne quand on saccage une ville troienne bien peuplée ; et

cependant mes mains portent le plus lourd fardeau de la guerre impétueuse.

Et, quand vient l'heure du partage, la meilleure part est pour toi ; et,

ployant sous la fatigue du combat, je retourne vers mes nefs, satisfait d'une

récompense modique. Aujourd'hui, je pars pour la Phthiè, car mieux vaut

regagner ma demeure sur mes nefs éperonnées. Et je ne pense point

qu'après m'avoir outragé tu recueilles ici des dépouilles et des richesses.

Et le roi des hommes, Agamemnôn, lui répondit :

: Fuis, si ton cœur t'y pousse. Je ne te demande point de rester pour ma

cause. Mille autres seront avec moi, surtout le très sage Zeus. Tu m'es le

plus odieux des rois nourris par le Kronide. Tu ne te plais que dans la

dissension, la guerre et le combat. Si tu es brave, c'est que les dieux l'ont

voulu sans doute. Retourne dans ta demeure avec tes nefs et tes

compagnons ; commande aux Myrmidones ; je n'ai nul souci de ta colère,

mais je te préviens de ceci ; puisque Phoibos Apollôn m'enlève Khrysèis,

je la renverrai sur une de mes nefs avec mes compagnons, et moi-même j'irai sous ta tente et j'en entraînerai Breisèis aux belles joues, qui fut ton

partage, afin que tu comprennes que je suis plus puissant que toi, et que

chacun redoute de se dire mon égal en face.

Il parla ainsi, et le Pèléiôn fut ampli d'angoisse, et son cœur, dans sa mâle

poitrine, délibéra si, prenant l'épée aiguë sur sa cuisse, il écarterait la foule

et tuerait l'Atréide, ou s'il apaisent sa colère et refrénerait sa fureur.

Et tandis qu'il délibérait dans son âme et dans son esprit, et qu'il arrachait

sa grande épée de la gaine, Athènè vint de l'Ouranos, car Hèrè aux bras

blancs l'avait envoyée, aimant et protégeant les deux rois. Elle se tint en

arrière et saisit le Pèléiôn par sa chevelure blonde ; visible pour lui seul,

car nul autre ne la voyait. Et Akhilleus, stupéfait, se retourna, et aussitôt il

reconnut Athènè, dont les yeux étaient terribles, et il lui dit en paroles

ailées :

: Pourquoi es-tu venue, fille de Zeus tempétueux ? Est-ce afin de voir

l'outrage qui m'est fait par l'Atréide Agamemnôn ? Mais je te le dis, et ma

parole s'accomplira, je pense : il va rendre l'âme à cause de son insolence.

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