Chant 1-partie 5
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Et Thétis, répandant des larmes, lui répondit :
: Hélas ! mon enfant, pourquoi t'ai-je enfanté et nourri pour une destinée
mauvaise ! Oh ! que n'es-tu resté dans tes nefs, calme et sans larmes du
moins, puisque tu ne dois vivre que peu de jours ! Mais te voici très malheureux et devant mourir très vite, parce que je t'ai enfanté dans mes
demeures pour une destinée mauvaise ! Cependant, j'irai dans l'Olympos
neigeux, et je parlerai à Zeus qui se réjouit de la foudre, et peut-être
m'écoutera-t-il. Pour toi, assis dans tes nefs rapides, reste irrité contre les
Akhaiens et abstiens-toi du combat. Zeus est allé hier du côté de l'Okéanos,
à un festin que lui ont donné les Aithiopiens irréprochables, et tous les
dieux l'ont suivi. Le douzième jour il reviendra dans l'Olympos. Alors j'irai
dans la demeure d'airain de Zeus et je presserai ses genoux, et je pense
qu'il en sera touché.
Ayant ainsi parlé, elle partit et laissa Akhilleus irrité dans son cœur au
souvenir de la jeune femme à la belle ceinture qu'on lui avait enlevée par
violence.
Et Odysseus, conduisant l'hécatombe sacrée, parvint à Krysè. Et les
Akhaiens, étant entrés dans le port profond, plièrent les voiles qui furent
déposées dans la nef noire. Ils abattirent joyeusement sur l'avant le mât
dégagé de ses manœuvres ; et, menant la nef à force d'avirons, après avoir
amarré les câbles et mouillé les roches, ils descendirent sur le rivage de la
mer, avec l'hécatombe promise à l'archer Apollôn. Khrysèis sortit aussitôt
de la nef, et le subtil Odysseus, la conduisant vers l'autel, la remit aux
mains de son père bien-aimé, et dit :
: Ô Khrysès ! le roi des hommes, Agamemnôn, m'a envoyé pour te rendre
ta fille et pour sacrifier une hécatombe sacrée à Phoibos en faveur des
Danaens, afin que nous apaisions le dieu qui accable les Argiens de
calamités déplorables.
Ayant ainsi parlé, il lui remit aux mains sa fille bien-aimée, et le vieillard
la reçut plein de joie. Aussitôt les Akhaiens rangèrent la riche hécatombe
dans l'ordre consacré, autour de l'autel bâti selon le rite. Et ils se lavèrent
les mains, et ils préparèrent les orges salées ; et Khrysès, à haute voix, les
bras levés, priait pour eux :
: Entends-moi, porteur de l'arc d'argent, qui protèges Khrysè et la divine
Killa, et commandes fortement sur Ténédos. Déjà tu as exaucé ma prière; tu m'as honoré et tu as couvert d'affliction les peuples des Akhaiens.
Maintenant écoute mon vœu, et détourne loin d'eux la contagion.
Il parla ainsi en priant, et Phoibos Apollôn l'exauça. Et, après avoir prié et
répandu les orges salées, renversant en arrière le cou des victimes, ils les
égorgèrent et les écorchèrent. On coupa les cuisses, on les couvrit de
graisse des deux côtés, et on posa sur elles les entrailles crues.
Et le vieillard les brûlait sur du bois sec et les arrosait d'une libation de vin
rouge. Les jeunes hommes, auprès de lui, tenaient en mains des broches à
cinq pointes. Et, les cuisses étant consumées, ils goûtèrent les entrailles ;
et, séparant le reste en plusieurs morceaux, ils les trans-fixèrent de leurs
broches et les tirent cuire avec soin, et le tout fut retiré du feu. Après avoir
achevé ce travail, ils préparèrent le repas ; et tous furent conviés, et nul ne
se plaignit, dans son âme, de l'inégalité des parts.
Ayant assouvi la faim et la soif, les jeunes hommes couronnèrent de vin les
patères et les répartirent entre tous à pleines coupes. Et, durant tout le jour,
les jeunes Akhaiens apaisèrent le dieu par leurs hymnes, chantant le joyeux
paian et célébrant l'archer Apollôn qui se réjouissait dans son cœur de les
entendre.
Quand Hélios tomba et que les ombres furent venues, ils se couchèrent
auprès des câbles, à la proue de leur nef ; et quand Éôs, aux doigts rosés,
née au matin, apparut, ils s'en retournèrent vers la vaste armée des
Akhaiens, et l'archer Apollôn leur envoya un vent propice. Et ils dressèrent
le mât, et ils déployèrent les voiles blanches ; et le vent les gonfla par le
milieu ; et l'onde pourprée sonnait avec bruit autour de la carène de la nef
qui courait sur l'eau en faisant sa route.
Puis, étant parvenus à la vaste armée des Akhaiens, ils tirèrent la nef noire
au plus haut des sables de la plage ; et, l'ayant assujettie sur de longs
rouleaux, ils se dispersèrent parmi les tentes et les nefs.
Mais le divin fils de Pèleus, Akhilleus aux pieds rapides, assis auprès de
ses nefs légères, couvait son ressentiment ; et il ne se montrait plus ni dans l'agora qui illustre les hommes, ni dans le combat. Et il restait là, se
dévorant le cœur et regrettant le cri de guerre et la mêlée.
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