"Le retour à la maison est quelque peu mouvementé."

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Assis sur ce pans de terre surplombant la plaine, Taehyung, Jeongguk et Yeontan regardaient calmement le ciel s'assombrir. Enfin, calmement, c'était vite dit.

« Tu es sûr d'avoir vraiment la permission de l'armée pour accompagner un gentleman que tu as accueilli chez toi au lieu de travailler ? » taquina le châtain, ses jambes croisées alors qu'il se balançait de gauche à droite.

« Je suis capitaine, il faut bien que j'ai des avantages. Maintenant, chut. »

Le soldat était actuellement en train de tester son agilité à tirer sur une branche d'arbre avec une pierre. Apparemment, le capitaine avait pris la capacité de Taehyung à bien viser comme un défi à relever.

Mauvais perdant.

« Je vois que ça carbure à fond, là dedans ! » commenta Jeon en voyant son compagnon froncer les sourcils à ses côtés, les yeux perdus dans le vide. « Tu as des questions à me poser ? »

Le valet hésita un instant, pesant le pour et le contre de lui demander avant de finalement se laisser tenter.

« Tu agis comme un gamin  par moment, » commença Taehyung avant de rajouter d'un ton plus taquin : « On se demande quel âge tu peux avoir »

Jeongguk roula des yeux avant de répliquer :

« Il suffisait de demander, tu sais. »

Le soldat tendit sa main, la paume tournée vers le haut. Taehyung posa instinctivement la sienne dessus. Des picotements nerveux enflammaient sa main alors que leurs peaux se touchaient. Bien qu'impulsif, apparemment, son geste était justement ce que Jeongguk voulait qu'il fasse.

Ce dernier resserra légèrement sa prise sur la main de Taehyung puis de son autre main, il fit glisser son index sur la surface de sa paume. Les chatouilles que le châtain sentait étaient suffisantes pour imprimer ce que le soldat écrivait à cet endroit. 

Jeongguk aimait un peu trop le taquiner, c'était sûr et certain. Était-il au moins conscient de ce qu'il faisait vivre au pauvre valet ? 

Le grand sourire que le soldat semblait vouloir réprimer agitait ses lèvres, le rendant encore plus adorable. Il semblait satisfait après avoir écrire ces fameuses nombres sur la paume de la main de Taehyung et il releva la tête vers lui.

« Alors ? Combien ? »

-Vingt-et-un ans. »

Écrit en chiffre.

La seule écriture que Taehyung savait parfaitement lire.

Ignorant tant bien que mal ses hormones en ébullition, Taehyung lâcha sans ménagement :

« Tu es plus jeune que moi. »

Jeongguk acquiesça vivement avant de répliquer d'une voix comiquement neutre :

« Ça, je savais déjà, papi. »

Taehyung fit mine de gonfler ses joues d'un air faussement vexé mais le sourire satisfait du soldat après une première tentative de tir réussie suffit à le faire fondre.

« Tu auras beau être mignon, c'est ton tour de couper du bois à la maison. » lâcha le châtain en se levant avant de s'immobiliser.

Est-ce qu'il venait vraiment de dire ce qu'il pensait qu'il avait dit ?

Jeongguk se contenta de rouler des yeux avant de répliquer :

« Marché conclu. »

Avec un clin d'œil qui n'avait pas été sollicité. Pas du tout.

♘

Les bruits de pas de Yeontan se mélangeaient aux bruits caractéristiques de la forêt la nuit. Le souffle léger du vent caressait les feuilles des arbres. Les grillons entamaient leur chant rythmé, accompagnés de temps à autres par les hululements des chouettes. Malheureusement, ils n'avaient pas pu laisser le fidèle destrier du domestique profiter de la vaste étendue plane.

Le trajet du retour était beaucoup moins joyeux que l'aller, chacun étant aux aguets. 

Ils auraient dû rentrer plus tôt mais le spectacle de la nature était si intéressant qu'ils avaient décidé de prendre le risque. Le capitaine était sûr de pouvoir se défendre en cas d'attaque.

Taehyung était beaucoup plus serein même s'il serrait nerveusement les sangles de son cheval, préférant marcher plutôt que chevaucher. Jeongguk marchait de l'autre côté, clairement méfiant de tout bruit suspect les entourant.

Tout se passait à merveille quand tout à coup, un craquement de branche se fit entendre non loin de là où ils se trouvaient.

Le soldat fit signe à son ami de s'arrêter avant de se rendre compte qu'il s'agissait d'un simple écureuil.

« Rentrons vite. »

♘

À peine rentré, Taehyung se précipita sur le lit pliable et d'un geste peu cérémonieux, le déplia pour s'y installer en catastrophe.

Jeongguk se contenta de fermer soigneusement la porte d'entrée.

« Donc... » commença le châtain, toujours allongé sur le lit.

« Oui ?

-Tu peux soulever un être humain aussi facilement. »

Le brun s'étira les épaules, non sans mal.

« Apparemment, oui. »

À peine avait-il répondu que Taehyung s'était rassis, la mine incrédule et totalement dépassée.

« Je suis... Outré ? »

Jeongguk lâcha un léger rire.

« Ce n'est pas la première fois, tu sais ?

- Parce que tu soulèves régulièrement des gens ? »

Le soldat se contenta de hausser les épaules avant de grimacer. Encore heureux que son poids ait au moins l'air d'affecter le capitaine ! Il l'avait porté comme s'il était aussi léger qu'une plume ! C'en était presque vexant.

Vexant et...

« Tu es sûr que mon cheval va bien ? » grogna Taehyung, les joues encore en feu.

« Promis, il n'a pas souffert de la course ! »

Parce que, oui, ils avaient couru plusieurs mètres pour arriver à la porte du village, pris de panique. Quand leurs assaillants se révèlèrent être un troupeau de cerfs qui chassaient tout sauf deux humains, ils s'étaient tous les deux senti stupides.

Surtout Taehyung qui s'était vu porter par un Jeongguk en panique alors qu'un cheval se trouvait à portée de main.

« Humiliant. » murmura le valet, suffisamment fort pour que son vis-à-vis entende ses bougonnements.

Jeongguk se contenta d'en rire tout en ramenant du bois au cheminée. Il ne faisait pas particulièrement froid mais un feu n'était pas de refus.

« N'es-tu pas content d'être rentré ? » reprit-il, sentant le châtain se rapprocher derrière lui.

« Pourquoi ne pas m'avoir laissé monter Yeontan ? » Taehyung entendit le garde soupirer lourdement. « A quoi sert un cheval si ce n'est pas pour le monter, dis-moi ? »

La scène qui suivit se passa si rapidement que le domestique ne se rendit compte de sa situation que quand son dos entra en contact avec le moelleux du fauteuil pliable. Il sentait le poids de Jeongguk sur son corps,  la tête de celui-ci sur son torse et son souffle chaud dans son cou.

« Est-ce qu'il faut vraiment que tu poses cette question ? » marmonna-t-il. Il glissa ses mains des côtes de Taehyung vers sa taille avant de le serrer avec une tendresse qui coupa momentanément la respiration du plus vieux.

« C'est... C'est mal ? »

La voix rauque du domestique se fit faible mais Jeongguk l'entendit malgré tout. Ce dernier tourna sa tête pour ancrer ses yeux anthracites dans ceux plus clairs du châtain. Le crépitement du feu derrière eux resta le seul son les entourant, si on omettait leurs respirations qui s'emballaient progressivement.

Un autre soupir du capitaine suivit avant qu'il ne se relève sur ses deux mains, quittant la douce chaleur corporel de son interlocuteur.

« Je ne peux pas confier ta sécurité à n'importe qui. »

En temps normal, Taehyung se serait plaint que Yeontan était une monture de confiance. Il aurait répliqué qu'il n'était pas une faible créature sans défense. Il se serait défendu corps et âme, vexé qu'il était de toujours être traîté d'incapable.

Mais ça, c'était avant de voir l'expression du visage de Jeongguk.

Le froncement de ses sourcils, la panique de ses yeux, le tremblement de ses lèvres, sa mâchoire crispée, ses poings serrés. Tous ces détails se rassemblaient en un tableau qui reflétait un sentiment particulier : l'inquiétude.

Jeongguk s'inquiétait pour lui.

Taehyung retint une de ses mains, ses yeux reflétant cette même inquiétude alors qu'il tendait son autre main vers le front de Jeongguk. Il appuya fermement contre la peau plissée, tentant de la  détendre d'un geste répétitif. 

Sa tentative se révéla inefficace aussi, impulsif qu'il était, la main du châtain glissa vers la joue du soldat et d'un geste vif, il le tira vers lui. Le contact de leurs lèvres était doux. Si doux que le brun lâcha un souffle qui caressa le visage de Taehyung, le faisant  légèrement glousser. 

Jeongguk glissa son nez contre la joue du châtain avant de reprendre une timide rencontre avec ses lèvres. Cette fois, le baiser se fit plus sûr, plus imposant... Et beaucoup plus sensuel.

Chacun d'eux prenait progressivement ses marques. Taehyung découvrait au toucher le visage de Jeongguk ; Jeongguk agrippait plus fermement la taille de Taehyung. 

C'était maladroit par moment, suave à d'autres. Surtout quand leurs peaux se révélèrent petit à petit aux yeux de l'autre.

Ce n'était pas la première fois qu'ils se dévoilaient devant l'autre et pourtant, cette fois, l'anticipation était largement différente. 

Quand le châtain ouvrit le haut de son hanbok et que les épaules du vêtement laissèrent place à la peau pâle du jeune homme, Jeongguk laissa échapper un juron qui le fit rougir.

«Putain de merde. »

Se rendant vite compte de sa maladresse, le soldat embrassa longuement son compagnon et lui murmura à l'oreille mille et un compliment, le serrant toujours plus près de lui :

« C'est un honneur de toucher ainsi une personne aussi délicate et si forte. »

Cette dernière éloge fit rire Taehyung, un rire qui ne fit que charmer encore plus le soldat.

« Je pourrai en dire autant pour toi, » répliqua-t-il.

Jeongguk fronça les sourcils. « Je suis un militaire. Mes mains sont sales, mon corps... »

« Ce sont les preuves de ton courage et de ta loyauté, des qualités qui sont plus qu'idéales chez un partenaire.

-Tu sais que tu n'as pas à en faire autant pour-

-Je me battrais contre vents et marées si c'est pour que tu gardes les pieds sur terre. »

Cette dernière phrase prit de court Jeongguk. Et sans hésiter, il l'embrassa sur la joue, glissant ses baisers jusqu'au cou de son compagnon, goûtant frénétiquement sa peau, comme s'il n'en aurait jamais assez.

Taehyung n'était pas mieux, avide du toucher du capitaine et de la vision que celui-ci représentait sous ses yeux.

Leurs regards se croisaient enfin pour refléter la même chose : celui de vouloir l'autre.

Même si ce soir, ils se contentaient de partager mille et un baisers entre deux regards intenses échangés.