Même les morts peuvent claquer des dents

Lorsque je m'éveille ma chambre baigne dans une lumière étrange. Je me dresse sur mon lit d'un coup. Je manque d'avoir une crise cardiaque. Bordel de Dieu ! Je suis un vampire qui vient de cramé ! Mais non. Je n'ai pas brûlé. La lumière provient du feu dans la cheminée. Un peu risquer étant donné que l'hôtel est constitué de bois en bonne partie. Mais je n'ai pas le temps de m'inquiété pour un éventuel incendie. Il faut que je sache qui est venu là et a allumé le feu.

Je balaye la pièce du regard mais il n'y a personne. Un peu embarrassant. Je suis un peu énervé à l'idée qu'un mortel m'a vu dormir. Je ne sais pas vraiment pourquoi ça me rend furieux mais le résultat est là. Je m'habille d'un tee-shirt noir basique et d'un jeans. Pas très chic tout ça mais je ne suis pas d'humeur à m'habiller chic. Je claque la porte derrière moi. Ma colère ne disparaît pas. Ca m'inquiète un peu mais pas outre mesure. Lorsque j'arrive devant le comptoir de la réception je découvre que ma jolie réceptionniste a disparue, remplacé par un jeune homme assez mignon. Mais ça ne calme pas ma colère.

« On a pénétré ma chambre alors que j'avais précisé qu'on ne devait me déranger sous aucun prétexte ! Fis-je en élevant la voix.

Le jeune homme sourit. Incroyable. Je me retiens de lui mettre ma main sur sa jolie gueule. Il a l'air tout à fait du genre de type de s'en foutre de tout. Je connais parfaitement ce genre de jeune homme pour l'avoir été avant que ne se déclare cette fichue maladie. Il n'a pas du tout sa place dans mon hôtel. Pourquoi ais-je utilisé le possessif ? Parce que je suis furieux contre son attitude, furieux qu'on a pu me voir dormir et faire je ne sais quoi alors que j'étais incapable de m'éveiller ! Je serre le poing pour éviter de le balancer dans cette jolie frimousse. Je me rends compte que je le trouve beau, plutôt séduisant et attirant. J'ai la pensée idiote que je suis attiré par lui. C'est totalement ridicule que j'oublis ça aussitôt.

– Que voulez-vous monsieur, il faut bien qu'on fasse le ménage dans les chambres, qu'on allume le feu avant que le soleil ne se couche ! Ce n'est pas de notre faute si vous avez pris la mauvaise habitude de dormir le jour.

Je rêve ! Là je ne me retiens plus et lui saisis la main. Si je serre la mienne je lui brise la main et le poignet. J'ai lu quelque part que lorsque ce genre de chose arrive, on ne peut rien faire sinon amputé. Alors je me retiens. Je le foudroie de mon regard de mort vivant. Je n'ai pas le temps de réfléchir, de penser au fait que ma peau est glacée, qu'il est un mortel et qu'il peut voir mes canines lorsque j'ouvre la bouche pour le réprimander.

– Quel insolent faites-vous mon jeune ami !

Je réalise à peine que ce vocabulaire est déplacé dans ma bouche, car tout vampire que je suis, d'apparence je suis égal à lui. Mais il m'a traité comme un vieil homme ! Est-ce la raison de ma colère ?

– Je vous ai payé largement pour que vous respectiez mon intimité !

Il recule un peu effrayé. Son sourire a disparu mais il ne tremble pas. Soit il maîtrise parfaitement sa peur, soit il n'a pas peur, il est juste surpris. Mais je sais qu'il a vu mes canines, j'ai compris qu'il fixait mes lèvres depuis le début. Soudain tout s'éclaire, je lis dans son esprit et ce que j'y lis m'effraie littéralement. Il sait ce que je suis et il est curieux comme un nouveau-né. Et merde ! Je recule.

Incroyable mais son sourire s'élargi, il me fixe avec cet air moqueur et résolu. J'ai envie de m'enfuir loin de ce regard volontaire. Il a compris qui j'étais et j'ignore comment. Je suis tout simplement trop surpris pour réfléchir mais ça viendra. Je vais me remettre du choc et réfléchir, c'est pas si compliqué après tout de mettre mon cerveau en marche. Je tente d'éviter son regard mais je ne peux y échapper, je me sens comme une sourie prise au piège. Et merde ! Cerveau mets-toi en route ! Mince.

– Ne voulez-vous pas que je vous offre un verre, demande le mortel arrogant, pour me faire pardonner mon insolence ?

J'ai peur de lui. C'est ridicule mais j'en ai peur. Va-t-il falloir que je tue parce qu'il sait ? Ce serait terrible. Voir ses yeux insolents se remplir d'une terreur absolue et justifiée alors que je lui briserais la nuque de mes doigts long et fin. J'ai tellement peur que je dois en laisser sentir à ce mortel. Mais ça m'importe peu. J'ai aucune envie de le tuer, pourtant il va falloir que je me nourrisse. Quelle pensée horrible ! Je ne sais pourquoi j'accepte ce verre. Ma colère est retombée comme un soufflé. Je le suis d'un pas calme et déterminé comme si ma décision était prise.

Le bar de l'hôtel est très sympa. Décor moyenâgeux avec des tentures rouges où est clouté en haut et en bas des morceaux de tapisseries. Le parquet craque sous mes pas. Il y a des chaises magnifiques qui irait parfaitement dans une salle d'un château fort. Je m'assis au bar qui par sa forme détonne un peu. Une musique douce, anglaise passe. Les tentures absorbent la musique et la lumière. J'aime beaucoup cet endroit. Je me sens encore plus dans le passé que dans le reste de l'hôtel. Je comprends ce qui m'a plu ici. L'hôtel ressemble à ces hôtels anglais au bord de la manche construit à la fin du XIXe. J'ai terriblement envie de rester ici. Je me sens plus chez moi que n'importe où. Si j'avais su que mon dernier voyage de condamnés me rendrait amoureux d'un hôtel...

Mon petit insolent me fixe en tenant sa bière. Une habitude anglaise qui colle parfaitement avec le décor. Il a gardé son uniforme. Je le déshabille du regard durant un cours instant. Je n'ai pas pu m'en empêcher. Je sais que c'est mal. Je suis un mort et je suis en train d'être attiré par un vivant, qui plus est un homme. Je ne me sens pas gêné pour autant. Le sentiment d'intrusion n'est pas aussi fort avec lui. Il faut dire qu'il n'est pas vraiment une jeune fille prude. Il sait ce que je suis et il est totalement inconscient du danger qui le guète. J'aime aussi en lui sa proximité avec la mort, en fait moi. Je ne lui en tiens pas rigueur.

Je réalise alors que je suis en train de disserté sur la mort prochaine du jeune homme. Curieusement ça ne me dérange pas plus que ça. Je suppose qu'au fur et à mesure je serais plein de cynisme. Peut-on s'habituer à la mort. J'ai peur que la réponse soit oui pour moi. Il est vrai que je suis son ange, je délivre la mort à qui je le désire pour me sustenter. Quelle ironie ! C'est le jeune homme qui en avait peur parce qu'il était persuadé de ne pouvoir y échapper qui à présent s'élève tel un dieu pour la donner. Je ressens le besoin de préciser que je n'ai jamais accepté ma nature, mon créateur ne m'en a guère laissé le choix. Il est tout à fait du genre à croire qu'on ne peut rien lui refuser. Hélas ! Il m'a délivré du fardeau de la mort définitive pour m'offrir la damnation éternelle. Si je lui en veux ? Pas plus que ça. La mort reste pour moi un mystère tout entier même après l'avoir traversée. En est-il de même pour les personnes qui reviennent à la vie après un court arrêt cardiaque ? J'aimerais le savoir.

Durant que je réfléchissais à la mort comme le seul mystère de la vie –un vrai euphémisme– le jeune mortel me fixait avec cet air admiratif. Je ne pouvais m'empêcher de me demander ce qu'il pouvait bien me trouver. J'ais beau savoir que les vampires même sans avoir à recourir à leur charme surnaturel plaisaient aux humains, j'ais du mal à concevoir qu'il puisse me trouver beau ou admirable. Il y a décidément quelque chose qui cloche chez ce jeune homme. Néanmoins je lui trouvais des excuses. J'aurais parié qu'il influençait mon esprit, dieu sait comment !

– Très bien, vous m'avez invité à boire un verre en votre compagnie, j'avoue que cette bière est alléchante mais je doute que vous m'offriez un verre pour mes beaux yeux.

Je ne peux m'empêcher de regretter mes paroles. Mes yeux n'ont rien de beau. Du moins je ne leur trouve rien de beau ou d'attrayant. Et je n'ais aucun désir de savoir ce qu'il leur trouvait. Il recommence à sourire avec cet air amusé comme s'il connaissait les mystères les plus profonds. Je n'arrête pas de le trouver énervant avec son sourire. Je me calme en pensant à son sang succulent glissant entre mes lèvres. Ca peut paraître horrible mais pour un vampire il n'est rien de plus délicieux. Nous sommes des montres dans de la soie.

– Ecoutez, je vous ai suivit depuis deux nuits. Vous êtes le premier vampire que je parviens à approcher, c'est si excitant !

– Ah ! Parce que je ne suis pas votre premier vampire ? Comment se fait-il que vous soyez encore en vie ?

– Non, fit-il avec un sourire qui paraissait montrer que c'était l'évidence même. Je dois vous avouer quelque chose sinon vous risquez de me prendre pour votre dîner, ce qui entre-nous, serait fâcheux.

– Surtout pour vous, mon petit.

– Ne m'appelez pas ainsi. J'ai le même âge que vous.

– Seulement en apparence. Vous ne savez rien de moi et de ce que j'ai traversé. Si vous avez quelque chose à dire pour éviter de finir en casse croûte pour un vampire lassé, dites-le très vite !

– D'accord. Je comprends que vous soyez furieux. Je suis entrer dans votre chambre alors que vous étiez à la merci du premier imbécile venu, très imprudent d'ailleurs, et je me montre trivial avec vous alors que vous croyez être dieu le père à présent avec tous ces pouvoirs.

Je lève les yeux au ciel. La question de savoir ce qui me retient de me nourrir de son sang me harcèle comme si elle voulait me pousser à l'acte. Certes son sang semble capiteux et succulent, un vrai repas de fête ! mais je ne vais pas le croquer aussi sauvagement sans autre raison que son insolence ! Je suis peut-être un vampire mais rien ne m'empêche de rester gentleman.

– Je ne suis pas un dieu, je suis un damné, s'il existe un enfer il me suit partout où je vais. Vous voulez quoi exactement en dehors d'énerver un immortel ?

– Je ne suis pas un adolescent boutonneux à la recherche de sensation forte !

– Ah oui ? Prouvez-le.

Mon ton était cassant presque sec comme un pruneau. J'étais furieux, oui, furieux qu'il ait osé s'approché de moi comme s'il pouvait échapper aux ténèbres. Aussi furieux que pourrait l'être un démon si un ange s'aventurait auprès de lui, étalant sa lumière. Je me force à ne pas répondre, ne pas réagir. Toute violence est inutile et créerait des gros problèmes. Je le sais bien. Pourtant je rêve de lui briser la nuque. C'est idiot, non ?

– Tenez, fit-il

Il me glissa dans ma main droite froide comme la glace et dure comme la pierre, une enveloppe marron. Je l'ouvre rapidement, avec des gestes maladroits pour un vampire. Je découvre des photos de cadavres. Mes yeux se révulsent. Mon estomac bouge en vain, il n'a strictement rien à cracher hors de mon corps. Je m'éloigne de la table faisant tomber la chaise où j'étais assis. Une réaction tout humaine. Trop ridicule pour un vampire. Ce n'est pas exactement la relation qu'il devait attendre de moi. Mais je ne le regarde pas. Mon regard reste bloqué sur les photos. Les victimes, une jeune femme et un bébé ont été torturées avant d'être tué. C'est la seule chose que je peux dire. Je saisis la bière prêt à l'engloutir lorsque je réalise que je suis un vampire. Je jette la pinte contre le mur un peu trop violemment. Le liquide se répand sur le sol.

– Réaction un peu dramatique, vous ne trouvez pas ? Demanda le jeune homme me dévisageant.

-Quoi ? C'est quoi cette mascarade ?

-Une mascarade ? J'aimerais bien. Il s'agit de ma sœur et de son enfant. Torturés et tué par un vampire. Je poursuis dès lors tous ceux qui pourrait en être l'auteur. En fait j'appellerais plutôt ça la justice.

Je réalisais mon erreur. Ce petit sourire n'était qu'une affiche, un acteur assez mauvais aurait su me berner. Il savait masquer ses pensées, comment aurais-je pu deviner qu'il n'était pas un fan de vampire mais un tueur ? J'ai la bouche pâteuse. J'ais pas vraiment faim. Rectification je n'ais plus faim. Il me fixe avec ses yeux pleins de haine. C'est sûrement elle qui a réussit à le maintenir en vie devant un vampire.

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