Chapitre 4
Le trajet avait été relativement calme, une fois Erden rétabli. Ils avaient passé la journée à avancer tranquillement. Ils marchaient au bord de la route poussiéreuse, au couvert des arbres dans les heures les plus chaudes de l'après-midi. Le petit dragon avait retrouvé sa place sur les épaules de son maître.
« Je ne suis pas mécontent que tu aies fini de bouder, Vysserön, dit Aedan en constatant les traces de griffe sur sa cape. Un peu plus longtemps et je pouvais jeter ce vêtement.
- Bah ! Ça n'aurait été que la cinquième. »
plaisanta Erden en gratifiant son familier d'une gratouille sur le museau, provoquant un ronronnement affectueux.
Il était parvenu à se faire pleinement pardonner en lui offrant un de ses biscuits préférés, qu'il gardait d'ordinaire pour les occasions exceptionnelles, ainsi que de sincères excuses. Aedan leur adressa un regard en biais et soupira.
En fin l'après-midi, alors que le soleil commençait à peine à descendre et que leurs ombres s'étalaient paresseusement sur le sol, ils firent une pause sur le sentier. Aedan offrit sa gourde à son frère qui en bus une longue gorgée rafraîchissante avant de demander.
« Tu crois qu'on trouvera un endroit pour dormir ou bien on devra encore se contenter d'une racine comme oreiller ?
- Ils n'ont pas parlé d'un autre village plus près de la forêt, mais peut être qu'on trouvera une maison pour nous accueillir répondit son cadet.
- On va voir ça ! fit Erden en s'étirant, les membres engourdis par la marche. Vysserön, si tu veux bien te donner la peine ... »
Le dragon gronda joyeusement et s'envola rapidement dans les airs. Aedan observa le saurien évoluer gracieusement dans le ciel alors que Erden fermait les yeux pour mieux se concentrer. Le dragon survola le chemin, envoyant ce qu'il voyait dans l'esprit d'Erden. Aedan le vit froncer les sourcils un instant, puis hocher brièvement la tête. Vysserön revint bientôt et Erden rouvrit les yeux alors qu'il se posait sur son épaule.
« La chance nous sourit ! Il y a une ferme juste avant la grande forêt, rapporta Erden.
- Tu crois qu'il acceptera de nous héberger cette nuit ?
- Il n'y a qu'une façon de le savoir ! Dépêche-toi, il nous reste encore de la route »
Après s'être assuré que Vyserron ne représentait aucun risque pour l'édifice en bois, Le fermier autorisa les deux voyageurs à s'installer dans l'étable pour la nuit. Ce n'était pas la première fois qu'ils dormaient avec les animaux et dormir sur un moelleux tapis de paille n'était pas désagréable.
Les deux frères montèrent l'échelle qui menait en haut de l'étable, où étaient stockés les ballots de foin et de paille. Aedan lança son sac sur une pile de foin sans grande considération et le rejoignit avec un soupir de soulagement, tandis qu'Erden posait prudemment le sien contre un mur et se laissait tomber à ses côtés encore plus lourdement, Vysserön dans les bras. Avant de se relever vivement une seconde plus tard.
« Il faut que je me dépêche. » marmonna-t-il.
Très vite, il s'occupa à déblayer de toute trace de paille un large carré du sol avec énergie. Aedan se redressa pour lui jeter un regard prudent, en profitant pour observer les dégâts causés par le petit dragon sur son vêtement.
« J'ai une question : pourquoi est-ce que tu dois faire ton sortilège au crépuscule ? »
Aedan mentionnait leur rituel habituel. Chaque fois qu'ils étaient prêts d'une éventuelle piste, ils s'arrêtaient plus tôt pour qu'Erden prépare un sort qui lui permettaient de détecter les sources de magie alentour. Le plus grand des frères était fier d'avoir enfin intéressé son cadet à sa spécialité. Il n'avait jamais été vraiment curieux sur le sujet, jusqu'à ces derniers temps.
« Je ne suis pas obligé de le faire au crépuscule, expliqua Erden en caressant les côtes du dragon qui était venu se fourrer dans ses pattes. C'est juste un moment propice si tu veux des sorts puissants, comme l'aube.
- Et pourquoi c'est un moment propice ?
- Parce que la lumière a une influence sur la magie. Au crépuscule et à l'aube, elle change très vite, la luminosité est variable. La magie est également une énergie changeante, très malléable. La luminosité et la magie vont en quelque sorte raisonner, et se nourrir l'une de l'autre.
- C'est pour ça qu'il y a beaucoup de lumière quand tu fais ce sort ? L'interrompit Aedan.
- Exactement. La magie sera plus puissante et son rayon agira plus loin. C'est surtout ça qui m'intéresse.
- Je vois. »
Aedan resta pensif un instant avant de se tourner vers Erden, un léger sourire aux lèvres.
« Je me disais, tu réponds drôlement facilement à mes questions.
- Qu'est ce que tu veux dire ? Demanda Erden.
- Tu te souviens de ce magicien qui avait voyagé avec nous une ou deux semaines ?
- Avant que je t'autorise à me poser des questions et donc à devenir une vraie pipelette ? »
Aedan grimaça, vexé de la façon de présenter les choses de son frère, mais hocha la tête.
« Quand je te voyais faire des sorts, je ne savais pas vraiment ce que tu faisais, et je ne voulais pas te déranger, alors je profitais de sa présence pour lui demander des explications. Il me regardait toujours comme le dernier des demeurés. Soit il m'ignorait, soit il me disait que je ne comprendrais pas. C'était frustrant...
- Oui, je me rappelle. Tu boudais les trois quarts du trajet, et cette pauvre andouille se confortait dans l'idée qu'il savait tout mieux que tout le monde. Il a même voulu m'apprendre à faire apparaître du feu, c'est dire. » grimaça Erden au souvenir.
Aedan ricana à l'idée. Même en restant un apprenti, Erden restait un magicien plus talentueux que la moyenne. Aedan n'avait pas besoin de pratiquer la magie pour le savoir : il avait toujours vu son aîné briller auprès des autres magiciens. Même Corentin, le maître d'Erden, avait plus d'une fois été stupéfait par les capacités de son apprenti. Corentin... Un voile de mélancolie drapa l'esprit d'Aedan. Il reprit son sérieux en voyant Erden s'approcher pour fouiller dans son sac.
« Je suis content que tu me poses des questions, avoua Erden en tournant le dos à son frère pour qu'il ne voit pas son sourire. Bien ! Il est temps de trouver cette piste. »
Il sortit un couteau à la lame fine et couverte de gravures. Le magicien avait à peine approcher le couteau du plancher qu' Aedan réagit.
« Qu'est ce que tu fais ? »
Erden s'arrêta net, comme un enfant prit sur le fait après une bêtise.
« Ne me dis pas que tu comptes tracer un pentacle sur le bois ?
- Si, pourquoi ? Tu sais bien que graver est cent fois plus efficace que tracer à la craie, au sel, ou à quoi que ce soit d'autre, se braqua Erden.
- Sur le bois, rappela Aedan en haussant un sourcil désapprobateur. Du plancher. De l'étable. Qui n'est pas à nous. Dois-je te rappeler ce qui s'est passé la dernière fois que tu as gravé un sort sur le sol d'un bâtiment ?
- Oh, c'est bon, j'ai compris ! » s'écria Erden, vexé.
Il rangea son couteau de magie rageusement, avant de fouiller à nouveau dans son sac. D'une autre poche, il sortit une fiole qui contenait une espèce de poudre rouge. Elle était faite d'écailles pilées de dragon que Vysserön perdait en grandissant. Erden déboucha le tube et s'accroupit au sol. Il commença par tracer un cercle avec la poudre et dessina une étoile à l'intérieur avec méticulosité. Une fois ce travail terminé, il se plaça au centre de son pentacle.
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