Lettre de vacances

"Ma petite maman,

Comment vas-tu depuis que nous sommes partis ? De notre côté, tout va bien. Les vacances avec papa s'avèrent surprenantes, mais c'est une bonne chose. Nous sommes arrivés il y a maintenant quatre jours, et j'aurais voulu que tu voies à quel point nous sommes dans un environnement magnifique.

Nous sommes, tout d'abord, perdus dans les hauteurs. Je n'ai aucune idée de notre position géographique exacte ; j'ai presque l'impression d'avoir quitté le monde réel et d'avoir plongé dans un univers féérique, avec des lutins et des elfes. On voit les falaises vers le Sud-Est et la forêt au Nord. Il y a même une sorte de grand bassin de rétention, quelque part après les bois, avec des nénuphars et des fleurs d'eau. Papa a proposé qu'on s'y baigne, mais en toute honnêteté, je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée.

Nous ne sommes pas que tous les trois ; papa vit dans un hameau composé de quatre autres adultes : ils sont gentils, mais un peu spéciaux. Il y a une femme très bienveillante aux cheveux qui tirent entre le gris et le mauve, avec un air toujours très détendu. Avec elle, ça va toujours, tout le temps. Elle sourit pour tout et rien. J'ai juste un peu de mal parfois, car elle sent la fumée, mais tu vois, ce genre de fumée... Un peu piquant sous le nez, et je n'aime pas ça. 

Puis, avec elle, il y a un homme. Un grand fin avec une barbichette qui rigole tout le temps. Lui aussi, souvent pour rien. Mais il a un rire communicatif, donc ça va, ce n'est pas dérangeant. Sa coupe est un peu improbable, tu verrais ça ! Ils s'entendent tous très bien avec « le cuistot », enfin c'est comme ça que je l'ai appelé car il ne quitte jamais la cuisine. On ne le voit pas souvent, mais je sais que c'est le propriétaire du chien énorme qui joue avec Sam et moi.

Le dernier copain de papa est un monsieur beaucoup plus rustre et mystérieux que les autres, même si je pense qu'il est gentil. Il m'intimide un peu, car il passe ses journées à faire du yoga dans un coin du plateau, entre les douches et leurs chambres. Il a une voix très grave et il s'habille avec des tenues bizarres, amples, au tissu épais et artisanal. Personnellement je trouve qu'il sent la chèvre, et puis comme il ne parle presque jamais je ne vais pas le voir souvent. En fait, je ne sais même pas quel âge il a. Il pourrait tout aussi bien avoir trente ans que deux siècles !

C'est un peu étrange, c'est vrai, mais ces gens-là ne nous embêtent pas. Je pense qu'ils sont juste bien, sur leur montagne. Et dans un sens, ce sont des personnes simples. Nous, avec Sam, on s'amuse beaucoup car il y a malgré tout beaucoup de choses à faire. J'espère juste que toi aussi, tu ne t'ennuies pas. On rentre bientôt.

Je t'aime fort, et tu me manques.

Ta fille chérie."

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