Chapitre 9

On sonna à la porte. Une femme s'épongea les mains, laissa tomber son tablier sur une des chaises et fila ouvrir. Deux soldats en uniforme attendaient, solennels. Le sourire hésitant de Lucile s'évanouit instantanément. Cela faisait des jours qu'elle recevait les lettres de son mari, Charles Menier. Son inquiétude grandissait à chaque lecture, pressentant la toute dernière, celle qui réduirait à néant tout espoir. Fallait-il que ce soit aujourd'hui ? Le jour de son anniversaire ?

On était le 17 janvier. Un vent frais venait frapper les fenêtres et faire vibrer le faible édifice de la maison. D'habitude, Lucile aurait à nouveau pesté contre les éléments mais cette fois, son attention était rivée sur la petite enveloppe posée sur la petite table basse. En face d'elle, les soldats buvaient respectueusement une boisson chaude.

- Nous pensons qu'il a succombé au froid dit le plus grand, sa moustache brune désordonnée mouvant sur ses lèvres. Son corps n'a toujours pas été retrouvé mais au vue des derniers mots qui vous sont adressés, il est possible qu'il est choisi de s'exiler pour mourir en paix. C'est très fréquent chez les soldats...

- Sortez murmura Lucile.

Les deux hommes échangèrent un regard. C'était des haut officier de l'armée, habitué à donner des ordres, non à en recevoir. Pourtant, l'expérience de la guerre leur avait donné le respect du au deuil. Alors ils s'en allèrent sans un mot, laissant la jeune femme. Seule.

Elle se leva, croisant les bras pour tenter de diminuer ses tremblements. Elle fit plusieurs fois le tour du salon, humant l'odeur encore toute fraiche du café. Puis, résolu, elle s'assit sur son fauteuil, attrapa la lettre, entreprit d'en sortir le papier plié en quatre pour amorcer la lecture. Les lignes se floutèrent à mesure que les larmes coulaient. Bientôt, le ramassis de mots ne fut plus qu'un ensemble de formes illisibles, recouverts de ses pleurs.

- Maman ? On a entendu la porte s'ouvrir on pensait que c'était papa...

Une fillette tenait son jeune frère par la main. Malgré leur jeune âge, ils comprirent aussitôt.

- Venez là.

Leur mère les enveloppa entre ses bras, les serrant contre elle de toutes ses forces. Les mots n'étaient pas nécessaires. Ils pleurèrent en silence. Dehors, la brise s'était enrichie de gouttelettes de pluie. Le monde était devenu morne et sans vie, vide de tout éclat. Remonter la pente allait être une tâche ardue. Certains n'y parvenaient jamais. D'autres préféraient emprunter des chemins détournés pour soulager leur peine. Peu pouvait se vanter de recevoir un coup de téléphone. 

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