Chapitre 7

Reims

10 janvier 1916

Six jours se sont écoulés depuis ma dernière lettre. Je m'excuse pour l'inquiétude que j'ai dû te causer. J'en suis vraiment désolé mais je pense pouvoir me justifier auprès de toi. Tant de choses peuvent se passer en si peu de temps. Et certaines parviennent à changer complètement ta façon de voir le monde. Cela a été mon cas. Laisses-moi t'expliquer.

Nous avons poursuivi notre route jusqu'à Reims. La ville dont nous voulions tous deux visité. J'aurai aimé pénétrer dans ces ruelles en ta compagnie. Mais ne vas pas croire que j'ai pu y prendre du bon temps. Les bombardements ennemis l'ont complètement transformé. Ah Lucile, je me réjouis chaque jour de te voir à la maison et non devant les horreurs de la guerre. Si tu savais toutes ces vies détruites à cause des divergences humaines. Tout n'était que chaos autour de nous. La poussière obscurcissait notre vision et les débris des bâtiments rendant presque impraticables certaine rues. Pour nous, il était évident qu'on arrivait trop tard. Nous étions des renforts mais il n'y avait plus rien à sauver. Malgré tout, il était impossible pour moi de perdre espoir.

Je pense que notre commandant partageait mon avis, ou alors, il refusait tout simplement de voir la vérité en face. Quoi qu'il en soit, il a ordonné la fouille des décombres et nous nous sommes exécutés. Nous étions par groupe et John s'est joint à moi. Il faisait tâche, avec son long trench coat beige et ses cheveux blonds. Malgré le temps passé en notre compagnie, rien chez lui ne trahissait un quelconque mal. Il ne souffrait pas du manque de nourriture, ni du sommeil. Il restait aussi frais qu'au jour de notre rencontre, aussi fringuant et autoritaire avec sa cigarette entre les dents. Je ne sais comment il a pu convaincre le commandant de rester, ni comment mes camarades ont pu l'accepter aussi rapidement. Un voile de mystère l'entourait toujours et je n'allais pas tarder à percer certaines vérités. Pour le pire comme pour le meilleur.

J'ai donc entreprit mon inspection des décombres. Il y avait tellement de gravats, tellement de corps. Un mouvement avait attiré mon attention mais ce n'était qu'un chien qui courrait. Quelque chose l'avait effrayé et pour une raison qui m'échappait alors, John a entreprit de découvrir ce que c'était. Le temps que je lui rappelle le danger, il avait filé. Celui qui pouvait le faire changer d'avis n'était pas encore né. J'ai continué seul. J'ai avisé une maison et m'y suis engouffré. Avec le recul, je prends conscience de mon imprudence. Des ennemis auraient pu s'y cacher. Heureusement, il n'en était rien ! Je n'avais aucune envie de m'y attarder alors, j'en suis sorti sitôt une rapide inspection. Si je savais ce qui m'attendait à l'extérieur, j'aurais patienté quelques minutes.

Des obus transperçaient le ciel, fonçant droit sur la ville. J'ai honte de le dire mais je suis resté pétrifié face à ce spectacle hypnotique, perdant tous mes moyens devant l'irréversibilité de la sentence. Sans John pour me secouer et me mettre à l'abri, je ne serais pas ici pour t'écrire ces mots.

J'aimerais continuer à te parler, te dire comment John m'a sauvé mais on m'annonce une nouvelle alerte au bombardement. Nous devons nous mettre à l'abri et le temps presse.

Cette lettre est certainement la dernière que tu recevras de moi. Tu sais, on me surnomme le Romantique dans le groupe. Sans doute car je suis le seul à garder l'espoir de te revoir un jour. Sans doute car t'écrire me permet de continuer à me battre. Les autres n'ont plus personne qui les attend. Moi, même si je ne peux recevoir de tes nouvelles, j'ai l'intime conviction que tu espères toujours me revoir et que notre amour survivra à ce fléau.

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