Chapitre 10

Lucile et ses deux enfants étaient assis à l'arrière d'une camionnette militaire. Deux heures auparavant, ils étaient encore dans leur salon, vide de toute émotion.

- Tu crois que c'est vrai maman ? murmura la petite fille, sa main n'ayant pas quitté celle de son frère.

- Je ne sais pas ma puce.

La voix qui leur avait répondu à l'autre bout du combiné était inconnue, avec un fort accent british. Lucile aurait raccroché si quatre mots ne l'avaient pas stoppé.

« Votre mari est vivant »

Lorsqu'il lui avait donné l'adresse de l'hôpital, elle avait sauté dans le premier véhicule. Maintenant, elle regardait avec appréhension le paysage défiler à travers la fenêtre. Ils n'étaient plus bien loin. Quelques minutes tout au plus. L'angoisse et l'espoir, aussi minime soit-il, la gardait éveillé jusqu'à destination.

L'hôpital de fortune rassemblait des blessés de guerre. A bonne distance des zones de conflits, il servait également de base des opérations. Lucile attrapa ses enfants par la main et s'engagea vers le hall d'accueil. A l'intérieur, l'atmosphère étouffante empestait le médicament. Les malades les moins graves étaient assis à même le sol, les chaises et les lits avaient désertés l'espace. Les infirmières courraient dans toutes les directions, débordées. Des hommes criaient, d'autre pleurait. La mort planait en ce lieu plus qu'elle ne le devrait.

- Bonjour, vous chercher quelqu'un ? Demanda une vieille infirmière, un stylo et des feuilles sous le bras.

- Oui mon mari. Charles Menier. On m'a dit qu'il était ici...

Elle feuilleta ses feuilles pendant un temps incroyablement long avant de leur demander de la suivre. Ils traversèrent la grande salle, enjambant des corps endormi ou tout simplement dénué de vie puis, s'engagèrent dans une autre aile de l'hôpital. Ici, le silence leur parut inquiétant après la cacophonie. Il avait quelque chose d'irréel, de sinistre.

- C'est ici indiqua leur guide, en s'arrêtant devant une porte au bout du couloir. On l'a admis il y a quelque jour. Il souffrait de blessure toute fraiche sur le torse et son bras était cassé. Mais il va mieux à présent. Un peu de repos et une bonne alimentation le mettront sur pied en un rien de temps.

- Mais...est ce qu'il ...

- Il ne repartira pas à la guerre, si ça peut vous rassurer.

Sur ce, elle repartit en sens inverse. Lucile poussa la poignée et entra, ses enfants à sa suite. La chambre était modeste, aussi vide et morne que le bâtiment. Une seule fenêtre laissait filtrer la lumière du soleil. En dessous, un lit. Charles Menier était allongé dessus, les yeux clos mais la respiration régulière. Son bras droit était enveloppé d'un plâtre. Des bandages recouvraient le haut de son corps et son visage était strié de coupure. Malgré tout, c'était bien lui. En voie de rétablissement. Vivant.

- Papa ! S'écrièrent les enfants.

Il ne les entendit pas mais cela ne les découragea en rien. Lucile s'approcha lentement, pleurant d'émotion. C'était un miracle. Un miracle le jour de son anniversaire. Soudain, la porte s'ouvrit à la volée. Elle sursauta vivement et se retourna. Un homme d'une trentaine d'année l'observait, étonné. Il portait une cigarette entre les lèvres et son long trench coat beige lui donnait l'air d'un anglais.

- Vous avez fait vite lâcha-t-il, en reprenant un masque d'insouciance.

John Constantine se laissa tomber sur une chaise, la tête penché en arrière. Lucile le regarda faire, reconnaissant en lui l'image de l'homme dépeinte par son mari.

- C'est vous qui l'avait sauvé n'est-ce pas ? Murmura-t-elle.

- Tout juste ma jolie. Cette saleté de démon avait profité de mon épuisement. Sauf qu'il m'a sous-estimé. Encore. Ça ne sera pas le premier. Quoi qu'exorciser un démon durant la Première Guerre mondiale, c'est nouveau.

- La Première Guerre mondiale ?

- Oubliez ce que je viens de dire s'agaça-t-il, balayant de la main ses paroles. Réjouissez-vous plutôt. Votre mari ne sera pas maudit jusqu'à la fin de ses jours et moi, j'évite des morts inutiles.

- Qui êtes-vous ? Réellement, je veux dire ?

- Pas quelqu'un d'important, vous avez ma parole. Oh ça va être l'heure ! Bon je vous dis adieu Lucile Menier.

Il leva deux doigts en signe de victoire, un sourire moqueur scotché au visage tandis qu'un voile dorée enveloppait sa silhouette jusqu'à la faire disparaitre entièrement. Lucile et ses deux enfants assistèrent au spectacle, bouche bée.

- C'était un ange gardien cria le plus jeune, les yeux pétillant d'admiration. Il a sauvé papa !

Lucile n'en était pas aussi sûre cependant, lorsque son regard croisa celui de son mari qui lui souriait, elle se dit que finalement, cela n'avait pas tellement d'importance. 

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