chapitre 1
Tranchée arrière, no man's land
24 décembre 1915
Chère Lucile,
Je t'écris en ce jour si funeste, alors que les impacts d'obus me vrillent les tympans et que les cris de douleurs de mes anciens compagnons soldats me déchirent le coeur. Je n'ai pas dormi depuis deux jours à cause du vacarme régnant au dehors, de plus, faute de moyens, nous dormons à même le sol. Je meurs de faim et de soif car le jus qu'ils nous donnent ressemble étrangement à de la boue. Mais, ne t'inquiète pas, j'ai réussi à me faire affecter dans un coin tranquille, bien moins dangereux que la plupart des autres zones de guerre. La vie dans les tranchées n'est pas si mal lorsqu'on y pense, nous avons juste à supporter les rats, les poux ainsi que l'odeur abominable qui y règnent. Je vis dans la peur. La peur d'être à tout moment tué par des balles perdues ou des obus. La peur de ne pas pouvoir rentrer pour ton anniversaire, la peur de mourir de froid ou de famine, la peur de perdre. La peur de ne pas faire tout mon possible pour gagner contre l'envahisseur. Eh merde ! Au diable la guerre ! Ce soir, c'est la veille de Noël, ils disent qu'il y aura un cessez le feu, mais moi je pense surtout que c'est un autre stratagème pour nous prendre par surprise. Oh Lucile ! Si tu savais comme tu me manques. Mais tu ne me reconnaîtrais pas, mes cheveux ont poussé et ma barbe recouvre désormais mes joues. Je n'ai pas le temps de me raser, comme tous mes compagnons d'ailleurs. Un homme s'approche et me demande une cigarette, je le regarde, il me regarde, nos regards se croisent. Je lui donne et il reppart d'où il venait. C'est triste me suis-je dit à ce moment, peut-être aurions nous pu devenir amis. Mais la guerre n'épargne personne, aussi vaut mieux penser à sois plutôt que de fraterniser avec quelqu'un qui mourra probablement le lendemain. Mieux vaut éviter un chagrin inutile. J'espère que toi, tu ne souffres pas de tout ça. Je te promets de te revenir très bientôt, pour l'heure, je me raccroche à l'idée de te revoir, de sentir ton doux parfum, de pouvoir te caresser les cheveux comme à mon habitude et de pouvoir contempler ce regard bleu océan qui m'a fait tomber amoureux de toi.
Je t'embrasse
Charles Menier
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