Chapitre 25 - Quête de réponse (1)

- Oh, oh ! Là...

Une main vint caresser le bras doux et rond. Chaud. Les doigts remontèrent lentement en effleurant à peine la peau sombre du malade. Des frémissements parcoururent les deux personnes présentes dans la petite pièce.

- Oh, oh...

Les volets avaient été fermés. Seule une bougie éclairait la chambre, clair-obscur. Un peu d'encens volait mêlé à une curieuse odeur de plantes. Tout était silencieux et trop calme. Seul ce...

- Oh, oh... Là...

L'un était couché. L'autre debout, presque immobile si ce n'est ce léger balancement des jambes, régulier. Le temps paraissait suspendu dans cette atmosphère moite et oppressante. Rien que ces deux personnages.

L'homme qui se balançait doucement. Répétant inlassablement ses :

- Oh, oh ! Là...

Le malade aux yeux entrouverts qui murmurait ses incantations. Inaudibles.

Il aurait été impossible de deviner s'il faisait jour ou non car les rideaux étaient fermés. La chambre se trouvait dans un coin calme de la ville. Un peu hors du monde.

- Oh, oh ! Là...

Le malade arrêta ses murmures et ouvrit de grands fixes qui regardaient durement le mur d'en face. L'homme debout arrêta son balancement et se tut tout à fait. Il attendait anxieusement une réaction.

Un geste de la main.

L'homme accourut et s'agenouilla au chevet, en prenant entre ses mains trapus ce bras qu'il caressait quelques instants auparavant. Ils s'observèrent, droit dans les yeux, presque gravement. Puis le malade se redressa tout-à-fait et indiqua du doigt une étagère où se trouvaient quelques bouquets de plante médicinale. L'homme lui apporta celles voulues et le malade en fit une tisane.

Les gestes étaient lents, un brin cérémonieux. Le malade poursuivait sa mélopée à chacun de ses gestes.

Sommeil, potion, incantations... Le noir et le calme absolu. Les deux mêmes personnes, l'une face à l'autre, résolues.

Alors le malade se leva. Il allait mieux. Il n'était plus malade. Elle n'était plus malade.

L'homme s'agenouilla à ses pieds et les embrassa en murmurant :

- Tarana.

Elle le redressa doucement avec un sourire triste.

- Tarana.

- Tu m'as dit que l'homme bleu était un traître. L'homme bleu a cherché à me tuer et à détruire ta réputation. L'homme bleu était pour la France. L'homme bleu...

- N'était pas l'homme bleu.

- Pas l'homme bleu.

- Tu es fille du grand Amenokal.

- Je veux avant tout percer le mystère de l'homme bleu. Il redeviendra Beauvey.

- Le soldat Beauvey.

- Il s'est appuyé sur la confiance des touareg, sur moi, pour atteindre ce que nul n'avait jamais atteint.

- Zerzura.

- J'étais naïve.

- Tu étais pure.

- Et je l'aimais.

- Il t'a sauvé deux fois la vie.

- Pour se servir de moi. Où est-il ?

- Prisonnier dans le fort.

- Ce monstre est puissant. D'autres le feront sortir de prison, par une pirouette étonnante. Mais je ne le laisserais pas faire.

***

- Qui es-tu ?

Et la baffe retentit. Beauvey soupira.

Rien.

Vermet avait un air angoissé qui divertissait le prisonnier, sans qu'il ne montrât cependant aucun signe de son amusement.

CLAC

La gifle rejeta la tête de Beauvey de l'autre côté et lui tordit violemment le cou. Il ne put retenir une grimace et incendia du regard son tortionnaire.

- Qui ? S'écria le commandant. Qui ? Qui ? Qui ?

Une nouvelle fois, le prisonnier cracha à terre. Il gardait un air dur. Vermet était effrayé. Il commençait à trembler et retenait de plus en plus difficilement son humeur. Sa tête lui tournait. Il avait trop chaud. Les murs du fort semblaient vibrer, peut-être même bouger.

- Qui ?

CLAC

Beauvey cracha à terre mais garda les yeux baissés.

- Pourquoi tu ne me dis rien ? Beauvey ! Beauvey, Beauvey ! Je sais ton nom.

Menton haut.

- Je m'appelle Héloïs Beauvey.

- Je sais ! Et crois-tu qu'Héloïs m'importe ? Mais qui t'a dit pour Zerzura ? À qui obéis-tu ?

- Et si j'avais voulu ma propre gloire personnelle ?

CLAC

Crachat à terre. La pièce tournait. Les murs vibraient. Il faisait chaud.

- Qui ?

- Moi !

- Non ! Ça c'était avant ! Avant, quand tu t'es enfuies dans le Tanezrouft.

- Ma femme a été tuée par un militant du parti colonial !

- Je me fiche de ta femme ! Ce que tu as fait avant ne m'interresse pas !

Cris.

CLAC

- Et moi ? Croyiez-vous que ma femme ne compte pas pour moi, hurla Beauvey ?

- Mais c'était avant !

- Ce que vous pouvez être stupide...

CLAC

Des larmes jaillirent des yeux du prisonnier. Il gémit et baissa la tête pour masquer sa souffrance.

Le commandant inspira bruyamment pour retrouver un semblant de calme. Il s'adossa brusquement au mur et épongea la sueur qui coulait de son front. Un temps...

Soupir.

- Le lieutenant Montbert, fleuron de notre armée française, est mort. Nous savons que c'est le capitaine Albret qui l'a tué puis abandonné mourant à Zerzura parce qu'il ne pouvait faire le voyage. Tout le mérite de Zerzura revient au capitaine Albret. Qui a tué Montbert mais cela nul n'y prête attention... Au capitaine Albret !

- Et alors ?

- Et alors ? Tu me le demandes... N'est-ce pas toi qui as organisé toutes ces manigances pour que lui ressorte vainqueur de cette conquête ? Lui qui restait dans l'ombre... Il ne me gênait pas ! On pouvait bien me critiquer mais me remplacer... Il aurait fallu nommer le capitaine Albret et tous se le refusaient.

- Et alors ? Quel rapport avec moi ?

- Maintenant qu'il a cette auréole de gloire... Zerzura ! Il a trouvé Zerzura ! On peut me remplacer. C'est toi qui a orchestré tout ce cirque !

- Quoi ? Mais vous déraisonnez ?

CLAC

Crachat

Cris :

- Non je ne déraisonne pas ! J'avais toute autorité ici ! Plein pouvoir ! L'État-Major le savait et ne pouvait rien y faire. Parce que j'avais plein pouvoir !  Ils voulaient mettre le capitaine à ma place mais je ne voulais pas. Ils ne pouvaient pas... C'est toi qui a fait ça !

- Vous êtes fou. Je... Je l'ai déjà dit.

- La reconnaissance, la gloire ! Je comprends... La légende ! Et tu as réussi. Mais ça... Ça c'était avant.

- Taisez-vous.

- Avant.

- Avant quoi ?

- Avant... Avant un certain moment... Avant... Avant ton emprisonnement et l'appel à l'État-Major.

***

Deux jours plus tard, en revenant dans les prisons, Vermet constata avec surprise que le prisonnier avait disparu.

Il ne restait qu'un mot :

" Peut-être que nos pas se croiseront de nouveau... À Alger."

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