L'homme

Il faisait partie de ces gens qui n'ont qu'une seule valise. Il n'était rattaché qu'à ce vulgaire objet noir. C'était grâce à elle qu'il mangeait, ou plutôt grâce à son contenu. Rien d'autre ne comptait. Il traversa la place Vendôme d'un pas rapide, effrayant les pigeons. Au même moment, l'un des employés de monsieur Dubail ouvrit sa boutique de montres Rolex, comme chaque jour à la même heure. Ils se saluèrent brièvement. L'homme ne s'arrêta pas. Il continua rue de la Paix, tourna avenue de l'Opéra et s'engouffra dans la bouche du métro. Il rentrait chez lui. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas foulé le sol de sa maison. Il travaillait dur, parfois la nuit, parfois le jour, changeant de pays un peu toutes les semaines. Il avait une fille : Emy, qui lui manquait. Il allait la retrouver et appréhendait de ne pas savoir quoi lui dire.

Le train arriva avec quelques minutes de retard, mais les usagers semblaient habitués aux contretemps qu'offrait le métro. L'homme trouva une place et laissa tomber sa tête contre la vitre.

Soudain, la rame s'arrêta. L'homme ouvrit les yeux. Une voix féminine annonça :

« En raison d'un problème technique, nous aurons quelques minutes de retard ».

Il se rassit convenablement et regarda autour de lui. Les passagers ne réagissaient pas pour la plupart. Il observa alors la vitre, couverte de buée. Un soleil avait été dessiné, sûrement par un enfant qui s'ennuyait. Cette pensée le fit sourire et il se remémora son enfance. Plus loin, des jeunes avaient écrit des insultes. Il soupira et se recroquevilla pour se réchauffer, fermant une nouvelle fois les yeux. À l'extérieur, on distinguait les parois du tunnel enfoui sous Paris. L'attente se fit plus longue, plus pesante. Le froid s'installa doucement, accompagné maintenant d'un silence glacial. Une bonne femme, assise à l'arrière, brisait parfois le silence, demandant l'heure, maudissant la RATP. Un fin nuage blanc s'échappait de la bouche de l'homme, de plus en plus gelé.

Enfin, le son familier du train en marche reprit. Cependant l'homme remarqua que le mur du tunnel ne défilait pas devant lui. Il secoua la tête, croyant à une hallucination. Il eut beau frotter ses yeux, les fermer, les ouvrir, malaxer ses tempes... Rien n'y fit : l'engin n'avançait pas. D'où venait donc ce bruit ? Il dévisagea les passagers. Un petit garçon semblait lui aussi ne pas comprendre. Des bruits de pas lourds se firent entendre, résonnant dans tous les wagons. L'homme se leva saisi d'un frisson. Il dévisagea les personnes à proximité de lui. Toutes regardaient dans le vide ou s'occupaient sur leurs portables. Il se tourna dans toutes les directions, puis s'approcha de l'enfant qui s'emblait inquiet. Les pas se rapprochaient, lentement. L'homme saisit les épaules de l'enfant :

« Écoute-moi, mon grand, sais-tu ce qui se passe ?
- Non... » chuchota-t-il.

Les pas s'approchaient lentement. Ils s'arrêtèrent et l'on entendit un grincement insoutenable. Seule la respiration saccadée de l'enfant se faisait entendre. Soudain, les pas reprirent et s'accélérèrent. Un hurlement retentit. L'enfant s'agrippa à la jambe de l'homme de toutes ses forces. Brusquement, tous les regards se tournèrent en direction des deux intrus. L'homme prit l'enfant dans ses bras pour le protéger.

Une voix féminine annonça :

« Nous nous excusons pour ce désagrément, le métro va repartir ».

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