La Guirlande | 8 décembre

8 décembre
La persévérance

*

— Tu sais ce que c'est ton problème, mon gars ? C'est que tu manques de hargne.

Toutes ces aventures donnant pas mal faim, la bande s'était posée dans un petit café pour prendre un jambon-beurre et souffler un peu. Amaël s'était posé à une table dans un coin pour manger en paix, mais quelqu'un qui n'avait pas reçu le message s'était posé devant lui avec une salade de carottes. Assez âgée, elle avait de longs cheveux blancs et une paire de lunettes qui lui masquaient les yeux. Sa remarque sortait plus ou moins de nulle part, et Amaël décida donc de l'ignorer.

— Tu es là à faire le fier, l'arrogant, mais tu changes d'avis comme de chemise, tu te laisses convaincre en un chapitre, et tout. Tu manques de fermeté, mon gars !
— Mais je te permets pas !
— Je m'en fiche ! Tu vas faire quoi ?

Amaël s'était levé, vexé, mais après quelques secondes de bataille de regards, il céda et se rassit. Furieux, il déchiqueta son jambon-beurre à pleines dents. Dans son dos, une clochette tinta alors que la porte du café s'ouvrit et que quelqu'un entrait.

Soudain, la température se mit à chuter à vue d'œil. Du givre se formait sur les vitres, les cafés gelaient dans les tasses, et Amaël sentit son corps qui s'engourdissait. Il se retourna pour houspiller celui qui avait laissé la porte ouverte, et se figea net.

Le nouveau venu était un... était quelque chose d'humanoïde, la peau pâle comme la glace et d'une maigreur cadavérique. Colossal, ses os étaient saillants sous sa peau, comme autant de pointes perçantes. On pouvait compter les côtes qui rejaillissaient sous son enveloppe, sa tête rendait l'impression d'un crâne, et ses doigts se terminaient en longues pointes acérées. Sur son crâne, un petit bonnet de Noël apportait une touche de couleur à son corps blanc comme la mort.

Un froid glacial, mortel, émanait de lui, et les clients les plus proches étaient déjà recroquevillés sur leurs sièges, ne bougeant plus ou presque. Claquant des dents de froid et de peur, Amaël lutta pour se mettre debout, toutes les cellules de son être lui hurlant de ne pas rester là.

— Q-Q-Qui... ou q-q-quoi...
— Faim.

La chose passa une de ses mains griffues sur sa victime la plus proche, faisant glisser ses doigts dans son cou avec une avidité évidente. Amaël fit un pas en avant, en dépit de la faiblesse qui le prenait au corps, puis un deuxième, boitant tant bien que mal vers la sortie. Alors que le froid semblait redoubler, la créature ouvrit la bouche et en fit sortir une longue langue rouge sang, qui lécha goulûment la joue de sa victime. Amaël le regarda faire avec dégoût, avec terreur, avec horreur, et n'y tenant plus, plongea la main dans son sac.

Il y avait là quelques miettes de cookies, une oreillette furtive, quelques bulbes lumineux... Mais rien qui n'aurait pu l'aider en ce moment précis. L'heure était grave. Amaël sentait la fin approcher de près, trop près, et elle avait une odeur répugnante. Cette créature le dégoûtait. Heureusement, la grand-mère rabat-joie qui s'était imposée comme compagnon de tablée sembler compter plus que des carottes dans son attirail. Après quelques longues secondes de trifouillage de son sac à main, elle en en tira une longue épée bâtarde, qui se mit aussitôt à fumer et à se couvrir de givre.

Prenant une grande inspiration qui lui gela les poumons, Amaël prit l'arme et chargea. Par une attaque adroite, il réussit à toucher la bête et à trancher son bras gauche. Aussitôt, la créature folle se rua vers son membre tranché et commença à le broyer et à le lécher pour en récupérer la moelle. Profitant de sa distraction, Amaël attaqua de nouveau, mais il faisait si froid... Mettre un pied après l'autre devenait douloureux, demandait beaucoup trop d'efforts, et il aurait été si simple d'abandonner...

Amaël décolla en arrière, frappé de plein fouet par la créature, qui après un instant de déstabilisation brûlait désormais de colère. Son corps fracassa la vitre du café et retomba lourdement dans la neige, qui en dépit de sa froideur lui semblait le duvet le plus doux qu'il ait jamais connu. Il mit un genoux à terre, tâtonna pour retrouver son épée, et se releva... et retomba à terre, épuisé. Pourquoi continuer ? Il serait tellement plus simple de faire une pause et de sombrer dans le grand sommeil...

...mais cela voulait dire ne rien faire, ne rien accomplir. Cela voulait dire renoncer à de grandes aventures, ne jamais faire de découvertes, ne jamais rencontrer de nouvelles personnes, ne jamais rien faire de sa vie ! S'il voulait vivre, s'il voulait accomplir ses rêves, il devait persévérer, il devait se relever et continuer. Abandonner signifiait la mort - littéralement.

Le monstre sortit du café d'un pas lent, se léchant les babines par avance. Luttant de toutes ses forces pour rester debout, pour faire face, Amaël leva son épée et chargea. L'épée s'enfonça dans son épaule, mais la créature ne semblait rien ressentir, aucune douleur. Sa main griffue jaillit soudain et saisit Amaël à la gorge, avant de le plaquer au sol et de l'enfoncer dans la neige. Mais ce dernier, resserrant sa poigne sur l'épée, donna un coup au hasard, et aussitôt la pression se relâcha. Le monstre avait perdu son deuxième bras.

La bête fit preuve d'un moment de faiblesse dont Amaël profita pour prendre l'avantage. Il trancha la tête du monstre d'un coup net. Le corps de la créature se mit alors à fondre, se décomposant en une pluie de neige et de cendres. Et au milieu de ses restes, une sphère gris acier - une des boules de la guirlande.

— Bien joué, mon gars ! l'applaudit la vieille depuis l'intérieur du café. Tu as réussi à surmonter ta paresse, et à devenir plus persévérant. Bravo !
— M-M-Merci ? C'était q-q-quoi, ça ?
— Eh, qui sait ? Noël est plein de surprises ! Allez, viens finir ton sandwich avant qu'on reparte à l'aventure ! Woooh !

Décidément, cette vieille dame semblait renforcer de mystères... Peut-être était-elle même de mèche avec ce•tte soldat•e étrange ?

*

{ Lux }

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