6 décembre
La générosité

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Amaël laissa échapper un soupir. C'était bien beau, tout ça, mais il avait l'impression de marcher depuis des siècles, et en pleine lumière, en plus. Il était déjà suffisamment peu habitué à un autre éclairage que la lueur bleutée de son portable dans l'obscurité de sa chambre, mais avec en plus cette satanée neige à perte de vue qui réfléchissait le moindre rayon de soleil à des kilomètres… Il allait finir aveugle - et avec une migraine qu'il sentait déjà pointer, par-dessus le marché ! Et puis d'abord, pourquoi devait-il même marcher, si ces bulbes de malheur apparaissaient tout seuls ?

Et ces imbéciles d'Eidonniens qui le suivaient partout en discutant et en riant bruyamment… Il devait certes admettre, avec tout de même mauvaise volonté, qu'il commençait peut-être à les apprécier un peu - enfin, à les supporter avec un peu moins de mal qu'avant, disons -, mais ce n'était pas une raison pour surveiller chacun de ses pas en gloussant comme ça !

Les grommellements intérieurs du jeune homme (il était peut-être un peu dark sur les bords, mais pas non plus stupide, et il avait bien compris que visiblement ses incessantes plaintes à voix haute n'étaient pas particulièrement appréciées) furent soudain interrompus par un grognement sourd. Voilà qu'en plus du reste, il avait faim, maintenant ! Enfin un problème qui pouvait être réglé facilement, au moins.

Amaël s'arrêta sur le bord du chemin - la procession de membres enjoués derrière lui imitant évidemment immédiatement son mouvement - et ouvrit sa sacoche. Il ne put retenir un léger sourire en voyant les quelques bulbes colorés qu'il avait déjà amassés, une agréable sensation de fierté et de bonheur l'envahissant du même coup. Mais ce n'était pas ce qu'il cherchait : là, sous les ampoules brillantes, le Graal.
Amaël s'interrompit un instant en songeant avec amusement que l'équivalent de la coupe sacrée chez ces tarés d'Eidonniens était peut-être bien la gamelle du Saint-Kek, avant de se reprendre brusquement : depuis quand avait-il autre chose que du mépris pour les usages de ses compagnons involontaires, d'abord ?!

Secouant un bon coup la tête pour se remettre les idées en place sous les regards curieux des membres qui attendaient toujours qu'il reparte, il revint à sa sacoche. Il disait donc, là, sous les ampoules brillantes, le Graal : ✨une pleine boîte de cookies✨. Et les sparkles étaient un euphémisme.

Le jeune homme s'empara avec délice de ses chers biscuits. Fabriquer comme par magie des morceaux de guirlande, c'était sympa, mais rien n'égalerait jamais un bon cookie aux pépites de chocolat.

Il lui fallut quelques minutes pour se rendre compte des regards des Eidonniens qui pesaient sur lui alors qu'il enfournait paisiblement son troisième biscuit. Il stoppa son geste, la bouche pleine.

— Euh, cha va pas ? G'inquiétez pas hein, che me dépêche, on va repartir les chercher, vos chaletés de bulbes.

Une pointe de regret le traversa immédiatement. Bon, d'accord, ça ne lui aurait rien coûté d'être un peu plus aimable. Et à cause de ça, ils allaient encore penser qu'il ne faisait aucun effort, alors qu'autrement ils auraient peut-être enfin fini par lui ficher la paix ! Il hésita un instant. Devait-il rectifier ses paroles ?

Une illumination le frappa soudainement. Evidemment, qu'ils le regardaient comme ça, il était en train de manger tout seul devant eux sans leur donner une miette ! Une nouvelle hésitation le retint tout de même. C'était ses cookies, quand même, s'ils en voulaient, ils n'avaient qu'à apporter les leurs !

Le tirant de ses réflexions embêtées, un éclat dans sa sacoche lui attira l'œil. Les bulbes de guirlande semblaient étinceler un peu plus qu'à l'accoutumée, comme si un rayon de soleil les avait soudainement frappés. Amaël retint son souffle en réfléchissant un instant : si les bulbes étincelaient au moment de leur création, peut-être le faisaient-ils aussi lorsqu'ils disparaissaient ! Et il avait beau ne pas l'admettre de bonne grâce, son comportement actuel était peut-être bien susceptible de causer cela…

Le jeune homme prit une grande inspiration, se concentrant sur le souvenir des sentiments heureux qui l'avaient envahi lorsque les bulbes précédents étaient apparus. Il ne voulait pas ruiner ses efforts par simple égoïsme.

Avec un sourire, il tendit sa précieuse boîte de cookies vers la personne la plus proche.

— Vous en voulez ? Je suis désolée, j'ai pas pensé à proposer, mais si vous avez faim, vous pouvez en prendre.

Les Eidonniens échangèrent des regards, des sourires fleurissant sur les lèvres. La boîte de cookies sembla irradier d'une lueur marron chocolat. Là, au milieu des biscuits, un joli bulbe couleur cacao attendait désormais qu'on le récupère.

Le sourire d'Amaël s'agrandit. Peut-être que cela valait bien un petit gâteau, en fin de compte.

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{ Winnaplouf }