Saturne

      Je m'étais fixée une règle, il y a longtemps. Elle faisait office de loi pour moi, je ne me voyais pas la transgresser. Ne jamais retourner vers son ex. Simple à dire, et à tenir dans un premier temps. Si Esmée et moi venions à nous quitter, il y aurait une raison suffisante, et je m'y tiendrais. Ce serait comme refaire deux fois la même erreur, sans en apprendre quoi que ce soit. Qu'il y ait des hauts et des bas dans une relation est normal, et quelque part, sain. C'est vrai, s'il n'y a pas des désaccords de temps en temps, un des partenaires est potentiellement en train de se censurer. Mais si les brouilles mènent à la rupture, notamment dans les premiers mois de la relation, rien de sert de courir après une chose vouée à l'échec. Ainsi, mieux vaut préserver nos cœurs de toute peine inutile.

      Dans le cas d'Esmée et moi, aucune fâcherie majeure n'était survenue, et tout allait pour le mieux. Tout semblait comme couler de source, même lorsque nous n'étions pas réunies. Alors même que je pouvais auparavant trouver des personnes belles, sans rien souhaiter de plus, tous me paraissaient fades en comparaison d'elle. Je n'avais littéralement d'yeux que pour elle. Alors lorsqu'est venue la pause, puis la rupture, je me suis retrouvée dans l'incompréhension la plus totale. Je ne comprenais pas, et n'avais eu le droit à aucune explication. Je me sentais seule, abandonnée. Evidemment, je voulais retrouver notre couple, mais je suivais ma règle, et ne ferait rien pour. J'ai été sotte de penser pouvoir rester amie avec Esmée après la rupture, mais je m'en étais convaincue.

      Alors, advint ce qui devait arriver : nous nous sommes remises ensemble. C'était flagrant, la seule issue possible. J'en crevais d'envie, et elle regrettait manifestement sa décision, sans doute précipitée. Je m'en suis voulu, car j'avais enfreint ma règle. Mais pas immédiatement, non, je ne l'ai déploré que bien après. J'avais une responsabilité envers moi-même avant tout, et je n'avais jamais fait d'exception aux règles que je m'étais imposées.


      J'ai d'abord été méfiante. Je venais de me faire quitter comme si je n'étais rien d'autre qu'une vieille chaussette, après tout. Je craignais qu'Esmée pense que c'était une mauvaise idée que l'on se remette ensemble, et qu'elle parte à nouveau. Je ne voulais plus lui donner mon cœur comme je l'ai fait, naïvement. C'était une manière pure d'aimer, mais trop enfantine, trop douloureuse. J'ai ensuite été en colère. Pourquoi m'avait-elle fait ça ? Était-elle juste trop égoïste pour être avec moi ? Aimait-elle juste plaire, alors même qu'elle était dans une relation ? C'était peut-être un mélange de ces conjectures. Quoi qu'il en soit, je ne me suis pas attardée sur ma colère, puisqu'à nouveau, j'étais folle d'elle.

      Mais je comptais ne plus déroger à ma loi. Discipline est le maître mot dans ces cas-ci, et il serait le mien. Il l'est d'ailleurs toujours. Puisque, si je me suis fixé des limites, c'est pour des raisons précises. Rien ne m'y obligeait, mais la responsabilité en découlant me donnait de la force. Si j'étais assez consciencieuse pour suivre ce que je m'imposais, je surmonterais la plupart des obstacles. Je suis dure avec moi-même, trop parfois, je l'avoue. Mais je ne fais que m'entraîner pour un monde où le plus rusé, le plus fort gagne et avance.

      Je n'ai donc pas suivi la fameuse règle du « jamais deux sans trois », car je ne me suis et ne me remettrais jamais avec Esmée. Lors de notre rupture définitive, quelque chose s'est vraiment détaché de moi. Notre relation n'allait plus, elle finissait par nous étouffer, elle comme moi. Si nous recommencions, la même chose se produirait, potentiellement en pire. Pourtant, je me surprends à repenser à nous avec nostalgie et envie. Tout me semblait alors plus simple. Je sais que ce qui me manque, au fond, c'est la relation que nous avions, et pas Esmée.

      Je ne me sens pas prête à recommencer une relation maintenant, en tous cas, pas avec la même intensité émotionnelle que celle que nous partagions. J'apprends encore à vivre avec ma propre compagnie, alors réintégrer une nouvelle variable rendrait mon équilibre, déjà précaire, instable. Je n'ai qu'une seule ambition : être plus heureuse que jamais, mais sans impliquer l'Amour dans ma quête. Je suis donc navrée pour ceux qui essaient de s'approcher de mon cœur. Il est aussi prêt que le reste de mon être pour une nouvelle relation : aucunement. 

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