L'Epreuve

      Nous avions déjà parler de se mettre ensemble. Mais ni Esmée, ni moi ne nous décidions à demander à l'autre. Aucune de nous n'osait passer à l'étape supérieure. Je pense que chacune de nous avait peur que l'autre lui dise : « non ». Alors on attendait un signe d'en-haut. J'étais d'autant plus anxieuse, que je n'étais jamais sortie avec personne. J'avais déjà flirté avec d'autres, oui, mais ça n'avait jamais abouti, et ce n'était que des garçons. Alors, en plus d'écrire des textes, j'ai commencé à prendre quelques vidéos avec mon nouvel ordi. Ce n'était pas fameux : la qualité vidéo pas vraiment au rendez-vous, et moi bégayant, pas super à l'aise. Je les aime beaucoup ces vidéos n'empêche. Elles sont authentiques. Elles retracent une époque que j'aurais oubliée sans elles. Un peu comme les textes que j'écris, ou ces lignes-ci. Je me posais beaucoup de questions, essayais d'y répondre difficilement.

      Une des choses qui ressort du mois de juillet et de début août c'est : comment je vais faire mon coming-out à mes parents ? Cette question vraiment anxiogène m'a bouffé un certain temps. Jusqu'à ce que j'en ai marre. Un après-midi avec Milo, un de mes amis proches, on en discute. Lui aussi est attiré par les filles et les garçons et il n'osait pas l'annoncer à ses parents. Pour lui, rien ne pressait, pas de copain en vue. Mais moi, je voulais l'annoncer à ma mère au moins, et au plus tôt. Sans ça, je me disais que ce serait plus difficile de voir Esmée si elle ne savait pas qu'on sortait ensemble, d'autant plus qu'elle commençait déjà à avoir des doutes. Parce que j'avais la conviction la plus intime que ce serait pour bientôt. D'autant plus que ses parents le savaient et l'acceptaient parfaitement.


      Chaque parcelle de moi à encore honte, et, je te demande de nouveau pardon dans ces lignes, Milo. Si je dois faire quelque chose qui me terrifie, comme dans ce cas précis, je me mets dos au mur, dans une situation où je ne peux pas m'échapper si ça tourne mal. Ce ne sont pas mes idées les plus brillantes mais ça fonctionne, au moins. J'ai donc annoncé début août ma bisexualité à ma mère, à la suite de cette après-midi avec Milo, dans la voiture, avec cette jolie phrase :

« Nan mais tu sais, Milo est bi, comme moi. »


      Donc, comme l'indique le titre, mon coming-out fut une vraie épreuve. Tout d'abord, ma mère a cru mal entendre. Donc j'ai répété. Elle a continué à faire comme si elle ne m'avait pas entendu. Ce n'est que le lendemain matin, en descendant prendre mon petit déjeuner qu'elle m'en a parlé. Ça a été terrifiant. Je ne savais plus où me mettre, ma seule envie était de disparaître. Dans les films, séries et autres tout se passait bien. Quand je l'ai annoncé à ma mère, j'avais la chanson girls de Girl in Red en tête. Mais la dure réalité est venue me gifler de plein fouet : influençable, incapable, bonne à rien, volonté de marginalisation et d'aller au contraire de l'hétéronormativité. Mes nouvelles amitiés de lycée sont néfastes, selon ma mère – elles n'avaient pourtant jamais été aussi saines et positives. J'aurais apparemment changé et serais partie en roue libre. A cause de cela, je n'aurais pas d'aides pour mes études supérieures, en supposant que j'en fasse étant donné les fréquentations que j'ai. Je finirais ratée, alcoolique et droguée. Avec mon pain au chocolat et mon café, c'est passé très bien maman, merci.

     Je fais alors une de mes plus grosses crises d'angoisses : je ne peux cependant rien faire. Je respire si difficilement que des points noirs apparaissent devant mes yeux. J'étouffe. La seule chose que je voulais lui dire, lui crier en pleine face c'est : « Mais maman, on s'en fout ! je t'informe juste, j'ai jamais demandé ton avis ou tes commentaires. Il y a rien de mal là-dedans. Mes nouvelles amitiés me laissent épanouie et heureuse, rien de moins. Et heureusement que j'ai changé, bordel ! C'est normal, et il va falloir t'y habituer. » Mais j'ai rien dit, aucun mot ne pouvait sortir de ma bouche. Par peur de m'attirer encore plus ses foudres. J'ai alors simplement subi.


     Spoiler alerte : Tout ce qui a été dit plus haut, ma mère ne le pensait pas, c'était juste un « choc » pour elle. Toutefois pendant qu'elle, était en état de choc, moi, j'étais détruite par ses mots. Bon l'un dans l'autre ça aurait pu être pire. Elle a fini par accepter, et peut être même comprendre. Jamais ma relation avec Esmée n'a été remise en doute ou critiquée une fois passée la « semaine d'adaptation ». La seule chose que je pourrais regretter, c'est que mon père, à l'heure actuelle, ne sait toujours rien de mon orientation sexuelle ou de ma première histoire d'amour. Il a sûrement quelques doutes mais rien de concret. Ce faisant, je devrais à nouveau faire mon coming-out. Ce sera sympa, tiens. Un ne suffisait pas apparemment. N'empêche, ça m'a vraiment soulagée de le dire, enfin. Si c'était à refaire, je le referais, quitte à me faire insulter de nouveau.


      Cet évènement n'en est pas moins resté traumatisant. J'ai eu du mal à me confier à ma mère à la suite de ça, par peur qu'elle ne me juge, ou ne m'insulte à nouveau. Lorsque j'ai fait ma première fois, alors que je mourrais d'envie de lui dire – même si je ne lui aurais pas confier avec qui – je me suis retenue. Ce n'est que quelques mois plus tard qu'elle l'a appris par inadvertance. Nous parlions de ses relations de quand elle était plus jeune, elle qui faisait tourner les têtes et brisait des cœurs. Elle me disait qu'elle n'avait jamais fait qu'embrasser ses petits amis. « Je fais aussi la même chose, la plupart du temps. ».Ces quatre derniers mots, je n'ai réalisé les avoir prononcés que quand elle m'a regarder avec une drôle de tête. Panique à bord, je m'attendais déjà à me faire réprimander et à avoir une leçon sur les contraceptions et le risque de grossesse imprévue. Mais rien de tout ça n'est arrivée. Elle n'a fait aucun commentaire et ai passé à autre chose. C'est à ce moment où je me suis rendu compte que j'avais grandi et qu'elle me considérait comme responsable de mes choix. J'étais si soulagée de ne pas faire un deuxième round comme à mon coming-out.

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