Dégradations
C'est à partir de cet évènement et de la décision d'Esmée de restée en France, que notre relation a pris un nouveau tournant. D'ordinaire, je suis une personne très peu jalouse, et j'ai pour habitude de dire : « Peu importe tes actions, la personne fera ce que bon lui semble ; ce n'est pas en contraignant qu'une relation s'épanouit ». Alors je n'ai jamais imposé de limites. Certes, parfois, je pouvais me sentir d'une possessivité extrême, mais jamais je ne suis intervenue pour fliquer Esmée. Je ne suis tout simplement pas comme ça, et je préfère ruminer dans mon coin lorsque je sais que c'est infondé.
Il n'empêche, ce type de situation est arrivé bien plus souvent qu'Esmée ne s'en doute, avant même « l'incident Joris ». J'en ai un peu honte, mais je dois la totalité de ma vérité, même si elle ne me plaît pas.
« La voix dans ma tête hurle à chaque fois que je regarde ces foutus messages. Elle loue un autre mec, et fait passer ça avec des compliments ; mielleuses paroles enrobées de sucre, qui tendent à t'envoûter. Avale cette pilule.
Je sais que je ne risque rien, que j'en fais tout un plat pour, au final, pas grand-chose. Mais je pensais ne pas avoie de soucis à me faire là-dessus. L'anxiété ne se contrôle pas, elle te titille, s'infiltre en toi comme du venin, et c'est finalement trop dur de la repousser, alors on s'y abîme. Quand tout te met à fleur de peau, tu n'as qu'une envie : oublier le monde. Je veux l'oublier ce foutu monde. » 29 janvier 2022
Bon, pour remettre du contexte et me trouver une excuse, tout était en train de partir à vau-l'eau dans ma vie. Ma famille était redevenue un champ de mines immense, le lycée était source de forte anxiété, et je venais de rompre une amitié. Alors, j'avais besoin d'Esmée pour m'aider à tenir le coup, dans ce qui ressemblait comme deux gouttes d'eau à un début de burn-out. J'étais à bout, en appel avec elle, et j'essayais de le lui expliquer. Tandis qu'elle, parlait d'un de ses amis – adorable d'ailleurs, ce n'était en aucun cas sa faute – et ne prêtait aucune attention à moi. Dit comme ça, je sais que ma réaction était nulle, et je m'en veux. Toutefois, je sais que ce que je ressentais était légitime. Je n'étais juste pas assez honnête, envers elle mais surtout moi-même, pour appeler ça de la jalousie, parce que oui, c'en était bien.
Mais ces épisodes éphémères ne suffisaient pas à faire ressortir les faiblesses de notre relation. Je pense que le manque de communication et la combinaison de nos démons personnels, depuis le début, n'ont pas aidés à faire mûrir à la perfection notre relation. Esmée vivait une phase de doute, si le terme est bien choisi. Moi, j'étais dans une période transitoire difficile, en train de perdre des amies, et voyant ma santé mentale s'empirer de jour en jour. J'ai eu une réelle perte de confiance en moi, ne sachant plus quoi faire pour m'en sortir. Je ne savais plus si je pouvais me fier à mon jugement, si j'étais en train de devenir paranoïaque ou si j'étais entourée de personnes n'étant juste pas assez honnête envers moi.
« Je n'ai jamais eu d'impact dans la vie de qui que ce soit. Et ça fait foutrement mal. Si je disparaissais du jour au lendemain, qui me pleurerait ? Peu de gens, ou personne de mes amis, ou tout du moins, pas de ceux que je considère comme tels.
Je n'ai aucun impact dans la vie de quelqu'un. Il faut que je l'accepte. Personne ne se soucie de moi. Ceux qui me perdent n'en ont aucune conscience. Ou s'en fiche éperdument. J'ai mal à en crever rien que d'y penser.
Est-ce qu'un jour quelqu'un se souviendra de moi ? De ce que je représentais dans sa vie ? Je n'en ai pas l'impression. » 21 février 2022.
Cette nuit ci, j'étais à une soirée, je venais de tirer un trait sur une amitié où je ne me sentais plus respectée et traitée à ma juste valeur. Et j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps dans les bras d'une fille que je croyais m'être proche – aujourd'hui, quelques mois plus tard, je sais que ce n'était pas le cas, qu'elle aussi abusait de ma gentillesse et n'était pas si honnête que ça. Esmée ne savait sans doute pas comment me gérer, et, égoïstement, je lui en ai voulu.
« A Thalie,
Je crois que je t'en veux. Pas parce que tu m'as abandonnée, mais parce que je t'ai laissé m'atteindre ; parce que malgré l'amitié que je te porte, j'ai l'impression que c'est pas du tout la même chose de ton côté. Et ce n'est pas grave, c'est naturel. On va juste s'éloigner. Comme ça. Alors que j'aurais voulu partager tellement plus de choses avec toi. Seulement, j'ai été déçue. Terriblement. Mais c'est pas si grave. Parce que je me rends compte que si j'ai si peu d'impact dans ta vie, c'est juste que je ne devais pas y être présente longtemps. Et c'est comme ça. Je te souhaite le meilleur, vraiment. Mais ce sera sur des chemins différents. » 21 février 2022.
Si tu te reconnais, je suis désolée. Je me rends seulement compte d'à quel point mes mots ont été virulents. J'étais blessée, et c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour ne pas imploser. J'aurais dû me relire encore une fois avant de t'envoyer ce message. Je l'ai écrit cette nuit-là, l'ai relu le lendemain et te l'ai envoyé sans modification. Je n'aurais pas dû. La violence mais surtout l'apathie de mes mots me surprend encore. Sache que je te demande pardon, du plus profond de mon âme.
Ça n'a malheureusement pas été le seul écrit abject de cette soirée. J'aurais sans doute mieux fait de m'abstenir de rédiger mes pensées. Par chance, ce texte n'est jamais passé sous les yeux de quiconque, et encore moins de la principale intéressée, Esmée.
« écrire ce que je pense
juste ce que je pense
c'est compliqué je ne pense à rien
enfin peut être
j'en sais rien
c'est bizarre
je dois être moi même
mais j'ai juste envie de boire du blanc.
je vais le faire
j'ai mon vin
j'ai pas envie de boire
être en soirée mais ne pas vouloir danser c'est la louze
genre vraiment
j'ai bu du coup
j'adore le goût
mais j'ai pas envie d'être bourrée ou de planer
faut pas que je le fasse
j'ai fini la bouteille
il n'en restait plus beaucoup
mais quand même
j'ai bien dû m'enfiler le quart de la bouteille
putain
j'ai envie de la buter
elle est là
debout
comme si de rien n'était
mais peut être que c'est l'impression que ça donne
j'ai envie de la taper
mais aussi de la baiser
j'ai peur
mais je lui en veux pas
c'est normal, elle a déjà ses démons
pas besoin de lui refiler les miens » 21 février 2022.
Début de crise d'angoisse, je ne me sentais pas supportée par la seule personne censée le faire : ma copine. J'avoue que ce n'était pas judicieux de me reposer uniquement sur elle dans ce genre de situation, mais j'étais à bout. Je voulais juste me rouler en boule dans le noir, la musique à fond, et que le temps passe. Jusqu'à quand ? aussi longtemps que durerait cette mauvaise période. Mais je n'ai pas fait ça. J'ai relevé la tête fièrement et j'ai avancé. Toutefois, relâcher la pression était inévitable, et, lorsque je l'ai fait ce soir-là, ça m'a fait énormément de bien. Malheureusement j'ai très vite culpabilisé lorsque cela a mené à un froid entre Esmée et moi, et qu'elle me reproche mon comportement lors d'un appel, plus d'une semaine plus tard. D'un point de vue extérieur, je comprends ce qui lui a fait dire ça. Néanmoins, elle aurait dû y mettre les formes. Elle savait que je n'allais pas très bien, et je pensais qu'elle aurait été plus compréhensive. Ça n'a pas été le cas, et j'ai énormément pleuré lors de cette conversation téléphonique et après, en y repensant. Heureusement, notre querelle s'est vite envolée, comme si elle n'avait même jamais existé. Les rares disputes qu'on a dû surmonter était rapidement oubliée et pardonnée. Elles n'étaient pas si importantes que ça.
Ce type de petits soucis s'est peu à peu transformé en un manque de confiance. En moi : je doutais de mon comportement, de mes réactions, de ce que je pouvais ressentir – une bonne chose en soi, mais dans cette situation, inutile et surtout contreproductif. Ma confiance en Esmée s'effritait également, son manque de réaction et de support, par moment, me donnait l'impression que je ne valais pas assez à ses yeux. Que je n'étais pas suffisante. C'était, et c'est d'ailleurs toujours le cas. J'ai l'impression que ce que je fais, les efforts que je fournis ne suffisent pas à mes proches, parfois. Je sais que c'était faux, ou tout du moins l'espère. Enfin, j'avais perdu la confiance en ce « nous » qui m'était si précieux. C'était le résultat de tous ces manquements – de chaque côté – qui dilapidait le peu de force, de feu, encore présents dans cette entité nous englobant.
Elle n'a pas été sapée que de notre fait, mais aussi potentiellement de celui de notre entourage, et d'autres circonstances extérieures.
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