Je les observais, les yeux à moitié perdus dans le vague, tout en esquivant la pile de coussins qui volait dans tous les sens autour de moi. Lya et Alison se chamaillaient de plus belle, comme deux petites filles, s'envoyant des oreillers à la figure avec des éclats de rire qui résonnaient dans la pièce. C'était comme un monde à part, un moment suspendu où tout semblait possible. Où les soucis disparaissaient dans la poussière de coussins et de rires.

Moi, je restais là, un peu à l'écart, toujours cette sensation étrange de ne pas tout à fait appartenir à cet instant. C'était censé être une soirée entre filles, une soirée de répit, mais moi je n'arrivais pas à m'empêcher de penser. À tout ce qui se passait en dehors de cette bulle. À ce qui me hantait depuis les dernières semaines, les dernières vacances, les attentes, les tensions...

J'aurais voulu me libérer de ce poids, rire comme elles, oublier que j'avais cette voix qui me hantait constamment, cette sensation de vivre dans l'ombre des autres. Mais il y avait quelque chose qui m'en empêchait. Quelque chose de plus lourd que ces petites querelles ridicules, ces amourettes innocentes. Quelque chose de plus profond que tout ça.

Leurs rires se mêlaient maintenant, presque en harmonie. Et moi, je me sentais toujours un peu hors du temps, observant cette scène, me demandant ce que ça ferait d'être aussi insouciante, aussi simple.

- Eh, t'es dans la lune ou quoi ?! s'écria soudain Alison, tirant un coussin de sous moi et me le balançant en plein visage.

Je sursautai, le coussin me frappant de plein fouet. Puis je me laissai tomber en arrière, un sourire involontaire se dessinant sur mon visage.

- Quoi ? répondis-je d'une voix faussement indifférente.

- Tu te fais toujours passer pour la calme, mais je vois bien que t'es à fond dans ce truc ! dit Lya en me faisant un clin d'œil.

- Je suis juste... fatiguée, répondis-je en haussant les épaules, espérant que ça suffirait à masquer mes pensées.

Mais même moi, je savais que ce n'était pas ça. Ce n'était pas la fatigue. C'était autre chose. Quelque chose de plus difficile à expliquer.

- Fatiguée ?! répéta Alison avec un air de défi. Tu veux qu'on règle ça par une autre bataille de coussins ?

Je secouai la tête en riant, mais cette fois-ci, je n'étais plus aussi convaincue de vouloir me laisser emporter. Pas complètement.

J'avais l'impression d'être partagée entre deux mondes. Un monde d'insouciance et de jeux, et un autre, plus sombre, plus complexe. Et quelque part, ça me faisait peur de ne pas pouvoir complètement m'échapper de ce second monde, même quand mes amies semblaient réussir à me faire oublier tout ça, même si ce n'était que pour quelques instants.

Je fermai les yeux un moment, me laissant bercer par le son des éclats de rire. Et je me suis dit, peut-être que ce soir, juste ce soir, je pourrais m'évader un peu. Même si c'était juste pour un instant.