66. Ambroisie

Dans une des maisons de Mahr, à l'intérieur de la suite parentale, une lumière résistait. C'était les quelques bougies que j'avais allumé avant de m'engouffrer dans ce grand lit. Livai avait eu la peine de fermer prestement notre porte avant de m'y rejoindre. 

Le silence régnait. Tout était calme, seul le bois des murs craquait de temps à autres. Il fallait s'approcher de plus près pour entendre les bruits langoureux et passionnés. 

Sa main enlaça quelques instants la mienne avant de presser mon visage et caresser mes cheveux. Je levai les yeux pour voir son torse se soulever au rythme effaré de sa respiration. Il haleta légèrement avant d'avaler sa salive. Il ne fallait pas qu'il fasse de bruit et moi non plus. 

Son regard suivit la ligne brillante que laissait ma langue sur son bas ventre avant de revenir pressuriser son membre. Je sentis ses doigts effleurer mon oreille et comme masser mon cuir chevelu, sûrement pour m'encourager et m'inciter à ne surtout pas m'arrêter. Ma gorge trembla légèrement, vibrant contre son érection. Il souffla et cela sembla même être une délivrance. 

J'étais complètement allongée sur le lit, ma robe de nuit bleue clair légèrement froissée. Entre les jambes de mon époux qui restait assis contre l'encadrement en bois du lit, entouré des coussins. Son tee-shirt était soulevé à moitié, me permettant d'entrevoir ses muscles se crisper à chacun de ses spasmes. 

La prise de sa main se resserrait tant cette longueur s'enfonçait timidement au creux de ma gorge. Mes doigts caressèrent la base, ferme et relevée. Je frissonne en sentant ma robe être relevée jusqu'à ma hanche. 

- Violet...

Mon prénom, susurré lentement par sa voix rugueuse, fit bondir mon cœur dans ma poitrine. Ses doigts filaient dans mes mèches de cheveux ondulés. Il se redressa doucement, ne me gênant néanmoins pas de ma tâche première. Sa main attrapa le bout de tissus qui restait pour le faire glisser sur ma peau et me découvrir le plus possible. Je lève quelques instants mon visage pour croiser son regard brumeux, délaissant son sexe pour des coups de langue sur le bout. 

Mes yeux clignèrent avant de sentir une main sur son menton. Son doigt essuya lentement mes lèvres humide. Mon souffle était hiératique, comme les pulsations de sa veine. 

- Tu peux t'arrêter, si tu as envie, murmura-t-il. 

Une mèche tomba sur son visage. Je fond. Je répond à la négative en remuant ma tête. N'a-t-il pas compris que cela me faisait également plaisir? 

Il me toisa dans un silence qui n'en fut pas pour autant gênant. Je le dévorais des yeux. Quelques secondes plus tard, ma bouche fut de nouveau encombrer par son membre palpitant. Les vas et viens reprirent, et Livai fit refondre ses doigts dans mes cheveux. 

Mon prénom fut susurré à plusieurs reprises. Des spasmes. Des silences pour sentir tout son corps se contracter et réchauffer ma peau. Serrage de cheveux puis un orgasme dans un silence de cathédrale, même s'il fut très déplacé de penser ça quand j'ai vu l'expression de mon mari, ce genre visage indécent et addictif. 

___

Je cherchai d'une main tremblante une accroche pour me relever. Le canapé me servit de prise. Mon dos quitta le sol froid et ma tête tomba sur le velours bordeaux qui caressa mon visage. J'essayai tant bien que mal de reprendre ma respiration, la vision encore floue.

Je suis complètement folle, c'était une certitude.

Je détournai le regard à côté de moi vers le sol puis serrai quelques instant mes cheveux pour les rabattre en arrière. Le froid commençait à m'envelopper tant ma respiration se calmait. 

- Bordel de merde... Si je m'attendais à ça, souffla Livai alllongé sur le tapis. 

Je mordillai ma lèvre en réfrénant un sourire. Il était aussi nu comme un verre que moi, au milieu du salon. Je fais retomber mon visage sur le canapé et tendis ma main pour attraper un tissu afin d'essuyer mon ventre. Je me raclai la gorge: 

- Ca m'a rappelée hum... ces fois dans ton bureau quand on était jeunes et imprudents. 

- "Jeunes"? T'as même pas trente ans, rétorqua mon mari. Alors moi, qu'est-ce que je suis censé être? 

- Il ne fallait pas faire de bruit, continuais-je en l'ignorant. Mais ça n'en restait pas moins émoustillant. Même si je n'ai pas de souvenirs qu'on l'ait déjà fait sur un sol. 

Je réfléchis quelques instants en me demandant si la tour de guet comptait alors que Livai se relevait aussi. Je pensais que ce genre d'activité nous était désormais réservé au soir, dans une chambre. 

- Qu'est-ce qu'on faisait déjà, murmurais-je en essayant de remémorer la scène avant notre dérapage? 

Je regardai dans la pièce et constatai le silence dans la maison. Nos tasses de thé étaient froides, pleines et posées calmement sur nos assiettes. Nos vêtements éparpillés sur le sol et heureusement, Lyn devait dormir profondément dans son berceau à l'étage.

Rien. Rien n'expliquait qu'on ait fini par faire l'amour sur le sol de notre salon en plein milieu de l'après-midi. Je louchai sur Livai qui redressait ses cheveux aplatis à l'arrière et remarquai la trace de mes ongles sur ses côtes. 

Nullement gêné d'être complètement nu, il se leva pour se balader dans la pièce pendant que je ne pouvais détacher mon regard de lui. Il attrapa la tasse sur notre table basse pour la boire d'un traite. Les rideaux fermés tamisaient l'ambiance de la pièce et empêchaient les regards indiscrets. 

J'allais en faire de même en me déplaçant sur le sol avant de me figer en entendant quelqu'un frapper.

Nous nous sommes échangés un regard surpris, dans cette situation plus que loufoque avant qu'il hausse simplement les épaules. 

- On n'ouvre pas, souffla-t-il. 

J'allais acquiescer avant de soudain me souvenir. 

- Dory! Elle devait passer dans l'après-midi! 

- Tch... T'es sérieuse? 

- Rhabille toi, vite! Pestais-je en rassemblant mes affaires. 

Finalement quand j'ai ouvert à mon amie, Livai s'était réfugié dans son bureau à l'étage, un tas d'habits dans les bras et ses fesses remu... hum.
Je m'étais rhabillée en vitesse et attachée les cheveux dans une natte désordonnée. J'affichai un grand sourire à mon amie devant moi, beaucoup plus présentable. 

J'avais cette impression d'être suspecte alors qu'elle répondit à mon sourire de manière plus malicieuse. Même si cela faisait partie de la personnalité de Dorothy, j'avais l'impression qu'elle pouvait tout déceler d'un seul regard. 

Pendant qu'elle rentrait dans le salon, je redressai du pied le tapis qui avait été entrainé dans nos ébats et cachai les restes de débris d'un vase que l'on avait cassé. Fabriqué avec amour par notre fils et qui était désormais en mille morceaux. Il était d'un laid et c'était certainement pour ça que nous ne nous en sommes pas plus préoccupés. Cependant, nous allions bien devoir être obligé de lui fournir une explication plausible. Quelques mensonges dans l'éducation d'un enfant sont nécessaires...

La professeure se tourna vers moi avec son regard pétillant et redressa ses lunettes. Je remarquai qu'elle avait rétréci encore plus sa frange excentrique, dévoilant son grand front et ses yeux lubriques. Elle ricana, comme à chaque fois qu'elle prenait la parole: 

- J'aurais un service à vous demander, Violet. 

- Un peu de thé, remarquais-je avant que son regard tombe sur la chemise de Livai enfouie dans les coussins? 

- Pourquoi pas? Vos thés sont toujours les meilleurs. 

Je m'engouffrai vivement dans la cuisine en emportant les dernières preuves avec moi. Je remarquai la boîte dont mon mari s'était servi et qu'il avait certainement ouvert hier. Une nouvelle, c'est pour ça que le goût était différent.
C'était assez rare que Livai effectuait un changement et il se cantonnait très souvent au même thé noir. Je lisais quelques instants la liste des ingrédients sur l'étiquette avant d'être interloquée. 

Par précotions, je préconise une autre boîte plus commune, ne décidant pas de faire des expériences sur mon amie. 

Avec sa personnalité impatiente, j'étais sûre que Dory allait me suivre dans sa cuisine. Quand elle avait quelque à dire, elle était incapable de se retenir. Elle avait dû retirer son manteau et son chapeau. Mais malheureusement, je remarquai une ceinture dans ses mains qui nous appartenait. 

- J'ai voulu m'asseoir sur un de vos fauteuils et je suis tombée sur votre ceinture. Eduard a dû vous la voler. Mes enfants aussi baladent toute sorte de chose dans la maison. 

Son expression ne suivait pas ses paroles. Je la pris lentement, ne laissant rien transparaître bien que je visualisais nettement mes traces de dents sur le cuir. Livai et ses idées de merde...
Elle avait dû aussi les voir car son sourire sournois s'agrandit. 

Elle savait. 

Cependant son esprit loufoque n'en semblait pas gêné. Il était peut-être assez courant pour un couple marié de déborder dans les pièces communes. Je tournai instinctivement ma tête vers les escaliers, entendant ma fille commencer à chouiner et Livai râler presqu'aussitôt. J'enfournai la ceinture dans ma poche, manquant un rougissement de gêne. Je suis assez satisfaite de les avoir incrustées à mes nouvelles créations.

- Hum... Quel service vouliez-vous me demander, enchaînais-je l'air de rien?

- Une nouvelle soirée, les Montgomery, le mois prochain, commence-t-elle. 

Pourquoi faire des phrases complètes? Nous savions toutes les deux...

- Comme c'est étrange, fis-je ironiquement. Je n'ai pas reçu d'invitation. 

Il s'avérait que lors de notre première soirée dans cette ville, j'avais refusé une danse avec un des fils de Susan Montgomery. L'homme ne cessant d'insister, mes vieux restes d'auto-défense face à un harceleur sont malheureusement réapparus et j'ai peut-être attrapé son col pour le menacer. Si Livai n'était pas intervenu, cela aurait pu devenir encore plus embarrassant pour cet homme. 

Suite à cet incident, cette famille nous fuyait comme la peste et ce n'était pas pour nous déplaire. C'était un peu grâce à ça que je suis devenue amie avec Dorothy. 

- Justement, je voudrais faire enrager Susan: même si vous n'êtes pas à la soirée, vos talents la mettront à rude épreuve. 

- Mes talents, répétais-je en lui offrant sa tasse?

- De couturière. Vous êtes connue pour avoir les plus belles robes de la ville et je sais que vous les faites vous-même. Je suis une quiche en couture et j'aurai besoin de votre aide. 

Hum. Presque le seul point positif de l'éducation de ma mère et cela me tuait rien que d'y penser.
Acheter une tonne de tissus pour faire les habits moi-même me semblait plus rentable. Et cela m'occupait énormément. Les enfants grandissaient si vite que je n'avais pas le temps de m'ennuyer.
Les pleurs de Marilyn s'étaient heureusement calmés. Une montée de lait aurait été un peu embarrassante...

- Pourquoi pas, répondis-je avec un sourire? Dites moi simplement ce que vous souhaiteriez et envoyez moi vos mensurations. Un mois sera largement suffisant pour moi. 

- Je le savais, s'exclame-t-elle en joignant nos mains. Vous êtes la meilleure, Violet! J'ai hâte de voir la tête de Susan. Je vous rendrais la pareille. Vous pouvez compter sur moi.  

Un petit raclement de gorge calma notre entrain commun. Livai était à l'encadrement de la salle à manger avec notre fille dans les bras. Je reconnaissais ses gros yeux rougis et décidais de ne rien dire sur le reste de morve sur l'épaule de mon époux.

- Je l'ai calmée un temps, soupira-t-il en ignorant notre enthousiasme. Mais elle a faim donc ce n'est plus de mon ressort. 

- Oh, oui! Excuses moi. Dory me demandait quelque chose. 

Je me déplaçait pour lui prendre Lyn des mains alors qu'ils se saluaient par un simple coup de tête. 

- Ta chemise, lui murmurais-je en remarquant son cou rougi. 

Il la reboutonna lentement pendant que je m'éloignais avec mon bout de chou. 

- Alors, Livai? Satisfait d'être la famille la plus détestée des Montgomery? 

- Si vous saviez à quel point je m'en fous, grommela-t-il. Leurs petits problèmes futiles de bourges me font bien marrer alors que je peux pas foutre un pied devant l'autre sans avoir mal. Et je vous parle pas de ma tronche explosée. 

Les remarques cinglantes de Livai ne mettaient jamais Dorothy mal à l'aise. Son sourire ne fana pas. Je crois qu'elle aime son caractère piquant et mauvais. Et je ne pouvais la contredire car je suis mariée à cet homme. Même si j'avais la nette impression que Livai testait ses limites, ces derniers temps. 
Je m'assois sur une des chaises de la salle à manger pour allaiter Lyn. 

- Dommage vous ne veniez pas, je jubile dès que vous les embarrassez. Surtout lorsque leur influence est bafouée car tout le monde vous connait. 

- Merveilleux, siffla-t-il en se servant du thé. Je passe pas une journée sans qu'un con me dise bonjour. 

- Vous ne voulez pas faire de nouvelles rencontres? Il semblerait que nous n'avez pas trouvé chaussure à votre pied dans cette ville? 

Livai marqua un silence, peu énervé par les remarques intrusives de la brune. Cela devenait presque un jeu entre eux. J'entendis son thé couler et il but une gorgée. 

- J'ai payé le prix fort à avoir des amis; ils sont tous morts. Il n'y a que ma femme qui peut comprendre cette douleur. Alors je ne tiens qu'à sa compagnie. 

Pour la première fois, mon amie ne répondit pas du tac au tac. La voix de Livai avait été tellement cassante que même moi, elle m'avait transpercée. 

- Je comprend. Il est déjà difficile de perdre quelqu'un alors... 

- Tch... Non, vous ne pouvez pas comprendre. Si mon épouse et mes gamins n'avaient pas été là. Je me serais laissé crever à la fin de cette guerre. Elle m'a tout pris. Mais je garde la face car Violet en fait de même. Elle essaye de se faire des amies, comme vous. Je ne sais pas comment elle a le courage d'encore offrir son cœur à quelqu'un. 

- Vous... vous le faites... avec vos enfants. 

- De la merde s'est passée dans ma tête quand j'ai vu ces gosses sortir du bide de ma femme. C'est effrayant de se dire que je pourrais buter la terre entière si on touche à leurs cheveux. 

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