55. En cavale

La pluie frappait le visage du caporal et coulait le long de ses vêtements souillés. Son esprit était vide, tout comme son expression. Il se contentait de faire avancer la cariole en écoutant les quelques mots balbutiés par l'homme derrière lui. Une lance piégée, plantée dans ses côtes et qui exploserait si il tentait de bouger. 

- La seule solution... une mort douce... pour les eldiens. 

Le caporal se tourna légèrement vers lui, son expression inchangé. 

- Qu'est-ce que tu dis? Une mort douce? Toi, c'est en écoutant tes os craquer sous les dents d'un titan que tu vas crever, n'est-ce pas? Tch... Je trouve ça assez clément pour l'ordure que tu es. 

Le noiraud se leva pour faire face à son prisonnier qui reprenait petit à petit connaissance. 

- Surtout... en comparaison de toutes les vies que tu as arrachés aux nôtres. Des putains de vie innocentes! 

- Tu te trompes, murmura Sieg, la joue écrasé contre le bois, incapable de bouger. Je les ai sauvés. J'ai épargné à la progéniture qu'ils auraient eue, les souffrances de ce monde infâme. J'aurai pu faire de même pour toi, ton gamin n'aurait pas à souffrir. 

- Ferme ta putain de gueule! S'exclame le caporal en sortant ses lames pour couper ses jambes. 

- Monsieur Xavier! Regardez-moi!! S'écrie Sieg avant de tirer la corde accrochée à son cou. 

Le caporal entendit le petit bruit de la bombe qui se déclenchait. Il n'avait même pas eu la possibilité de le retenir. L'instant ne dura qu'une seconde, il n'eut pas le temps de réagir. Ni même le temps de penser à qui que ce soit après que la charrette explosa. Il a juste su qu'il avait bien merdé. 

Livai fut propulsé au loin, mortellement blessé. 

___

- Maman, c'était quoi ce bruit? Demanda Eduard en levant la tête pour regarder le ciel. 

Je m'étais retournée en entendant au loin une explosion. Je voyais de la fumée s'extirper de l'autre côté de la forêt. Puis le silence le plus complet. Le vacarme soudain qui avait brisé le silence s'était stoppé net, pas de cris ni de renchériement. 

Qu'est-ce que c'était?

Je redresse la capuche d'Eddie avec un léger sourire aux lèvres. J'étais morte d'inquiétude mais je ne voulais pas qu'il le devine. 

- R...rien, mon chéri. Peut-être de l'orage. 

- J'ai peur de l'orage. 

- Je sais, c'est pourquoi il faut qu'on trouve un abris au plus vite. 

Le petit garçon acquiesça lentement et je l'attrapais comme si ma vie en dépendait pour le serrer fort dans mes bras. Nous avions fuis la maison aussi vite que possible. Nous n'avons heureusement croisés aucun soldat mais nous n'étions pas en sécurité pour autant. 

Hanji avait raison, aucun endroit est sûr et personne dans les murs ne comprend ce qu'il se passe. J'arpentai les rues avec Eduard dans mes bras, dans l'espoir de trouver une grange ou un entrepôt. Quelques parts où je pourrais le mettre à l'abris de la pluie et qu'il puisse se reposer. 

- Excusez-moi! 

Une voix avait percé le silence dans le village. Je m'arrête net. Elle était féminine mais je n'étais pas rassurée pour autant. Ne sachant pas de qui il pouvait s'agir, je trouvais ça encore plus dangereux d'essayer de m'enfuir alors qu'elle était dos à moi. Je remet la capuche sur le visage d'Eddie avant de me retourner légèrement. 

- Vous semblez perdue, continue la voix. Vous voulez de l'aide?

C'était une femme, qui tenait une lanterne dans la main. Elle était au porche d'une des maisons les plus grandes du village. Elle avait dû sortir en entendant l'explosion. J'avale ma salive mais je ne juge pas qu'elle est un danger imminent. Ce n'est qu'une simple civil...

- Non, ça va aller, répondis-je assez fort pour qu'elle m'attende malgré la pluie. 

J'aperçus plus clairement son visage quand elle leva la lanterne pour pouvoir me voir. Ses traits me semblaient familiers. 

- Mlle Fiducia?! Lâcha-t-elle.

Je reste interdite. Cela faisait des années qu'on ne m'avait pas appelé comme ça. Que diable faisait une personne de Stohess si loin du district? 

- Je suis Fanny. Vous vous souvenez de moi?

- F...Fanny? 

Mon visage s'éclaira. Je comprenais pourquoi cette voix me semblait si familière. Fanny travaillait dans la demeure des Fiducia.  Elle avait été ma gouvernante depuis que je suis née. Elle s'était occupée de moi jusqu'à ce que je quitte la maison. Elle était plus une figure maternelle pour moi, plus que ma propre mère. 

- Que... faites vous ici, demandais-je en m'approchant? 

- Je pourrais vous retourner la question. On vous dit morte à Stohess! Ne restez pas dans le froid et sous la pluie. Venez! 

J'hésite un instant avant de réaliser que je n'avais pas vraiment d'autre option. Et puis, ce n'était pas comme si je la connaissais depuis que je suis une enfant. J'accepte l'invitation et entre dans la maison. Elle referma la porte derrière moi et attrapa aussitôt ma cape. 

- Je vais vous débrasser. 

- C'est bon. Ne vous inquiétez pas. Je vais éviter de salir votre sol. 

- Vous ne serez pas la première. Cet endroit est un vrai moulin. 

Je regardais la grande salle remplie de table vide. Deux filles était assise un peu plus loin à discuter. Elles m'ont à peine adressée un regard et c'était tant mieux. Je pose Eddie au sol et lui retire ses habits mouillés. 

- Tu as froid, demandais-je en frottant ses mains? 

- Un peu, maman. 

- C'est une brasserie, ici, interrogeais-je Fanny? 

- Oui, nous louons des chambres aussi, explique-t-elle en regardant mon fils. 

- Il vous reste une chambre pour cette nuit? 

- Bien sûr. Je vous donnerai des habits propres et laverai les vôtres pour demain. 

- Vous êtes trop aimable. Ce n'est pas nécessaire. 

- J'insiste. Installez vous à une table, je sens que vous avez l'estomac vide! 

Elle attrapa nos capes et s'enfuit quelques instants dans une autre pièce. Eddie était resté silencieux. J'avais à peine eu le temps de lui expliquer la situation et je ne voulais pas lui faire peur. 

Je jette à nouveau un regard aux deux filles qui ne ressemblaient pas vraiment à des serveuses. Un hôtel, hein? 

Fanny revint avec deux plats qu'elle posa devant nous. Eddie ne répondit plus de lui même et prit la cuillère pour attraper ce qu'il reconnaissait dedans. Je le gardais sur mes genoux. Je souris en réalisant que même en temps de crise, il avait toujours grand appétit. 

- Merci, madame, s'exclame-t-il, de la sauce aux extrémités des lèvres. 

J'attrape une serviette en tissu sur la table pour l'essuyer mais c'était peine perdu car il recommença en mangeant. 

- Mais de rien. Comment tu t'appelles? 

Il y eut un léger silence. Je sentis Eddie devenir gêné. Il devait réfléchir à sa réponse. Je retins ma respiration et affichais une mine détachée. 

- Philémon, lâcha-t-il et je repris mon souffle. 

- Oh, comme ton oncle. C'est mignon. 

Il semblait assez évident de ne pas divulguer nos vrais identités. Avec Fanny, c'était peine perdu pour moi mais Eduard s'était souvenu qu'il devait mentir. Je caresse son dos pour le remercier silencieusement. 

- Il est vraiment adorable, mademoiselle. Qui est le père? 

- Un soldat du bataillon d'exploration, répondis-je naturellement. C'était mon mari mais il est mort au combat. Depuis, il ne reste plus que Phil avec moi. 

Je sentis Eddie remuer contre moi. J'espérais qu'il soit concentré sur son assiette plutôt que sur la discussion. Fanny afficha une mine désolée sûrement par politesse. Elle devait vraiment se dire que je n'étais pas chanceuse: fuir sa famille pour devenir veuve...

- Madame m'a renvoyé quelques temps après votre départ. Mais j'ai gardé contact avec certains domestiques de cette famille. Les histoires vont vite. Il paraîtrait que vos parents ont reçu votre acte de mariage avec un soldat du bataillon d'exploration. Je vous laisse imaginer leur réaction. Mais dans un sens, je vous comprend: vous avez voulu vous détacher complètement de cette horrible famille. 

- Oui, je l'ai appris. Ce n'était pas un acte délibéré de ma part mais plutôt de mon mari. Mais ce n'est pas le plus important. Ils ont lâché l'affaire depuis... d'ù les rumeurs sur ma mort hypothétique. 

- Madame, vous pouvez rester ici aussi longtemps que vous le voulez, s'exclame-t-elle en agrippant ma main. 

- C'est très gentil de votre part mais nous repartirons sûrement demain. Nous ne devons pas traîner dans les parages. Des soldats sont passés dans le village ces derniers jours? 

- Pas à ma connaissance. Pourquoi? Vous êtes en fuite? 

J'hoche la tête, mal à l'aise. Je murmure: 

- E...en quelque sorte. Vous recevez les nouvelles de la capitale? 

- Oui mais souvent avec quelques jours de retard. Vous savez, ce que fait l'armée, cela ne me concerne en rien et je n'y suis pas vraiment intéressée. Tout ce que j'essaye de faire, c'est survivre. 

- Vous vous êtes mariée, Fanny, fis-je en remarquant son alliance?

- Oui. Avec le propriétaire des lieux. J'ai été une gouvernante pendant presque 20 ans dans la même famille. Je ne supportais plus ce travail. Je suis devenue Mme. Hainline. Et vous? 

- Jeder, répondis-je assurément. 

- Jeder? C'est peu commun. 

- Mon mari n'était pas quelqu'un de commun, soupirais-je en esquissant un sourire. 

___

Eduard était resté silencieux depuis que nous nous étions installés dans la chambre que Fanny nous avait donné. Il n'a pas décroché un mot pendant que je lui ai donné son bain, lui qui est toujours bavard et curieux. Il était assis sur le lit à regarder ses pieds pendant que je poussais un meuble contre la porte pour nous barricader. Je traversais la pièce pour ouvrir légèrement la fenêtre. La pluie s'était un peu calmée. Il n'y avait pas eu d'autre explosion. 

- Maman, pourquoi tu as dis que papa était mort? 

Hum... Ses premières paroles n'étaient pas vraiment rassurantes. Mes épaules s'affaicent et je referme une des fenêtres. 

Je me retourne vers Eddie qui affichait un visage triste. Je vins à lui pour m'accroupir et poser mes mains sur ses genoux.

- J'ai menti, chéri. Même si maman connait Fanny, on ne doit faire confiance à personne, expliquais-je. Comme quand je t'ai dis de mentir sur ton prénom. Tu comprends? 

- Tu... m'as toujours dis que c'était pas bien de mentir. 

Je mors ma lèvre inférieure. Il est vrai qu'on apprend aux enfants à ne pas mentir, surtout quand ils font une bêtise. Eddie semblait perturbé de ne pas avoir respecté cette règle que je lui avais rabâché. 

- Eddie... Parfois, il faut mentir. Ce n'est pas bien mais c'est important. Tu comprendras quand tu seras plus grand. 

- Alors... Peut-être que papa est mort. Et c'est pas un soldat qui est super fort. 

Ma bouche se met à trembler. J'attrape son visage pour qu'il me regarde. J'avais toujours redouté ces phrases, qu'il commence à ne plus me croire à propos de son père. Après tout, il ne l'avait jamais rencontré. Ses questions et ses doutes sont légitimes. 

- Ton papa est en vie! Je te le promet! Je... Regarde! 

Je fouillais dans le sac à côté de moi pour sortir les lettres à moitié mouillées. Je les lui montrais. 

- Ca, c'est celle que ta marraine, Hanji, m'a envoyé! Et elle, c'est Iris, la première personne qui t'a tenue dans ses bras. Et celle-là, c'est ton papa! Ils nous les ont envoyé pour nous prévenir qu'on devait partir de la maison. Ils sont toujours en train de nous protéger. Regarde! Ils parlent de toi! 

- J'ai jamais vu ces personnes! Fit-il en détournant la tête. 

- Si! Si! Tu les as vu mais tu étais trop petit pour t'en souvenir. Eddie... Quand tu es né, le monde était trop dangereux pour qu'ils restent avec nous. Je ne te mens pas. Un jour, tu les rencontreras tous. Il faut juste attendre encore un peu. 

- Pourquoi tu pleures, maman? 

Je renifle en caressant le dos de ses mains. Je détestais pleurer devant lui. J'essuie une larme avec mon épaule. 

- Parce que... ils me manquent aussi et je voudrai les voir. Et je n'ai pas envie que tu sois triste. Il faut que tu me crois, Eddie. Maman fait tout ce qu'elle peut pour qu'un jour, tu puisses rencontrer papa. 

Il y eut un silence où je sanglotais légèrement en regardant la lettre de Livai dans mes mains. Cette simple lettre avec ces trois phrases qui étaient ma première trace écrite de mon mari depuis presque trois ans. 

Eddie ne semblait plus me croire. 

- Je suis fatigué, marmonna-t-il en rampant sur le lit. 

- Hein? Heu... oui. J'arrive. 

Je me relève pour ranger les lettres dans mon sac. Eddie s'enfonçait déjà dans la couverture. Il boudait. D'habitude, il aurait réclamé au moins deux histoires et un bisou. Je frotte mes yeux et retourne vers le lit pour m'allonger à côté de lui. 

Je lui embrassais le front. Il resta impassible puis ferma lentement les yeux. Je pose mon coude sur l'oreiller pour le regarder s'endormir. Je caresse sa joue toute chaude. 

- Tu commences à te méfier de ce qu'on te dit, tu ressembles de plus en plus à ton père, murmurais-je. 

___

Je ne dormais que d'un seul oeil depuis le début de la nuit, me réveillant régulièrement. J'écoutais les bruits aux alentours avant de me rendormir. 

- Vous avez vérifié cette maison, s'écrit une voix dans la rue. 

Je me réveille en sursaut et regarde aussitôt la fenêtre. La rue était éclairée, sûrement par des torches. Je sors vivement du lit pour regarder discrètement la rue. 

Merde! Un petit groupe de soldats frappait aux portes du village. Leur équipement ne ressemblaient à aucun que je connaissais. Ils s'attaquaient à l'auberge. Je les entendis toquer à la porte. 

Instinctivement, je regarde le meuble et me dis qu'il n'y a rien de plus suspect que de trouver une chambre barricadée. 

Du calme, Violet! Du calme! Une chose à la fois!! 

Mon sang bat fort dans mes tempes. Je me sens au bord de la crise de nerf. Je me frappe les joues pour avoir les idées plus claires et réfléchir à la meilleure solution possible. 

Bon, aucun des types que j'ai vu ne me disent quelque chose. Cela veut dire qu'ils ne me connaissent pas non plus. J'ai arrêté l'armée avant que la 105ème brigade soit intégrée à cause de ma grossesse. Ils ne savent pas qui je suis. Personne ne sait pour Eduard.

Ce sont sûrement ces fameux Jaegeristes...

Merde! Je suis conne. Eren était au courant que j'ai un fils avec Livai. Il les a sûrement informés. Ils ont peut-être même ma description physique!! Bordel, j'aurai vraiment dû rester dans cette putain de maison à me barricader dans la cave. Je n'ai pas le choix. Je dois la jouer au culot et espérer qu'ils ne savent pas qui je suis. 

A première vu, je ressemble plus à une voyageuse qu'autre chose. Je n'ai pas l'allure d'une soldate. 

Et Eduard, il ne faut pas qu'ils le voient. 

- Bordel, soufflais-je en allant le réveiller. 

Les soldats discutaient avec le propriétaire et Fanny. C'était certains qu'ils allaient fouiller l'endroit. Ils semblaient chercher quelque chose. Peut-être même nous! 

- Eddie, murmurais-je. Eddie, réveille toi! 

Il marmonna quelques mots avant de vouloir se rendormir. Je l'attrape pour le sortir du lit. 

- Eddie, écoute moi! C'est très important! 

- Maman, qu'est-ce qu'il se passe? 

Ses yeux étaient encore mis clos et il ne tenait pas debout tout seul. 

- Il y a des soldats qui fouillent la maison. Il ne faut pas qu'ils te trouvent! 

Je lève la tête pour inspecter la pièce. Il n'y a rien à part l'armoire. Je n'ai aucune autre option.

- Maman, je comprend pas. C'est pas des soldats comme papa? Peut-être qu'il est là, fit Eddie en se frottant les yeux. 

- Non! Il est pas là. Et eux, ce sont des mauvais soldats. 

- Comment tu le sais? Je veux regarder!

- Eddie, écoute moi! Je sais ce que je dis! Ces soldats là nous ferons du mal. C'est pour ça qu'il faut que tu te caches. Et tu ne fais pas de bruit. 

Je le pose dans l'armoire mais il continue de protester!

- Non, il va faire tout noir dedans. Je ne veux pas. 

- Eddie... Je t'en supplie. Il faut que tu ne fasses pas de bruit. C'est comme quand on joue à cache cache, tu te souviens? A la maison... Tu es très fort à ce jeu. Tu fais pareil! Tu ne bouges pas! Tu ne fais pas de bruit! Il ne faut pas que les soldats te trouvent! Sinon ils vont te faire du mal, tu comprends? 

- Oui, maman... 

- Je t'aime de tout mon cœur, sanglotais-je en le serrant contre moi. Il ne faut pas qu'ils te trouvent. 

J'entendais du bruit dans le couloir. J'attrape vivement la couverture pour recouvrir Eddie avec. 

- Maman, et si j'ai envie d'éternuer?

- Tu te retiens! M'exclamais-je en fermant la porte du placard. 

Je me tourne vers le meuble devant la porte. Il faut que je le bouge avant qu'il arrive et silencieusement. Je craque mes doigts et prend une grande inspiration avant de le soulever légèrement. 

Merde! C'est vraiment lourd et je n'ai plus la force d'antan. Mais je n'avais pas le temps de m'y attarder car j'entendais les soldats discuter dans le couloir. Mes jointures me brulent. Je repose le meuble le plus silencieusement possible à sa place d'origine et reprend ma respiration. J'essuie mes mains contre ma robe. 

Il y eut un long moment de silence pendant lequel j'espérais qu'ils oublient ma chambre mais j'entendis toquer. Je tentai de me calmer et ébouriffai mes cheveux pour donner l'impression qu'ils venaient de me réveiller. 

Je pris une grande inspiration en attrapant la poignée et ouvrit lentement la porte. La lumière du couloir me fit sincèrement mal aux yeux. 

- Bonsoir, madame... Désolé de vou... Violet? 

Sérieusement? Ce sera la deuxième personne qui me reconnait aujourd'hui. Je pensais pas être si "populaire". Mais je fus rassurée que cette personne ne m'ait pas appelé capitaine. 

Enfin... cela a été de courte durée quand mes yeux s'adaptèrent à la luminosité. Je blêmis devant l'homme en face de moi. De tous les soldats du monde, il a fallu que ce soit lui. 

- Ty...ler...

- Eh bah, ça alors! J'aurai jamais pensé te croiser ici, s'exclame-t-il en s'accoudant à l'encadrement de la porte. T'étais pas dans le bataillon, toi? 

Toute cette ancienne peur que je pensais disparu remonta au fond de ma gorge. Ce type... m'a harcelé pendant 3 ans mais il se présentait à moi comme une fleur, nullement gêné. 

J'ouvris la bouche pour répondre, très mal à l'aise de me retrouver face au blond, mais je fus interrompu par un soldat derrière lui. Je souffle doucement pour garder mon calme. 

- Commandant, on a fouillé toute la maison. Pas de traces de la majore et du caporal-chef. Ils ne semblent pas être passés par ce village. 

Mon sang se glaça même si je ne laissais rien transparaître. Merde! Hanji et Livai sont vraiment tous les deux recherchés par l'armée. Et que fait Tyler ici? C'est un Jaegeriste? 

J'avais trop de questions en tête et pas assez de temps pour y réfléchir. 

- Hum... Continuez à suivre la rivière, ils ne doivent pas être bien loin. Le vieux est déjà sûrement crevé vu son état. On va bien les retrouver. Il me reste juste cette chambre à inspecter. Vous pouvez disposer. 

- Entendu! 

Quand le soldat disparut dans les escaliers, le blond se tourna à nouveau vers moi avec un sourire que je ne connaissais que trop bien. Mais je ne faiblis pas, mimant toujours une certaine fatigue et un désintérêt pour cette histoire. 

- Alors? T'es en congé dans ce village de plouc? 

Je m'éclaircie la gorge. 

- N...non, je rendais visite à une vieille amie: Fanny, c'est la femme du propriétaire. Tu sais... Ca fait des années que je ne suis plus dans l'armée. 

- Ah... huma-t-il sans se montrer convaincu. Je peux rentrer jeter un œil?

- Bien sûr, fis-je en m'écartant. 

Tyler rentra lentement dans la chambre en regardant négligemment partout. J'essayai de garder mon calme. Je laissais la porte ouverte, au cas où l'envie lui venait de repartir aussitôt. Même si je n'étais pas convaincue. 

- On cherche tes anciens supérieurs. Tu ne les aurais pas croisé, par hasard? 

- Non, ça fait deux ans maintenant. Et puis... comme je ne vis plus en district, je suis assez peu informée sur les nouvelles. 

- Tu vas rire. On était sur le point de choper le caporal-chef et de lui exploser la cervelle mais la majore a réussi à s'enfuir avec le corps en prenant la rivière. Et me voilà depuis le début de la nuit à les chercher alors qu'ils sont certainement déjà mort. 

- A...ah bon? 

- L'explosion. Il se l'ait pris en pleine poire. C'était pas beau à voir. 

Je faiblis. Livai? A moitié mort? 

L'explosion que j'avais entendu il y a quelques heures, il était en plein dedans. Il devait être mourant quelque part à quelques kilomètres de moi. 
J'étais tellement perdue dans mes pensées que je ne l'avais pas vu s'approcher de l'armoire. Mon cœur s'emballa mais il se contenta de passer à côté. Eddie restait silencieux à l'intérieur. 

- Hum? T'as pas vraiment changé, Violet. Même après toutes ces années...

J'hausse légèrement un sourcil mais il n'ajouta rien d'autre. Il traversa lentement la pièce et arriva à la porte. J'aurai pu être soulagé s'il sortait mais il se contenta de la fermer à clef. Le bruit dans la serrure furent comme un coup de poignard dans mon ventre. 

Poignard? Je jette un œil à mon lit.

- Tu me prends vraiment pour un con, Violet, fit froidement Tyler? 

- P...pardon? 

- Je sais... que tu as épousé le caporal. 

Ses mots me glacèrent le sang. Il se tourna vers moi. Ses yeux brillaient dans l'obscurité de la pièce. Je frémis, angoissée. 
J'avais vraiment espéré pendant un instant qu'il n'en sache rien. 

- Et son gamin... il est ici, n'est-ce pas? 

J'étais tellement tétanisée par le choc que je restais sans voix. Je m'interdisais de jeter un regard de panique au placard.

- Mais bon, je crois qu'il y a un moyen que j'oublie ce petit détail. Histoire... de rattraper toutes ces nuits que je n'ai pas pu avoir. 

Mon dos se cogna au meuble alors qu'il me surplomba. C'était comme dans mes vieux souvenirs. Il dégageait toujours le même sentiment abjecte qui me faisait si peur adolescente. Sa main caressa ma joue. Ses doigts déferlèrent le long de mes mèches. Je ferme les yeux et serre la mâchoire. 

En cet instant, je pensais à mon fils dans l'armoire, à mon mari blessé quelque part et à ce connard devant moi qui me faisait un chantage dégueulasse. Mes poils s'irisèrent et je fronce les sourcils. 

- Va te faire foutre, enfoiré! M'écriais-je en le poussant violemment en arrière. 

Il tomba bruyamment sur le sol. Je m'élance vers lui alors qu'il tente de se relever. Je lui assigne le plus fort coup de poing que je peux à la mâchoire. Mes mains entourèrent sa gorge et j'y met toute ma force pour l'étouffer. Je savais bien que j'étais incapable de le tuer ainsi. Il faisait deux fois mon gabarie et avait beaucoup plus de force. Mais je n'avais pas d'autre solution qui me venait. Enfin... Je levais la tête vers le lit. 

Il gesticula quelques secondes en dessous de moi et agrippa mes cheveux au niveau de mon crâne pour les tirer. Mon front se fracassa contre le sommier et je restais sonnée quelques secondes. Je l'entendis tousser derrière moi. 

- Espèce de salope! Siffla-t-il. 

Je faufilai ma main sous le matelas. Il rempoigna mes cheveux pour me jeter en arrière. Cette fois, c'était moi qui était au sol. Je voyais flou. Mais je devinai son horrible visage au dessus de moi quand je sentis ses mains entourer mon cou. Avant qu'il se mette à serrer, je levai le genou pour l'écraser contre son entrejambe. Il gémit de douleur et s'écarta en jurant. 

Je me jette sur lui et enfonce en plein fouet le poignard que j'avais récupérer sous mon matelas à la gorge. 

- Violet, attends! S'exclame-t-il en réalisant qu'il allait mourir. 

Il tomba à genou. La lame trancha son cou, laissant une mare de sang sur le sol. Je lâche le poignard et m'éloigne de lui. Son corps tomba mollement et il gesticula en se tenant la gorge mutilée, sortant des sons inaudibles, du sang giclait de sa bouche. Il me jeta un regard horrifié avant de succomber à sa blessure. 

Le silence tomba dans la pièce. Merde... Cela faisait des années que je n'avais pas tué un homme et cela ne m'avait pas manqué. Je lève ma main droite tachée de sang ainsi que mes vêtements. 

Cette habitude... Cette vieille habitude de cacher un poignard sous mon lit avait enfin payé. A défaut des nombreuses fois où j'ai failli égorger Livai ou Iris, elle m'avait permis de me débarrasser de l'homme qui m'avait donne si peur de fermer l'oeil. 

Tyler Grimm...

Je sentis comme un poids sortir de ma poitrine. Je repris mon souffle et passe une main sur mon front. Je saignais à cause du sommier mais la blessure ne semblait pas si importante. 

- Maman, sanglota Eduard. 

Je pose doucement ma main sur la porte de l'armoire pour l'empêcher de l'ouvrir. 

- Mon chéri! Ne sors pas tout de suite! Attends que maman te le dise. Tout va bien se passer. Les méchants sont partis. 

Je n'avais en aucun cas envie qu'il voit ce cadavre baignant dans son sang. Même si Tyler était mort, je n'étais pas sortie d'affaire. Je me baisse pour attraper le poignard ensanglanté et l'essuya avec ma robe. 

- Oh mon dieu, s'écrit Fanny en entrant dans la pièce! 

Elle mit ses mains sur son visage à la vu du corps au sol. Je ne pris même pas le temps de lui expliquer et l'attrapait par les épaules. 

- Fanny! Il faut que vous m'aidiez à déplacer le corps. Les autres soldats vont bientôt commencer à s'inquiéter de sa disparition. 

- M...mais où est-ce que vous voulez le cacher? Oh, madame, qu'est-ce que vous venez de faire? 

- Croyez moi! Il a eu ce qu'il méritait. Je vous paierai pour les dédommagements. J'ai besoin de votre silence. Personne ne doit savoir que nous étions ici. Je quitte le village dès que le jour apparaît. 

Je reprend mon souffle et réfléchis à toute allure. 

- Il y a des gens que vous n'aimez pas dans cette ville? 

- Oui, évidemment. 

- Bon, et bien, j'ai trouvé quelqu'un qui se réveillera avec le corps d'un soldat chez lui et un tas d'autres qui voudront sa peau. 

___

La majore exténuée regardait le feu crépiter au centre du petit abris de fortune qu'elle avait construit. Elle espérait que la forêt aux grands arbres pourrait les garder cacher assez longtemps pour que son ami se rétablisse, même si elle savait qu'ils devraient repartir vite. 

La lune était haute dans le ciel et le vent se faufilait lentement dans les branches. L'herbe était encore mouillé, cela ne faisait que quelques heures qu'elle avait réussi à s'échapper avec l'explosion qui avait blessé mortellement Livai. Il avait survécu alors que tous leur frères d'armes s'étaient transformés en titans, certainement car il est un Ackerman. 

Hanji soupira longuement en frottant les joues de son visage. Son esprit se perdait tant elle regardait les flammes danser devant elle. 

Livai leva lentement sa main droite pour constater quelque chose qu'il avait cru sentir: il avait perdu deux doigts, coupés jusqu'à l'articulation. Il avait mal, très mal et rien ne pouvait l'apaiser. La déchirure de son visage et son oeil meurtri lui brûlaient la peau sous ses bandages. Mais comme dit juste avant, il est un Ackerman. Malgré l'idée de devenir invalide le faisait "franchement chier". 

- Qu'est-ce qu'on fait, maintenant? Soupira la brune, le regard dans le vide. Ce n'est pas comme si nous pouvions arrêter Sieg à nous deux. J'imagine qu'on est forcé de laisser ça à Armin ou Pixis...

La brune cogna son front et tapota son cache oeil. Elle était épuisé à force de chercher une solution à leur situation critique. Puis, elle se demanda si elle avait déjà passé une journée sans utiliser les rouages de son cerveau afin de survivre. 

- Même si nous pensons faire le bon choix... L'île est aux Jaegeristes et nous finirons bien un jour par nous faire tuer aussi. Peut-être... que nous pourrions rester ici ensemble. Qu'est-ce que tu en penses, Livai? 

Elle se tourna vers son ami qui restait silencieux. Son oeil scrutateur se crispa mais il ne disait toujours rien. Hanji comprit le fond de ses pensées sans même qu'il ne prononce un mot. Ce n'était pas compliqué. Un léger sourire dessina le visage fatigué de la majore et elle se tourna pour fouiller dans ses poches. 

- C'est vrai qu'ils t'attendent, admet-elle. Tiens...

Elle sembla vouloir donner quelque chose au noiraud, celui-ci tendit la main et y découvrit le grand anneau argenté qu'il portait habituellement à son index gauche. Il pensait l'avoir perdu lors de l'explosion. Il avait senti sa main vide lorsqu'il s'était réveillé et imaginer son alliance perdu dans un ruisseau ou une plaine de l'île lui retournait l'estomac. 

- Tu as prononcé son nom, tu sais... continua Hanji. Au moins, cela me permettait de savoir que tu n'étais pas mort et que tu avais encore toute ta tête. 

Livai ferma le poing amoindri autour de la bague et le posa contre son torse. 

- Ce putain de bestial, souffla-t-il. Où est-il? 

Il avait enfin parlé, nullement perdu son objectif de tenir la promesse qu'il avait faite à Erwin. Même si Hanji savait que ses os se faisaient lourds et que le temps devenait long dans son esprit et son cœur. Le devoir le grignotant à petit feu. 
Mais elle était heureuse d'enfin entendre sa voix, commençant à douter du fait qu'il l'écoute. La mention de sa femme a dû réveiller ses sens. 

- A Shingashina avec les Jaegeristes, s'empressa-t-elle d'expliquer. Une demi journée est passée depuis. Livai, qu'est-ce qu'il s'est passé? 

- J'ai merdé, avoua calmement le noiraud. J'ai manqué... sa détermination à mourir pour sa cause. Je lui ai encore permis de m'échapper. 

- Je sais que tu as soif de vengeance, mais...

- Je suis tellement bousillé, la coupa-t-il. L'envie de s'enfuir et se cacher pourrait être alléchante mais...

Il s'arrêta et remua contre les couvertures. Il sortit lentement son bras gauche et fit rouler l'anneau entre ses doigts pour le remettre à sa place. Ce simple geste fut une réponse pour la brune. Elle se rassit à côté de lui pour à nouveau regarder le feu. 

- Livai... Tu n'as pas peur qu'ils aient Violet et Eddie? Même s'ils te croient mort...

Hanji s'est demandé pendant un instant s'il était une bonne idée de mentionner leur prénom, devenu vraiment tabou avec le temps. Dès qu'un des jeunes soldats venait à parler de la capitaine Jeder, il recevait automatique une farandole d'insultes et lui était proposé "d'aller se faire voir". 

Livai avait crée un mur infranchissable sur cette partie de son esprit. Personne ne savait ce qu'il pensait mais Hanji devinait assez facilement que c'était de la douleur, à en juger de son agressivité féroce. Le noiraud devait en avoir assez de ménager ce genre de sentiment humain après autant d'année, après la perte de sa famille et ses camarades. La distance avec un enfant est un ressenti qui faisait bouillonner son sang mais ce qui devait l'énerver, c'était à quel point il se sentait autant fragile à se remémorer ce bébé qu'il avait tenu autrefois contre son cœur. 

Hanji reprit son souffle dès que Livai se mit à parler, ayant éviter les menaces:

- Non... Ce choix... que j'ai fait de partir seul n'était pas sans bon sens... J'ai laissé Eduard à Violet car elle est intelligente et débrouillarde. Elle est capable de le protéger. Je la connais... Si un putain de Jaegeristes croise son chemin, elle le tuera de sang froid si c'est pour Eduard. 

Hanji hocha la tête, approuvant ses dires et se souvenant de ses combats à ses côtés. Violet n'était pas la meilleure, n'étant ni endurante ni forte mais avait réussi en un sens à se rendre indispensable. Sa résistance à la douleur était assez impressionnante et désormais compréhensible maintenant qu'Hanji connaissait son passé. 

- J'avoue qu'elle n'aurait pas été de trop lors de tout ce qu'on a foutu ces dernières années. Je ne me rendais pas compte... avant... à quel point je me reposais sur elle... et sur Moblit.

- Moi aussi.

Livai marqua un temps de pause et réalisa qu'il n'avait pas prononcé son nom depuis très, très longtemps. Il avait ressenti quelque chose d'étrange en revenant sur l'île, comme s'il ne s'attendait pas à y revenir. Est-ce qu'il pensait mourir? Pourtant lorsqu'il a quitté sa maison, il était persuadé qu'il allait revenir. C'était peut-être cette longueur insatiable et pénible qu'est le temps qui lui a fait réaliser. 

Il n'était pas immortel. 

S'il mourrait, il ne pourrait pas les revoir. Néanmoins, il n'y avait qu'un chose qui pourrait rendre sa mort un peu plus appréciable. 

- Je... serais capable de me briser chaque os et cracher mon dernier litre de sang... si je pouvais être certain qu'ils sont saufs. Ce n'est pas le cas, alors... ce n'était pas mon moment. Il y a encore des putains d'enfoirés partout dans ce monde de merde. Et une poignée d'entre eux vous veulent nous tuer. 

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