41. Contre-temps II
Je serre mon oreiller contre mon visage en écoutant inlassablement le tic tac énervant du réveil posé sur le meuble en bois. Cela devait faire plusieurs heures que j'étais dans cette chambre à attendre quelque chose. Je n'arrivais pas à fermer l'oeil malgré le fait que je sois épuisée. J'étais sans nouvelle de la situation dans le district, ni du titan de Rhodes Reiss.
Il faisait peut-être jour depuis une heure voir même deux. Je me levai du lit pour regarder la ville par la fenêtre de ma chambre. Je ne voyais rien, le mur semblait intact. J'ai cru entendre du bruit mais j'avais des vertiges donc impossible de me lever avant. Etre habillé d'une simple robe de nuit me donne froid. Je frissonne en serrant mes bras contre ma poitrine.
Je lance un regard à mon costume posé sur la table. A ma veste où sont brodées à plusieurs reprises les ailes de la liberté, sigle du bataillon d'exploration. Des remords m'envahirent aussitôt.
Je suis... une soldate. Nous étions tellement proches. Nous allions récupérer le mur Maria grâce à Eren mais il fallait que cela arrive maintenant.
Je ne voulais pas y croire. Je voulais que cela ne soit que des soupçons infondés. Je faisais la sourde oreille sur mon propre état. Après tout, ce n'est pas du tout le moment...
J'entendis des pas vifs dans le couloir et ma porte s'ouvrit à la volée. Mon visage s'illumina quand je vis Iris rentrer dans la pièce en me cherchant du regard. Je vins à elle et nous nous serrons dans nos bras l'une l'autre.
- Oh mon dieu, tu es en vie, murmurais-je rassurée.
- Bien sûr, je suis plus forte qu'il n'y paraît, ricana-t-elle.
Elle se recula et passa une main sur mes cheveux. Elle semblait aussi fatiguée que moi. Ses yeux étaient surplombés de cernes et son visage était rempli d'égratignures. J'avais envie de lui poser mille et unes questions sur la situation dans les murs.
- Il paraît que tu t'es blessée cette nuit dans la cave. C'est pour ça que...
- Comment va Rhodes Reiss? Demandais-je vivement
- Rhodes Reiss?
- Le titan! C'est lui...
- Calme toi. Ne t'inquiète pas. On en a fini avec lui. Historia l'a tué.
Je soupirai de soulagement. Je n'aurai pas misé sur la blonde pour tuer son propre père mais c'était au moins une chose de faite.
- Et... l'escouade de Livai? Elle va bien?
- Oui, je pensais qu'il serait avec toi d'ailleurs. Après une bataille pareille et au vu de tes blessures... Je ne sais pas où il est. Peut-être avec Erwin en train de faire un résumé de notre état actuel.
Iris aime toujours critiquer la façon dont Livai me traite en tant que femme. Elle n'arrive pas encore à le porter dans son cœur mais je sais qu'elle fait des efforts.
Elle ne peut pas s'empêcher de me protéger.
Mon visage se voila de tristesse. Il n'avait peut-être pas envie de me voir tout de suite après ce que je venais de lui annoncer. Je regarde Iris s'éloigner de moi pour regarder la pièce rapidement. Elle ne fit pas attention heureusement aux livres posés sur le meuble. Je m'adosse nerveusement sur l'encadrement de la fenêtre.
- Bon, capitaine. Qu'est-ce qu'il va se passer maintenant? Demanda-t-elle.
- Maintenant que Rhodes Reiss est mort. Historia est la dernière héritière du trône. Le peuple n'acceptera jamais un état dirigé par l'armée. Elle va devoir devenir la nouvelle reine de ces murs pour réinstaurer la monarchie, expliquais-je en regardant par la fenêtre. Ensuite, le bataillon devra mettre en place une stratégie pour récupérer le mur Maria.
Eren a acquis le pouvoir de solidification dans la cave des Reiss, c'est un énorme avantage pour nous. Et nous avons conclu que nous pouvions nous rendre à Shingashina de nuit afin d'y être au petit matin. Mais bien évidemment, nos ennemis doivent nous y attendre de pied ferme.
Je soupirai:
- Je me demande ce qu'est devenu Kenny Ackerman. Je ne l'ai pas vu dans la cave avec son équipe...
- Qui ça?
- C'est compliqué et long à expliquer. D'ailleurs... Nifa, Abel et Keiji sont morts à Trost à cause de lui. J'ai survécu in extremis. Livai m'a sauvée.
Je repensais amèrement à la chute que j'ai fait du haut du toit pour me sauver, mais qui m'a valu ma blessure au dos. Je mords mon ongle, inquiète. Depuis tout ce temps...
- Je suis désolée, Violet...
Je me redresse vivement de la fenêtre, l'air déterminée.
- Je ferai en sorte que leur mort ne soit pas inutile. Nous récupèrerons le mur Maria! Et nous percerons enfin tous les mystères qui entourent les titans. Après tout ce que j'ai fait, je ne veux que mes efforts soient vains!
Iris esquissa un sourire. Elle se leva de mon lit pour venir à ma rencontre doucement.
- Pour l'instant, tu dois te remettre sur pied, remarqua ma meilleure amie en posant une main apaisante sur mon épaule. Tu vas devoir retrouver ton aplomb d'acier pour aller à Shingashina.
Je lui fis un sourire crispé. Je roule la tête, mal à l'aise de soutenir son regard plein d'espoirs alors que je m'enterre petit à petit dans mes ennuis.
- Est-ce que... tu pourrais demander au médecin quand est-ce que je pourrais sortir d'ici? Normalement, je devrais être alitée mais...
- Eh ben, écoute le, s'entête Iris! Pourquoi vous n'écoutez jamais personne Hanji et toi? Elle se balade tranquillement comme si de rien était. Elle a quand même fait une chute de plusieurs mètres de haut!
- Cela veut dire qu'elle va bien. Ca me rassure, soupirais-je tristement. J'ai tellement eu peur de la perdre à ce moment-là. J'ai failli en venir aux mains avec Livai pour aller l'aider.
Le sourire s'effaça légèrement du visage de mon amie. Peut-être qu'elle commençait à se douter de quelque chose.
- Violet, on est si proche de notre objectif mais tu n'as pas l'air du tout heureuse... Je pensais que tu serais plus enjouée de découvrir ce qu'il se cache dans la cave d'Eren.
- Ah oui, c'est vrai. La cave... fis-je après un long soupire mélancolique.
___
- Les filles, qu'est-ce que vous ferez quand vous aurez fini de servir l'armée? Demanda Benedict en ramassant du bois autour d'elle.
- Attends. Nous ne sommes même pas diplômées que tu nous imagines déjà à la retraite, rouspète Kiama. Tu n'es pas un peu trop optimiste? On a plus de chance de mourir bouffer par un titan que de vieillesse.
- Et est-ce qu'on part vraiment à la retraite, remarquais-je en mettant mon package sur le dos? Certains de nos supérieurs ont l'âge de mes grands parents.
- Je pense que puisqu'il y a tellement de soldats qui passent l'arme à gauche que ceux qui restent sont évidemment importants., continue Iris en rabattant ses cheveux en arrière.
- Tu parles du général en chef Zackley?
- Entre autre.
Benedict se retourne et soupire en voyant notre amie à la traîne. Il faut dire que nous marchons depuis plusieurs heures déjà.
- Bon, Hannah, tu te dépêches!? On t'attends... On va encore être le dernier groupe à finir le parcours.
- Désolée, fit la noiraude en enfilant son sac chargé à son tour.
- Pas moyen qu'on soit dernier, soupirais-je. Avec les demeurées qu'on a en face de nous... C'est parce que nous sommes des filles qu'ils nous ont mis des imbéciles comme adversaire?
On avançait difficilement dans la forêt crampée et dense de végétation. Je guette le ciel au dessus des feuillages, inquiète de la météo qui pesait sur nous.
- Si un jour, j'arrête l'armée, répondit Iris. Je pense que j'irai y raconter mon expérience en tant que femme là bas.
- Ce n'est pas bête, fit Kiama. Même s'ils essayaient de nous faire croire le contraire, on vit quand même pas mal d'inégalités. Il recrute les deux sexes parce qu'ils ont besoin de soldat à tout prix...
- Par exemple... Et puis, même, ce sera encourageant pour les jeunes filles de se dire qu'elles peuvent devenir des femmes fortes plus tard. Que nous ne sommes pas obligés d'être des femmes au foyer. On peut autant donner notre vie que les hommes...
- Ah, tu vas à l'encontre des convictions de Bene, là, ricana Hannah en regardant la rouquine.
Celle-ci balaye ses cheveux d'un geste élégant avant de prendre un petit air hautain qui ne trompait personne. Elle fanfaronne:
- Ce n'est pas parce que je veux me marier que je suis une femme faible, Iris. Je pourrais très bien gérer mon ménage et ma vie de future générale.
- Générale? Rien que ça...
- Il faut savoir viser haut, continue-t-elle. Ne pensez pas que je suis une pauvre petite fille égoïste et bourrée d'ambitions. Sinon, j'irais dans les brigades spéciales.
- C'est elle-même qui le dit, murmura Kiama avec un sourire espiègle. Moi, je pense que je resterai dans l'armée toute ma vie.
Benedict passa sa main autour de son épaule:
- Ne t'inquiète pas, si je deviens ta supérieure, tu seras ma chouchoute!
- Je suis ravie de l'entendre...
- Et toi, Violet, tu ferais quoi si tu quittes l'armée, me demanda Iris?
Je restai silencieuse quelques secondes à réfléchir. Si j'ai rejoins l'armée, c'était pour avant tout me cacher. Mais évidemment, après deux ans, mes espoirs ont un peu changé. Peut-être que tous les discours de motivation de mes supérieurs ont changé la donne.
Même si mes humeurs et mes envies sont changeantes régulièrement, il y a une chose qui est sûre: mon existence en elle-même n'est pas très importante. Je dois me battre pour changer ça et faire mes preuves.
J'espère que rien ne m'empêchera de trouver une passion et une raison de vivre. J'aurai de la chance si je la trouve dans l'armée. Je ferai en sorte de ne pas la perdre de vue. Je suis prête à y offrir ma vie.
___
Je me réveille d'un sommeil sans rêve. Cela fait depuis combien de temps que je suis assoupie? J'ai l'impression que mon corps est lourd et vide à la fois. Quand je me retournai, une silhouette à la fenêtre me fit sursauter et je fouillai sous mon oreiller par réflexe. Pas de poignard, évidemment. Je soufflai de soulagement en reconnaissant mon mari.
- Tu m'as fait peur, rouspétais-je en me relevant légèrement.
- Hum... Toujours ce réflexe de vouloir égorger le premier venu?
J'ignore sa remarque:
- Cela fait combien de temps que tu es là?
- Je ne sais pas.
Sa voix était monotone et sans émotion, comme d'habitude je pourrais dire... Mais ce n'était pas vraiment ça. Il traversa la pièce pour tirer une chaise en bois vers mon lit.
- Je veux dire, que tu es rentré de ta mission, continuais-je?
Il ne me répondit pas. Il s'assit simplement sur la chaise et croisa les jambes en ne me quittant pas du regard. L'ambiance était pesante. J'avalais ma salive avant de sentir des gargouillements dans mon ventre. Cela devait faire une journée que je n'avais rien avalé. Je jetai un regard à la fenêtre pour réaliser que le soleil se couchait. J'ai dormi toute la journée.
- Kenny est mort, lâcha-t-il après un très long silence.
Un frisson m'envahit et je rabats mes jambes près de moi.
- T... tu l'as...?
- Non. Je l'ai retrouvé à moitié crevé au bord de la forêt. Il ne restait plus que lui. Toute son équipe y était passée quand la cave s'est effondrée.
- Je vois...
Je pensais à mon escouade qui pouvait enfin reposer en paix. Ils ont été vengé. Si seulement cela pouvait être le cas pour toutes les personnes que j'ai perdu.
- Il m'a dit un truc avant de clamser, continua Livai.
Je relève le regard. Je m'étais perdue dans mes pensées beaucoup trop vite. Après tout, je cogite depuis plusieurs heures.
- Il... était le frangin de ma mère.
J'écarquille les yeux:
- C... ce qui fait de toi...
- Un Ackerman, ouais, finit-il. Et toi aussi, par alliance.
- Comme Mikasa et ses parents, fis-je songeuse.
- Tout ce qu'il savait, c'était que ma famille était déchue car mes ancêtres étaient en désaccord avec le premier roi. C'est pour ça que nous étions tous persécutés depuis des décennies. Et que ma mère ne m'a jamais dit mon nom.
- Je crois qu'elle a eu raison, avouais-je.
- Hum...
Un autre silence s'abattit dans la pièce. Livai ne bougeait pas d'un cil sur sa chaise. J'étais juste mal à l'aise. J'avais l'impression d'avoir perdu quelque chose avec lui. J'avais appris à lui parler et à le comprendre avec le temps. Mais là, je me retrouvai face à un parfait inconnu, en manque d'idée. Son doigt frottait son alliance, signe qu'il devait réfléchir nerveusement.
- Alors? Demanda-t-il.
Je baisse le regard et louche sur mes mains froides et abimées. Je serre mes lèvres et me racle la gorge.
- Cinq semaines, répondis-je en citant le médecin. Peut-être même six...
- Tch...
Peut-être qu'il avait espéré pendant un moment que je me sois trompée. Après tout, il aurait pu y avoir tellement de choses qui expliquent mon état. Une simple maladie... Mais non, sur ce coup, la malchance était de notre côté: j'étais bel et bien enceinte.
Le date était encore incertaine... Je me fiais au retard de mes règles qui est de six semaines mais je le suis peut-être depuis longtemps que ça.
J'avais tellement eu de retards dans ma vie... C'était devenu... une habitude.
- C'était un risque qu'on avait, murmurais-je. Mais...
- Hum?
- Il... y a peut-être un moyen de régler le problème, proposais-je timidement en relevant un regard plein de sous entendus.
- Tu es sérieuse? Pesta-t-il.
- Je dis juste ça comme ça.
Il se baissa vers moi, les yeux exorbités et la mâchoire serrée. Mon cœur rata un battement et je me reculai légèrement mais il agrippa mon poignet.
- Tu t'es déjà pavanée sachant que t'étais en cloque depuis plusieurs semaines. Il est hors de question que t'ailles crever sur une putain de table d'un cabinet clandestin!!
Il avait haussé le ton à mesure qu'il parlait. Sa poigne se serrait autour de moi. Je frémis et réplique:
- Oui mais enfin, on n'en veut pas de cet enfant, Livai! Et qu'est-ce que je vais faire tout ce temps? Attendre sagement que mes camarades aillent se faire tuer pour récupérer le mur Maria?
- Oui, c'est ce que tu vas faire!
Je dégage mon poignet de sa main violemment. J'avais mal à la poitrine. Je rouspète:
- Non, je suis une soldate, une capitaine! Des gens comptent sur moi! L'humanité compte sur moi, m'énervais-je. C'est aussi mon travail, mes recherches, mon combat!! J'ai dédié ma vie à l'armée! Ca ne peut pas s'arrêter maintenant, je...
Ma voix déraille. Je retins à nouveau mes larmes. Mon cœur vibrait tellement fort qu'on pourrait croire qu'il allait sortir de ma poitrine.
- Tu... n'as pas le choix, Violet. Ce n'est... ni l'endroit ni le moment... pour...
- Je sais! Cinglais-je, les larmes aux yeux.
- C'est pourquoi tu vas devoir quitter ton poste, explique Livai en croisant ses doigts.
- Pardon? Livai, c'est hors de question! Et mon escouade? Hanji...
- Réfléchis, tu ne vas pas aller cueillir nos ennemis avec ce putain de gosse dans ton bide! Je vais m'arranger pour t'éloigner des combats discrètement.
- Tu es sérieux, murmurais-je, la voix meurtrie?
- Peu de gens savent que nous sommes mariés, j'aimerai encore moins qu'ils sachent qu'il y a un gamin à la clef. Ne le dis à personne.
- Très bien donc pendant 7 mois, je fais la morte, c'est ça? Et je reviens comme une fleur comme si de rien était?
- Non. On va trouver une maison entre les murs où tu pourras te cacher.
- U...une maison? Bégayais-je, abasourdie.
- Ouais. T'as merdé, Violet. Alors maintenant, tu fais ce que je te dis, quand je te le dis! C'est clair?
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