.Sans fin.
Tout était flou. Tout était devenu trouble, le monde tournait, et il entendait son coeur cogner contre sa cage thoracique. Sa tête lui semblait tellement lourde, et surtout, il faisait horriblement froid. Ses membres étaient presque insensibles ; il essaya de bouger ses doigts, sans résultat.
Des voix lointaines lui parvenaient. Une tête apparut devant ses yeux, mais il n'arrivait pas à voir correctement ; la tête ouvrit la bouche, et dit quelque chose, mais Shi n'entendit rien. Il avait une étrange envie de pleurer, de se réfugier dans les bras de quelqu'un qui l'aime.
Une main le gifla. La douleur vint au ralenti, chauffer sa joue. Il tenta de parler, mais il n'arrivait pas à articuler.
On lui jetta de l'eau chaude sur le corps. Il toussa, le nez lui piquait et ses yeux étaient pleins d'eau ; pourquoi rien ne pouvait être agréable ?
Sans savoir pourquoi, il se souvint précisément de la première nuit où il avait couché avec une fille ; elle avait des cheveux châtains, un corps parfait, un sourire magnifique. Il avait été pendant des jours dans le café qu'elle aimait, pour pouvoir la regarder, se rassasier de sa présence. Et un jour, elle était venue lui parler. Tout était allé très vite. Ils avaient pris un taxi, étaient allés chez lui, et leurs corps s'étaient mélangés ensemble, comme dans un rêve.
Et lui, bête comme quand on aime, lui avait dit son secret. Elle était partie froidement, en promettant de ne pas le dénoncer, mais l'étincelle dans ses yeux dorés s'était éteinte. Il avait pleuré, espéré, haï, mais elle n'était jamais revenue.
Maintenant, face à ces inconnus flous qui lui disaient quelque chose qu'il n'entendait pas, il aurait voulu qu'elle soit là, qu'elle le prenne dans ses bras fins.
- Oh ! Putain, on a trop mis de sédatif. Maintenant, il est défoncé à mort. De toute façon, ça doit pas le changer, regarde sa tête, on dirait un camé, dit l'un d'eux.
- C'est un bâtard de Terrien, tu t'attends à quoi, un type de bonne extraction qui vit sainement ? répondit un voix grinçante.
Shi laissa tomber sa tête sur ses épaules. Il commençait à en avoir plus qu'assez. Si seulement on lui avait donné la chance d'être quelqu'un d'autre, il l'aurait saisie... Être un garçon ordinaire, avec un travail facile. Sa naissance avait décidée pour lui.
Mais son frère avait eu plus de malchance que lui. Shi l'avait trouvé par hasard, seul, dans une rue. Il avait subtilisé de la nourriture, de l'eau, des couvertures, et même loué une petite cabane pour pas cher. Leur ressemblance était si évidente que Shi avait tout de suite compris qu'ils étaient frères. Pourtant, impossible de ramener un autre enfant à ses parents adoptifs, qui se serraient déjà la ceinture pour nourrir Shi.
Et l'impensable s'était produit. Les morts avaient attaqués son jumeau.
- Shi...
Vespera était juste à côté de lui. Elle était belle, ses yeux bleus presque fermés et ses cheveux longs coulants autour de son corps. Elle tendit sa main vers lui, mais pas assez discrètement.
- Salope de Terrienne ! Ah, ça me dégoûte, ils sont vraiment obsédés, ces sous-race, dit une grosse femme. Elle écrasa la main de Vespera sous sa botte noire.
Vespera hurla. Ses doigts bougeaient nerveusement, et un craquement se fit entendre. Elle tenta de changer ses ongles en griffes, mais n'y arriva pas.
Shi commençait à reprendre un peu ses esprits. Il regarda un peu autour de lui, et vit Norem, complètement dans les vapes, presque endormi.
Une porte coulissa. Un grand homme vêtu de blanc entra, ses chaussures claquaient sur l'asphalte. Il parla rapidement à la grosse femme, puis se tourna vers eux.
- Mes chers amis ! Voici enfin venu le moment de vérité ! Vous êtes prêts ? On va... Vous... Allez, devinez ! dit-il joyeusement, ses yeux se plissant derrière ses lunettes fines.
Voyant qu'il n'obtenait aucune réponse, il fit une moue dépitée.
- Vous n'êtes pas très coopératifs. Les derniers étaient plus amusants, ils n'arrêtaient pas de papoter, c'était très sympa ! Je leur ai même proposé de boire un thé, avant de... Enfin, vous verrez, coupa-t-il en mettant une main sur sa bouche, pour cacher un sourire excité.
À la grande surprise de Shi, Vespera rit doucement. L'homme s'approcha d'elle, et lui releva le menton d'un geste doux, presque amoureux.
- Qu'est-ce qui te fait rire, poupée ? Tu me trouves drôle ?
- Vous...savez qui je suis ? dit-elle avec effort, une lueur de malice au fond des yeux.
Il mima une expression paniquée, avant de rire aux éclats.
- Bien sûr, Kissio ! C'est même ton père qui a donné l'ordre que je m'occupe de toi et tes petits amis Terriens, hurla t'il presque.
Elle lui donna un coup de pied dans le tibia, folle de rage.
- Mais c'est qu'on a affaire à une petite peste ! Mettez-lui les chaînes, ordonna-t-il avec sérieux.
Deux hommes s'approchèrent d'elle, et entourèrent ses chevilles et ses poignets de fers énormes, reliés à des chaînes rouillées.
- Pas la peine pour les trois autres, ils sont déjà bien amochés, murmura l'homme.
Shi avait presque oublié l'existence de Lorelei. C'est vrai, elle était arrivée hier. Tout lui semblait si lointain...
En regardant un peu, il la vit, totalement normale, mais allongée comme si elle ne pouvait pas bouger. Son pouvoir avait dû l'aider à assimiler le sédatif, après tout. Elle faisait semblant, pour se protéger. C'était intelligent de sa part, mais ça ne l'aiderait pas à se sortir d'ici.
Le sol, les murs, et l'absence de fenêtre, tout indiquait qu'ils étaient pris au piège dans quelque chose d'immense. Une grande structure digne d'une toile d'araignée, d'où ils ne pourraient pas sortir facilement. Mais dans quel but les avait-on capturés ? Pour faire des expériences sur eux ?
Oui, c'était probable.
Pourtant, Shi sentait que la vraie raison était toute autre. On leur dissimulait la vérité, depuis des années, et maintenant, ils étaient proches du but. Vraiment proches.
L'homme en blanc s'approcha à nouveau de Shi.
- Toi, mon petit, tu vas venir avec moi. Et je vais te montrer. Tu veux ? demanda-t-il avec une expression presque suppliante.
Pour toute réponse, Shi cracha par terre.
Et d'un seul coup, le ciel se mit à tourner.
Pour devenir une machine grise.
Qu'est-ce que c'était que ce bazar ?
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