.Étoile.
Vespera sourit. Un sourire dénué de joie, comme si toute l'ironie suintait de son visage.
- Toi aussi, alors, murmura t-elle en posant d'un coup sec la tasse en verre. Tu viens de la même étoile que moi...
Il ne put s'empêcher de corriger.
- La Terre n'est pas une étoile. C'est une planète, vivable d'ailleurs. Enfin, aujourd'hui ça doit être compliqué d'y habiter, ajouta-t-il pour lui.
Elle leva les yeux vers la fenêtre, cherchant un endroit où poser les yeux. En fait, malgré son assurance, elle était terrifiée. Ses mains étaient moites, son coeur battait trop vite et elle ne sentait plus ses jambes dans la combinaison moulante qu'elle avait dérobé à un garde. Elle avait envie de pleurer. Oui, elle était fière d'être partie, mais qu'est-ce qu'elle allait devenir ? Personne ne pourrait l'embaucher ou l'héberger quelque part, ils la reconnaîtraient immédiatement, et alors ce serait le retour forcé au Palais.
- Hé. Si... Tu n'as nulle part où aller... Tu peux rester ici le temps de rebondir. Mais je te préviens, c'est pourri comme coin, dit Shi derrière elle.
Ça ne lui ressemblait pas de proposer de l'aide sans rien demander en retour. Il était casanier, et très égoïste. Mais un lien curieux s'était créé entre eux depuis qu'elle avait révélé être terrienne. Une sorte de fraternité, de soutien entre étrangers à Ganymède, même s'ils ne se connaissaient pas. Après tout, il avait toujours cru être incapable de rencontrer une personne comme lui.
Elle avait besoin d'être protégée. Le temps qu'il lui apprenne comment se débrouiller en dehors de son palais doré.
Elle hocha la tête sans le regarder, embarrassée par sa générosité. Des milliers de questions se bousculaient dans sa tête ; elle avait envie de lui demander s'il avait vécu les mêmes choses qu'elle, si lui aussi avait des capacités hors-normes, s'il avait déjà été repéré... Mais rien ne sortait de sa bouche. Le garçon en face d'elle agissait comme si tout était sous contrôle. Pas de stress visible sur son corps, pas d'agressivité contre elle. Comme s'il l'avait toujours connue, et qu'il ne courait aucun risque.
- Tu sais que si on apprend que je suis chez toi, tu sera tué ? demanda-t-elle quand même, en sachant déjà ce qu'il allait répondre. D'après ses impressions, il n'était pas du genre à avoir peur des conséquences des risques qu'il prenait.
- Je m'en fous. Un peu d'action, ça fait pas de mal, répondit-il simplement avec un petit sourire.
Le chaton monta sur la table et s'assit au bout, fixant la jeune fille de ses prunelles dorées. Il avait l'air de la surveiller.
- Toi aussi, tu viens de la Terre... Puisque ce sont mes ancêtres qui ont amenés le premier couple de chats sur Ganymède, dit-elle doucement à l'adresse de la petite boule de poils.
Il ferma les yeux, avant de se rouler en boule.
- Tu vis seul ? Personne ne va me voir si je reste ? fit-elle avec inquiétude.
- Je vis seul, personne ne comprendra que tu es là si tu restes ici. Si tu veux sortir, tu vas devoir te déguiser par contre.
Elle ne répondit rien. Shi s'approcha de la fenêtre, ouvrit les rideaux et se plongea dans la contemplation de la Ville en action. Comme c'était la nuit, tout était parsemé de lumières artificielles, bleues, rouges, violettes, vertes, oranges. Lumières qui clignotaient, qui s'effacaient parmi les nuées de vaisseaux traversant les routes tracées dans l'air.
- Toi aussi, tu sais faire des choses que les autres ne savent pas faire ? Je me trompe ? entendit il du fond de la pièce.
Il se retourna. Elle attendait une réponse, la curiosité affichée en toute lettre sur son visage fin. Comment lui dire... Il n'avait jamais parlé à personne de tout ça, alors ce n'était pas à une étrangère qu'il allait se confier.
- Et toi ?
Il renvoya la question. Ce serait plus simple d'expliquer son cas après elle.
Pour toute réponse, elle fit apparaître des ventouses reptiliennes au bout de ses doigts, des écailles sur son visage et allongea la taille de ses cheveux.
- Je sais changer mon corps à volonté, conclut-elle simplement.
- C'est... Impressionnant, ne pût s'empêcher de dire Shi face à cette démonstration.
- Oui, pas tellement en fait. Quand j'étais au Palais, interdiction de faire ça. J'avais pas vraiment l'occasion de m'amuser tout court.
Shi s'apprêtait à répondre quelque choses, mais au même moment, des coups violents résonnèrent contre la porte d'entrée.
- Ouvrez ! Police ! On cherche une fugitive !
Le visage de Vespera se figea, le regard écarquillé de terreur. Mais ça ne dura qu'une seconde. Elle se mit immédiatement au fond de la pièce, sous le lit. Shi n'eut pas le temps de lui adresser la parole, il remit vite ses lentilles et ouvrit la porte calmement pour ne pas paraître suspect.
Quatre hommes aux visages sévères, à la carrure imposante, se trouvaient face à lui.
- Oui ? Qu'est-ce que vous me voulez ? demanda négligemment le jeune homme.
- On cherche une gamine en fuite. C'est une criminelle. Elle est activement recherchée. Si vous savez quoi que ce soit, vous êtes dans l'obligation de nous le dire ou vous le regretterez... Amèrement, conclut le policier avec un rictus qui n'annonçait rien de bon.
Le coeur de Shi battait à toute vitesse dans sa poitrine, mais il gardait la tête froide. Elle était bien cachée, il en était certain. Mais... Une criminelle ? Elle lui avait dit qu'elle était juste une fugueuse, fugueuse royale certes, mais elle n'était pas censée avoir fait quelque chose d'illégal, quoi qu'en disent les policiers.
Et si elle avait menti ?
Si les policiers disaient vrai ?
Mais il avait vu de ses propres yeux son corps changer, ses yeux bleus, et il était sûr qu'elle n'était pas une illusion.
Non, la vérité était qu'on avait menti aux policiers. Elle était seulement obligée de rentrer chez elle, comme une petite fille désobéissante. À cette pensée, le jeune homme ne put s'empêcher de sourire, avant de laisser passer les laisser passer, avec un pincement au coeur. Pourvu qu'ils ne la trouvent pas...
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